Chapitre 5.1

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Ils les poursuivaient.

Leurs pas résonnaient derrière elles. Ou étaient-ce ceux de la miraculée qui se mêlaient aux siens ? Dia ne savait plus. Elle n'avait pas le temps de se retourner pour vérifier.

Il fallait courir, courir toujours plus vite ; et elle courait.

Elle fuyait, emmenant avec elle cette enfant qu'elle n'avait jamais vue et qui pourtant lui semblait proche, si proche ! Elles étaient deux rescapées du bûcher, unies par la fuite et le rêve. Leurs mains étaient jointes, leurs pas coordonnés.

Ceux des Inquisiteurs, derrière, semblaient plus lointains. Dia se retourna, ne vit rien. Peut-être avait-elle tout imaginé, après tout : les soldats devaient avoir assez à faire avec la diversion de Saal.

Vers le sud, avait-il dit. Allaient-elles seulement dans la bonne direction ? Il semblait à Dia qu'elle avait perdu tous ses repères.

– Là ! Elles sont là !

Les deux filles sursautèrent, aux abois. Ils les traquaient. Elles étaient leurs proies.

Dia tira sa compagne par le bras. Il fallait qu'elles aillent plus vite, beaucoup plus vite. Mais la jeune fille faiblissait. Son souffle se faisait haletant, ses pas moins assurés. La voyageuse serra plus fort sa main dans la sienne. Comme si cela pouvait hâter leur fuite.

Elle-même peinait, à présent. Derrière, les soldats se rapprochaient. Ils étaient plus grands, plus forts, plus rapides. Ils étaient prédateurs, et elles étaient leurs proies.

Dia n'aimait pas être une proie.

A côté d'elles, le sol était creusé d'une sorte de ravin envahi de végétation. La pente était abrupte, mais cela n'avait pas l'air très profond.

Dia regarda derrière son épaule. Encore quelques foulées, et ils les rattraperaient.

Un autre regard, pour sa compagne cette fois. Elle était à bout de forces. Elles l'étaient toutes les deux.

La chute serait rude. Les flammes du bûcher et l'acier des soldats l'étaient plus encore.

Resserrant son étreinte sur le bras de la jeune fille, Dia les jeta toutes deux dans le ravin.

La brutalité du choc et la cruauté des ronces sortirent enfin la fuyarde de la torpeur apathique où elle s'était murée. Ce fut comme un réveil après un long et douloureux cauchemar – un cauchemar plein de flammes et d'ombres blanches. La réalité l'assaillit sans délicatesse.

Tu vas brûler.

Le feu avait tout emporté.

Tu vas sentir la fumée noircir tes poumons, et puis ton corps s'embrasera.

Le feu l'avait tout emportée.

Ta peau se craquèlera, ta chair se calcinera.

Ils la lui avaient prise. Elle avait l'impression que la moitié de son âme était partie en fumée.

Et il ne restera plus de ton horrible petite figure de sorcière qu'un misérable tas de cendres offert à la vue de tous.

Les larmes, enfin, roulaient sur ses joues égratignées.

Agenouillée à même la terre, elle se laissa aller. Sans retenue. Elle n'avait plus de retenue à avoir. Qui la jugerait ? Seul l'avis d'Agnès comptait, et Agnès était morte.

Morte !

Regarde bien...

Elle essaya de hurler. Même cela était au-dessus de ses forces.

Pendulum - Les Ombres de la Maître-EspritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant