Chapitre 8.2

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Cela faisait plus d'une heure que les deux Maîtres-Esprits étaient assis dans la bibliothèque du Foyer. Il n'y avait personne hormis eux et il commençait à se faire tard, mais Dia n'y prêtait pas attention, tant elle était concentrée sur l'ouvrage posé devant elle. Contes de Mondes Légendaires, disaient les mots sur la couverture d'un rouge passé – d'après Rudio en tout cas.

Elle-même ne comprenait pas. Elle avait beau tenter de mémoriser chacune des vingt-six lettres de l'alphabet, s'user les yeux à tenter de reconnaître les syllabes, cela ne donnait rien. Alors Rudio lisait pour elle, et elle suivait en même temps en glissant le doigt sur la page couleur crème où était inscrite comme une suite de signes cabalistiques.

« Ce n'est pas grave si tu ne comprends pas tout de suite », avait dit Rudio. « Il faut savoir apprécier les mots pour mieux les apprendre. »

Alors Dia écoutait, et elle suivait en même temps. La voix rauque mais exercée du doyen lui avait conté l'histoire d'un garçon et d'un petit cheval sans nom et puis, deux pages plus loin, celle d'une petite fille et d'une fée. C'était des contes pour enfants, avec un style pas terrible, mais le temps des mots compliqués et des livres épais viendrait plus tard.

Rudio tourna encore la page après l'histoire de la petite fille et de la fée – Les Poupées de Brindilles, disait le titre en grosses lettres calligraphiées. Dia avait réussi à déchiffrer « poupées », Rudio avait complété. Du suivant, en revanche, elle ne reconnut aucun mot.

– J'aime bien celui-là, dit le doyen. C'est une vieille légende, elle s'appelle Le Magicien des Mémoires.

Il prononça lentement les mots en insistant bien sur chacun. Puis, il commença la lecture.

Willem n'était à l'origine qu'un paysan issu de l'un des nombreux Mondes. Il travaillait toute la journée dans les champs de son père, bêchant, semant, cueillant. Étant le benjamin de neuf fils, il n'avait pourtant que peu de reconnaissance de la part des siens.

– C'est ce mot, « reconnaissance » ? demanda Dia en apposant son doigt sur le livre.

– Oui, c'est celui-là, sourit Rudio.

Il poursuivit :

Un jour qu'il travaillait la terre, un mouvement près de lui attira son attention. Le jeune homme regarda de plus près et aperçut une toute petite créature ailée posée sur une feuille. D'abord, il crut à un étrange insecte et s'apprêta à retourner à son ouvrage ; mais soudain, la créature parla, d'une voix si claire et si forte qu'elle ne pouvait qu'être amplifiée par une quelconque magie. Elle dit :

« Will, il faut que tu viennes avec moi. »

Surpris, le jeune homme se pencha et examina attentivement la créature. C'était en vérité une magnifique fée aux ailes translucides et au regard troublant. Elle était si légère que la feuille sur laquelle elle était assise ne ployait même pas.

« Qui es-tu ? » demanda Willem suspicieux. « Et pourquoi devrais-je venir avec toi ? »

La fée ne répondit pas et s'en alla. Mais le lendemain, lorsque le jeune homme revint aux champs sous les premiers rayons du soleil, la fée était de nouveau là. Elle était assise sur la même feuille que la veille, immobile.

« Will, il faut que tu viennes avec moi. »

Et comme la veille, elle ne voulut répondre à aucune de ses questions, se contentant de s'en aller dès qu'il en posait une.

La fée revint ainsi tous les jours, et tous les jours elle lui disait la même chose. Au bout d'une semaine, Willem agacé décida de l'ignorer. Il cessa de prêter attention à elle et travailla sans plus se soucier de sa présence.

Pendulum - Les Ombres de la Maître-EspritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant