Chapitre 21 - Partie 2 - Cauchemar ✔️

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Vendredi 31 décembre 2021

Benjamin Pavard

Dehors, je sors mon téléphone et me dépêche d'appeler ma mère. Une tonalité retentit, elle répond.

- Lucie va bien ? Et la petite ? Je t'ai mis sur haut parleur. Tout le monde t'entend.

L'inquiétude se perçoit dans la voix de ma mère.

- Elles vont bien. Le décollement ayant causé l'hémorragie est stoppé mais Lucie vient de perdre les eaux, annonce-je.

Le silence à l'autre bout du fil se fait long.

- Allo ? Vous m'entendez ?, questionne-je.

- Oui oui, reconnais-je la voix de mon père. On peut venir vous voir ?

- Oui, mais l'accouchement n'est pas pour tout de suite. Il y a quelques heures à attendre encore.

Je n'ai pas le temps d'ajouter autre chose que ma mère s'écrit que toute la famille arrive dès que possible.

Je vais devenir Papa. Jusqu'à aujourd'hui, ça paraissait tellement proche et lointain à la fois. Mais maintenant, tout est concret. Je vais rencontrer ma fille dans quelques heures.

Je remonte dans la chambre. Lucie ne semble pas aussi enthousiaste que moi à l'idée de cet accouchement imminent. Son regard pensif est dirigé vers la fenêtre, sa main caresse son ventre tendrement.

Il est déjà quatorze heures passés de quelques minutes. Il ne reste plus qu'a attendre que le temps passe.

Je m'assois dans le fauteuil à côté du lit. Lucie ne daigne même pas à me regarder. Je ne sais pas si c'est à moi qu'elle en veut ou à elle même. Elle ne prononce aucun mot. Le silence de la chambre est entrecoupé par le bruit des machines. L'ambiance est pesante. Les secondes passent, les minutes défilent, aucun mot, aucun regard. Elle m'ignore totalement. Même lorsque la sage femme se présente à nouveau, elle l'ignore. Son regard vide est tourné vers la fenêtre. Ce qui aurait du être le plus beau jour de notre vie se transforme en journée sans parole, sans bonheur.

Il est dix-sept heures quand un toc toc se fait entendre à la porte. Nos parents sont enfin arrivés avec Lucas. Un semblant de sourire apparaît sur le visage de ma fiancée.

- Comment vas-tu ?, demande la mère de Lucie.

Pour toute réponse sa fille hausse les épaules. Je raconte vaguement de ce que la sage femme nous a expliquer concernant l'accouchement. Pour l'instant, l'accouchement par voie basse est maintenu mais si une complication arrive, une césarienne d'urgence est prévue. Je suis inquiet pour la naissance, je ne vais pas mentir mais je ne laisse rien paraitre.

Lucas grimpe sur le lit et se love dans les bras de Lucie.

- Quand je vais voir ma petite sœur ?

- Bientôt, répond Lucie. Bientôt...

Elle ébouriffe les cheveux de notre petit Prince qui l'enlace tendrement. Chaque personne présente dans la pièce ne prononce aucun mot. L'atmosphère est pesante comme si on avait annoncé une mauvaise nouvelle. Pourtant c'est tout l'inverse. Je propose aux adultes de sortir prendre l'air.

Devant la machine à café, mon père pose sa main sur mon épaule. Il ne dit rien mais ses yeux parlent pour lui.

- Elle s'est légèrement énervée, ce qui a causé la perte des eaux. Elle s'en veut pour l'accident, d'avoir mis la vie de notre fille en danger, celle de Lucas aussi. Pour elle, c'est de sa faute tout ce qui nous arrive. Elle a peur, explique-je. J'ai peur...

- Benjamin, ce n'est la faute de personne, tente de me réconforter mon père.

Ma tête sur son épaule, je laisse mes larmes couler. La situation m'échappe complètement. Je ressens plein d'émotions à la fois : l'impatience de rencontrer ma fille, la peur d'un accouchement prématuré, l'inconnu de l'après, ...


Lucie Costa

Les contractions se font de plus en plus longues et rapprochées. Je grimace de douleur mais j'essaye de me retenir. Lucas est allongé prêt de moi. Je l'entends murmurer des paroles à sa petite sœur. Il lui conte les bonheurs du monde extérieur, lui confie les promesses d'un grand frère envers sa petite sœur. Elle n'est pas encore là et pourtant il se comporte déjà comme un grand frère.

Je souris derrière ma grimace. La contraction a été violente. Je regarde l'heure sur l'horloge en face de moi, dix-sept heures trente six minutes. Déjà, plus de trois heures que ma poche des eaux s'est rompue.

Je dois attendre, encore, avant de rencontrer ma fille, quelques heures de plus avant que mon monde soit chamboulé.

***

C'est enfin l'heure, l'équipe médicale entre dans la chambre pour m'accompagner au bloc. Les médecin préfère effectuer une césarienne pour prévenir tout risque de complication suite au poids faible de notre fille prématurée. Benjamin est présent à mes cotés. Nos parents sont rentrés vers vingt et une heures, Lucas tombant de sommeil dans mes bras. Il est resté collé à moi jusqu'à son départ. Sa présence m'a apaisé. Je ne saurais l'expliquer, mais lui près de moi, je n'avais plus peur de ce que l'avenir allait me réserver comme si tout allait se passer sans problème.

Installée sur la table, j'entends les premiers instruments médicaux. Tout ce bruit ne me rassure pas. Benjamin pose son front contre le mien. Je me concentre sur sa respiration calme et régulière pour vider mon esprit. Mais lorsque je ferme les yeux, l'image de mon accident me revient en pleine figure.

Je revois le choc de la voiture qui percute la mienne. Je n'ai même pas pensé à crier. D'abord la terreur m'a empêché de penser. Puis les quelques secondes que dura mon état de conscience se dilatèrent. Et peu à peu, je me suis sentie partir.

La peur s'était transformée en nostalgie. Je n'ai pas revu ma vie en accélérer, j'ai juste repensé à ce que j'aimais : les moments simples de la vie, le bruit du vent dans les feuilles des arbres, observer le coucher de soleil lovée dans les bras de Benjamin, ...

Le couché de soleil, cet instant magique signe de la fin d'un jour et du commencement de la nuit. J'ai cru que cet accident était comme un coucher de soleil sans lever, sans nouvelle journée qui s'annonce à l'horizon. Seule la nuit noire se trouvait devant moi. Je pensais surtout à ma fille, ce bébé qui je pensais, allait mourrir avec moi. Pour ne pas pas pleurer, je pensais à elle, je l'ai appelé par son prénom pour la première fois. C'est la seule chose dont j'avais la certitude exacte à cet instant précis, son prénom. Je ne savais pas où j'allais, mais j'y allais avec elle et ça m'a fait moins peur.

J'étais certaine que cet accident signerait la fin de ma vie et avec la mienne celle de ma fille. Mais aujourd'hui, elle est là, prête à connaitre ce nouveau monde extérieur, à connaître un nouveau jour et de nouvelles aventures, à observer des couchers de soleil mais surtout des levés de soleil.

- Comment allez-vous appeler cette petite ?, nous demande la sage femme restée à nos cotés.

- Louise Arianne Pavard, annonce-je d'une seule voix avec Benjamin.

Je la vois prendre note sur le bracelet qui sera placé au poignet de notre fille.

Ce prénom a été une évidence pour nous. Dès que nous avons su que nous allions avoir une fille, le prénom de Louise s'est présentée à nous comme une certitude. On ne voyait pas un autre prénom pour notre fille.

Minuit pile, elle sort enfin. Elle est le signe d'un nouveau départ dans une nouvelle année. Tout n'est pas si noir dans cet instant irréel...

Mais je suis vite rattraper par la réalité. Elle ne pleure pas, elle devient bleue suite à une cyanose des muqueuses accompagnées d'apnées. Elle lutte pour respirer, ne pousse aucun cris.

L'équipe médicale autour de nous s'active. Mon cerveau est complètement déconnecté de mon corps. Je ne comprends rien à ce qui m'entoure. Notre fille est emmenée dans une autre pièce sans aucune explication. Le rêve se transforme en cauchemar...

Tome 2 - L'Amour triomphe-t-il toujours ? - B. PavardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant