𝟸 | 𝙺𝚄𝚁𝙾𝙾 (𝟷)

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Bonne lecture !

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Autour du grand feu, l'air était chaud.

Kuroo tendait parfois les mains vers les flammes, sentait le bout de ses doigts se réchauffer, puis retournait les mettre dans les poches de son large sweat-shirt. Il aimait bien ce pull : chaque fois qu'il le mettait, c'était un peu comme retourner dans le passé. L'époque de la fac, des matins dans l'amphi, de son air fatigué et du goût du café sur sa langue.

Ces soirées lui donnaient une impression de normalité. Une bouffée d'air, une odeur de nourriture, un son à la guitare.

— Kuroo ?

Une main claqua des doigts devant lui, et Kuroo cligna plusieurs fois des yeux. Quand il se tourna vers Saeko, cette dernière affichait un rictus amusé.

— Bah alors ? T'es plus bavard que ça d'habitude.

Elle lui donna un petit coup de coude, et Kuroo abandonna enfin son air morose et ses souvenirs d'antan. Il força un sourire discret, qui se transforma immédiatement en grimace quand il remarqua qui était à côté de lui.

À sa droite : Saeko. Tout allait bien, il l'appréciait même beaucoup.

À sa gauche : Daishou Suguru. Et là, tout n'allait pas bien du tout.

— T'es là depuis quand, toi ?

L'un des garçons présents leva les yeux au ciel. Il soupira :

— Et c'est reparti...

Saeko, elle, haussa les épaules et attrapa à nouveau sa boisson : la dernière expédition avait ramené une caisse pleine d'oranges, et leur jus était particulièrement goûteux.

— Quoi ? lui répondit Daishou avec la même grimace. Tu voudrais peut-être que je te laisse tous les meilleurs endroits, aussi ?

Ce n'était pas tant de la haine ou du dégoût qui déformait ses traits lorsqu'il regardait Kuroo, que du ressentiment pur. Dans un sens, il pouvait comprendre pourquoi : leur rupture avait fait parler d'elle. Et même trois mois après, rien n'était oublié.

Daishou fronça les sourcils, puis détourna le regard en direction du grand feu. De petites particules s'envolaient dans le ciel sombre, rouges et brillantes, et Kuroo ne sut quoi faire.

— T'étais pas parti en expédition ? demanda-t-il tout bas.

Personne ne les écoutait vraiment : ils avaient tous appris les à ignorer, autant quand ils flirtaient que quand ils s'engueulaient.

— Si, petit génie. Mais je suis revenu, comme tu peux le voir.

Daishou porta son verre à ses lèvres, et observa la petite foule qui discutait autour du feu. Le regard ailleurs, Kuroo comprit qu'il essayait de l'ignorer. Mais qu'il n'y arrivait pas forcément.

— C'était pas trop dur ?

— Une expédition, quoi. Bon, à quoi tu joues ?

Il se retourna vers lui, le regard irrité.

— Rien, je veux juste parler un peu. Tu sais, comme ils sont tous en train de le faire...

Il balaya la quinzaine de personnes assises sur les troncs d'arbres couchés d'un revers de main. Un petit brouhaha s'était installé.

— Et t'as décidé de me parler à moi ?

Kuroo essuya brièvement ses mains moites sur son pantalon. Il déglutit.

— Bah, ouais. Écoute, je sais qu'on s'est pas beaucoup parlé depuis quelques mois, mais...

— Mais on est déjà pas beaucoup sur cette île alors si en plus on s'évite ça va faire chier tout le monde. Je sais, ouais. Ils me le répètent tous.

Daishou soupira, puis se tourna enfin légèrement vers lui.

— Bon, je suis passé à autre chose.

— Ah bon ?

— Parfaitement. Tu n'as jamais été le centre de ma vie, Tetsurou. Je me demande même comment j'ai pu sortir avec toi. Oh, et arrête de faire cette chose avec ton visage, comme si tu parlais avec ton ex que t'as largué comme de la merde.

Il afficha un faux air désolé, et posa ses doigts sur ses lèvres.

— Oups, ajouta-t-il, et Kuroo ne put s'empêcher de sourire.

Son cœur battit plus rapidement, et les mots de Daishou tournèrent quelques secondes dans son esprit. Il le méritait bien, après tout ça.

Quelques mois plus tôt, alors que ses sentiments devenaient de plus en plus incertains, que tout se passait trop bien dans ce monde où décidément rien n'aurait du bien se passer, il avait pris la très mauvaise décision de passer une soirée en compagnie d'Akaashi Keiji.

Car Akaashi Keiji était beau, Akaashi Keiji lui souriait, et Akaashi Keiji avait un beau sourire. Le temps d'une soirée, il avait cru sentir son cœur se serrer agréablement, et avait rompu avec Daishou le lendemain.

Sans trop savoir pourquoi, car son air peiné rempli d'incompréhension lui avait fait plus mal que tout.

Au final, Akaashi Keiji était sorti avec Bokuto, et ils étaient partis ensemble loin d'ici.

— Bon, dit-il. On redevient meilleurs ennemis, alors ?

— T'as quoi ? Cinq ans ?

Ils entendirent Saeko rire un peu de son côté, et échangèrent un regard.

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La mort à genoux || HaikyuuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant