Chapitre 8.1

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Lorsque Dia se réveilla, midi était presque là. La jeune femme était étendue dans un lit moelleux, le plus confortable dans lequel elle ait jamais dormi.

A peine eut-elle ouvert les yeux que les présences la frappèrent de plein fouet. Il lui sembla être allongée au milieu de centaines de morts, et que tous parlaient d'elle en même temps, emplissant son esprit de mille chuchotements glauques.

La nouvelle...

Vous avez vu la nouvelle ?

Oui je la vois ! Je la vois.

Comment est-elle ?

Elle a les yeux clairs.

Dia se massa doucement les tempes, luttant pour revenir à la réalité. Quand elle parvint enfin à se redresser, elle se mit à observer les lieux.

La pièce, vaste, semblait être une ancienne chambre qu'on aurait reconvertie en infirmerie. Il n'y avait pas de fenêtre, mais la lueur de dizaines de bougeoirs diffusait une lumière réconfortante dans chaque recoin. Le lit où était allongée la jeune femme trônait dans le coin le plus éloigné de la porte, entre un petit bassin et une table couverte de remèdes.

Saal était assis sur une chaise à côté de Dia, qui en eut le cœur tout réchauffé. Elle n'avait pas osé espérer qu'il la veillerait.

– Bien dormi ? dit-il une fois qu'elle eut observé tout son soûl. Tu aurais pu me dire que tu ne te sentais pas bien, tu sais ?

La porte s'ouvrit sans laisser à Dia le temps de répondre. Son grincement couvrit les voix des morts et résonna étrangement dans l'ambiance feutrée de l'infirmerie. Un sourire franc se dessina sur les lèvres du voyageur, qui détourna aussitôt son regard de la convalescente.

– Saal ! J'étais en forêt pour méditer, on vient seulement me prévenir de ton arrivée. Tu aurais dû envoyer quelqu'un m'annoncer ton retour !

– C'est que je ne voulais pas te déranger.

Dia s'assit à grand-peine, détaillant la nouvelle venue.

Elle semblait tout juste avoir dépassé vingt ans. Sa peau mate dévoilait qu'elle était originaire des Îles-Basses, cet archipel tout au sud de Sigice où le soleil tapait bien plus fort que sur le continent. Même sa robe grise aux larges manches et à la coupe simple ne parvenait pas à lui ôter son élégance. Plus encore que ses cheveux bruns et lisses ramenés en un demi-chignon délicat, son attitude même trahissait une haute naissance. Elle aurait pu être habillée en souillon et avoir tout de même l'air d'une reine.

Sa voix était trop enjouée, son port trop hautain. Elle déplut à Dia.

Pas à Saal.

Passant son bras autour de la taille de la nouvelle venue, il l'attira à lui. Il l'enlaçait avec tendresse, une tendresse que Diafthora n'avait pu que rêver, et quand il posa ses lèvres sur celles de la Maître-Esprit à la peau mate, ce fut cette fois bien réel.

Et alors que leur baiser se faisait plus fougueux, le visage du voyageur s'illuminait, laissant s'assombrir sans compassion celui de Dia. La jalousie, petit à petit, se frayait un chemin dans son cœur malmené, et un mélange cruel de fureur et de désarroi menaçait de faire rouler d'amères larmes sur ses joues.

Et leur étreinte durait, et les morts chuchotaient, toute une éternité.

Vous avez vu la nouvelle ?

Elle a les yeux clairs.

L'éternité passa.

– Tu es donc la nouvelle recrue, dit la femme.

Pendulum - Les Ombres de la Maître-EspritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant