Chapitre 6.2

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Parfois, je voudrais qu'ils ne soient plus là. Ce n'est pas bien, je le sais, mais j'aimerais tant être libérée d'eux... Oui, je veux que Théobald et Marylène meurent.

L'aimait-il à ce point ?

Dans leurs yeux grands ouverts se reflète la peur, et leur visage est crispé dans une terreur sans nom.

Ses yeux fixent le vide d'un air effrayé.

Les paroles de Saal tournaient en boucle dans l'esprit de la jeune femme, se mêlant aux images superposées d'Aphélie, des brigands et de Marylène étendue aux côtés de son mari, et ils avaient tous les yeux vitreux, froids, morts d'effroi... Avait-elle autant de sang sur les mains ? Si ce que disait le voyageur était vrai, elle avait déjà souillé une bonne partie de son âme.

Il était vrai qu'elle n'avait pas pleuré longtemps à la mort d'Aphélie, alors qu'elle ne s'était jamais sentie aussi proche de quelqu'un qu'en compagnie de la jeune fille. Mais tout de même, de là à être devenue une mauvaise personne ?

Et pourtant, elle ne pouvait passer outre la puissance qu'elle avait ressentie en tuant. C'était un sentiment sans égal, froid et doux à la fois, mêlée d'une sorte de contemplation morbide qui l'effraya. Qu'était-elle devenue ? Elle était si différente de la petite fille servante de Diluculum, cette fillette si simple qui n'avait qu'à penser à la prochaine lessive qu'elle ferait et au prochain repas qu'elle devrait cuisiner !

Il lui semblait que quelque chose clochait dans ce qu'elle était devenue. Il ne faut pas contraindre les esprits, avait dit Saal ; mais elle n'avait pas eu l'impression de les contraindre, plutôt de les supplier – ce qui n'était guère plus glorieux, mais tout de même un peu plus respectueux.

– Il y a une limite à sentir, n'est-ce pas ? fit-elle d'un coup.

Un silence pesant régnait depuis que les voyageurs s'étaient remis en route ; cela faisait bien quatre heures que personne n'avait parlé. Saal tourna vers Dia un regard attentif, intrigué.

– Entre contraindre et demander, je veux dire. Il y a une limite que j'aurais dû sentir.

Elle se mordilla la lèvre, un peu gênée de réaborder le sujet.

– En effet.

– Comment est-ce que j'aurais pu la voir ?

– Tout dépend de l'esprit. La plupart du temps, c'est assez facile à percevoir. Ça devrait être... naturel.

Saal secoua la tête, comme pour chasser une pensée dérangeante.

– Mais j'ai sûrement oublié ce qu'étaient les sensations d'un novice, ajouta-t-il aussitôt. Ça viendra si tu es attentive aux esprits.

– C'est simplement que je suis inexpérimentée ?

Diafthora avait élevé le ton, et Saal eut une hésitation.

– Aphélie est morte à cause de mon inexpérience ? fulmina-t-elle.

– Tout s'apprend, Dia, dit-il doucement.

– Alors apprends-moi ! Apprends-moi, toi !

Ils s'étaient arrêtés au milieu du chemin, Diafthora toute tremblante de rage et Saal au calme imperturbable. La toisant de toute sa hauteur, le voyageur chercha le regard de sa compagne. Comme elle l'évitait, il lui saisit le menton pour la forcer à le regarder.

Mais sa voix était toujours sereine.

– C'est exactement ce que j'essaie de faire. Je t'ai donné la première leçon, celle de l'incitation, celle qui défend de contraindre. C'est à toi de l'appliquer maintenant.

Pendulum - Les Ombres de la Maître-EspritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant