𝟻 | 𝙺𝚄𝚁𝙾𝙾 (𝟷)

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Bonne lecture !

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Presque au centre de l'île, un peu vers l'ouest, un immense arbre avait poussé et menaçait de s'écrouler à chaque orage. Histoire de l'utiliser à bon escient, une cabane avait été construite au moment de sécuriser l'île, à leur arrivée, et servait d'observatoire.

Les étoiles, les incendies, les tremblements de terre, les vagues un peu trop fortes.

Cette cabane, haute dans les branches, était bien cachée par les feuillages épais de cet arbre sans aucun doute millénaire. En arrivant au pied du tronc, devant les planches clouées au bois qui montaient jusqu'au ciel, Kuroo se mordit la lèvre et jeta un coup d'œil en direction de Suguru.

Ce dernier, blanc comme un linge et essoufflé, s'accrochait à sa batte de base-ball comme si sa vie en dépendait. Ce qui était sans doute le cas, pour être honnête.

— J'ai pas eu à aller à l'observatoire depuis des mois, grogna-t-il en se retournant vers Kuroo. Je déteste cette foutue cabane.

— Personne ne l'aime depuis que Mizuno s'est pétée la cheville en grippant.

Cette petite fille, qui avait vu sa blessure s'infecter jusqu'à lui voler sa jambe gauche, était simplement tombée en sentant l'une des planches céder sous son poids. Personne n'était remonté depuis, et au diable les problèmes climatiques.

— On doit vraiment y aller ? chuchota Suguru en soupirant.

Derrière eux, au loin, l'incendie du camp projetait une lumière rougeâtre dans le ciel. Ils pouvaient encore entendre des voix, des cris et des ordres : ces gens avaient sûrement terminé ce qu'ils étaient venus faire.

Kuroo déglutit, une boule dans la gorge.

— Je crois, ouais. Si on voit pas par où ils sont arrivés, on pourra pas...

— Je sais. Je sais, d'accord ?

Il prit une grande respiration, puis lui donna un coup dans l'épaule avec la sienne.

— Pierre-feuille-ciseau ?

— Ouais.

Ça avait toujours été ainsi : ils s'engueulaient pendant des heures, puis finissaient par régler ça au chifoumi. Cette fois, il fallait être rapide.

Trente minutes plus tard, Kuroo émergeait en premier du sol de la cabane, de la sueur plein le front. Les membres tremblants, remplis d'une adrénaline qui ne voulait pas redescendre, il se hissa sur les lames de bois puis aida Suguru à s'étaler à son tour dans la poussière. Ils profitèrent du calme et de la fraîcheur de la cabane quelques secondes, avant de se redresser en entendant un coup de feu au loin.

Leurs regards se croisèrent, et la main de Daishou se resserra autour de celle de Kuroo. Son souffle fut proche, tout d'un coup.

— Je hais ces types, putain.

Il se redressa la seconde d'après, la main autour de sa batte, et s'approcha de l'une des fenêtres (qui n'était en vérité qu'un trou dans le mur de la cabane. Il y en avait quatre, et Daishou observa l'ouest. Sa mâchoire se serra tandis que Kuroo se relevait à son tour.

— Ils sont encore là bas. Dans le camp.

Depuis une autre fenêtre, Kuroo pointa l'une des plages de l'île du doigt.

— Ils sont arrivés par là. Regarde.

Au-dessus de son épaule, son compagnon observa le grand bateau qui avait mouillé l'ancre au large. Dans la nuit, la seule chose qu'il voyait était les flambeaux qui parcouraient le pont, ainsi que les quelques lampes à huile encore allumées sur les petites barques en bois qui leur avaient servi à accoster.

— Merde, ce bateau a l'air immense. Ils sont combien, au juste ?

— Bon, au moins ils sont pas arrivés par le port. Si on se dépêche, on pourra peut-être choper un bateau et foutre le camp. Une barque, au pire.

Dans le regard de Daishou, quelque chose se voilà et il se mordit la lèvre.

— Quoi ? demanda Kuroo. C'est pas un bon plan ?

Il pencha légèrement la tête sur le côté.

— C'est un plan affreux, répondit Daishou. Mais c'est encore le meilleur qu'on ait. Non, c'est juste que... on va vraiment partir. Notre vie ici est terminée, hein ?

Dans la poitrine de Kuroo, quelque chose se serra. Il détourna le regard.

Sur le moment, il aurait aimé dire quelque chose. Une remarque, une parole rassurante, une moquerie pour lui changer les idées. Puis il se souvint qu'il n'avait plus ce droit : que Daishou n'était plus une partie de lui, et qu'il le détestait sûrement.

Alors il remballa ses mots doux, et se détourna.

— On doit se dépêcher. S'ils nous attrapent, on...

—... est dans la merde, ouais je sais bien.

Le soleil était encore loin, la lune semblait claire, et Kuroo commençait à descendre de la cabane en s'accrochant aux planches de bois.

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La mort à genoux || HaikyuuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant