𝟹 | 𝙾𝙸𝙺𝙰𝚆𝙰 (𝟹)

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Bonne lecture !

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Ses vêtements trempés de sueur, marchant dans le camp obscur, Oikawa rejoignit d'un pas lent la villa principale.

Il avait passé les trois dernières heures à s'entraîner dans le gymnase, au fond de la propriété juste à côté des terrains de tennis, et à présent ses muscles étaient assez endoloris pour qu'il réussisse à trouver rapidement le sommeil. La nuit, le camp était aussi sombre que le reste de la ville, privé d'électricité, et en utiliser pour ça serait gâcher le peu de réserve qu'il leur restait.

Des panneaux solaires, des récupérateurs d'eau : ils n'étaient pas non plus sans ressources, mais cela n'excusait pas tout. Dans ce Nouveau Monde, le gâchis était quelque chose que personne ne pardonnait.

Dans un soupir, Oikawa tourna à l'angle d'une tente assez haute. Des tissus épais et une couleur sombre : il y en avait des centaines dans le jardin (qui ressemblait davantage à un parc qu'à un petit bout de terrain) et cela ressemblait à présent à un petit village bien organisé.

Quand il tourna dans l'une des allées principales, une lumière au loin le prit par surprise. Cette couleur orangée, au milieu de l'obscurité presque noire de la nuit, lui donna toute d'abord des sueurs froides : et si les infectés la voyaient ? S'ils effectuaient une attaque en grand nombre, qui réduirait à néant leurs nombreuses barrières ? Puis finalement, une autre pensée écrasa la précédente, car cet endroit ne pouvait être rien d'autre que la place de la villa du Président.

La place de l'Espoir.

Après un temps d'arrêt, les yeux grands ouverts et le souffle court, Oikawa s'élança tout droit vers la lumière. En chemin, il croisa quelques personnes : des mères qui raccompagnaient leurs enfants, des adolescents aux teints verts, des soldats en pleine garde. Mais cela n'égala très certainement pas le monde qu'il trouva sur la place.

Des cris, un brouhaha éprouvant, et une chaleur humaine pleine de colère et d'excitation. Oikawa Tooru déboula dans cette foule en ayant la nausée, mais insista tout de même pour passer : dans le Nouveau Monde, de tels contacts étaient mal vus. Tooru n'aimait pas vraiment toucher des gens en sueur, mais il usa de son grade pour se créer un passage jusqu'à la fosse.

Des années plus tôt, une explosion avait éclaté dans les sous-sols. Une expérience avait très mal tourné, et plus de treize personnes étaient mortes dans la manœuvre : les scientifiques, les médecins, et la famille de trois personnes qui habitaient dans la tente juste au-dessus.

Mais dans un camp, rien ne se perdait, et surtout pas la place, devenue très rare. Le Président Aindreas avait ordonné la mise en place de cette fosse, spécialement pour les exécutions ou les punitions publiques, et la voir chaque fois qu'il passait devait retournait l'estomac d'Oikawa.

Cette fois, quand il arriva sur le rebord protégé par une rambarde, son cœur menaçant d'éclater dans sa poitrine, il fut dégoûté de reconnaître l'un des cuisiniers en contre-bas.

— S'il-vous-plaît ! hurlait-il, appuyé contre le mur en face de la seule entrée de la fosse. Je vous jure que j'ai rien fait, jamais j'aurais osé !

Il leva la tête en direction de l'estrade, de l'autre côté et juste en face d'Oikawa. Le Président regardait la scène avec un regard ennuyé et calme, entouré par ses plus proches soldats. Aucun de souriait, mais pour Tooru se fut évident qu'Atsumu Miya se retenait.

L'homme en bas essaya de se mettre à genoux devant Aindreas pour lui montrer son respect et son adoration. Les autres, autour de la fosse, se mirent à huer et à crier, et la mâchoire d'Oikawa se serra.

— Je vous jure, je vous jure que...

Mais l'homme ne termina pas sa phrase, car la porte de la fosse s'ouvrit violemment. Le silence s'imposa de lui-même, et les survivants autour de lui regardèrent l'entrée de l'infecté avec fascination. Ce dernier grognait et claquait comme un fou, enchaîné au coup par une véritable chaîne en argent : tout d'abord tendue, elle se relâcha d'un coup et la créature n'attendit pas. Après avoir regardé la foule en hauteur, son regard se posa sur l'homme blanc comme un linge et tremblant de la tête au pied, qui secoua la tête avec fureur.

Les yeux pleins de larmes, il se tourna une dernière fois vers Aindreas.

— Je vous en supplie, je...

L'infecté arriva dans son dos comme un animal affamé, et planta ses dents pourries au cœur de sa nuque : une gerbe de sang éclata de sa veine, en même temps que les cris en délire de ce public écœurant. Oikawa regarda la scène avec des yeux écarquillés.

Ce n'était pas la première fois. Ça ne sera pas la dernière.

Parfois, il s'était trouvé de l'autre côté, sur l'estrade.

Une fois terminé, l'infecté termina son repas avec de nouveau grognement, tandis que la foule se mit à chanter les prières envers le Président. Ce Président qui les débarrassait des traîtres, qui les protégeait des montres de l'extérieur, qui leur permettait d'avoir femme et enfants, même dans ce cruel Nouveau Monde.

Qu'avait fait cet homme ? Avait-il même fait quelque chose ? De quoi l'avait-on accusé ? Voler, mentir, manquer de respect ?

Les poings d'Oikawa se serrèrent. Il balaya l'endroit du regard, et croisa celui du Président. Il lui offrit un sourire amusé, bien conscient du fait que Tooru ne se mêlait pas aux chants. Habituellement, il l'aurait fait. Habituellement, il aurait fait le salut qui allait à son rang, en l'honneur de son chef tout puissant.

Habituellement, il aurait tout fait pour ne pas être expulsé, tué, arraché, emprisonné. Mais là, il en avait assez ; depuis des semaines que l'idée tournait en boucle dans sa tête, ce fut ce soir qu'il se décida complètement.

Il fallait partir. Et le plus vite possible.

Alors qu'il se détournait, offrant son dos au Président qui le regardait encore, Oikawa Tooru se rappela du prénom de cet homme. Comme les autres avant lui, il le nota quelque part dans son esprit.

Il disparut loin de la foule, le cœur au bord des lèvres et une colère furieuse dans les veines.

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La mort à genoux || HaikyuuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant