𝟼 | 𝙾𝙸𝙺𝙰𝚆𝙰 (𝟹)

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Bonne lecture !

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Le bureau du Président Aindreas était au troisième étage de la villa. En vérité, tout le bâtiment lui appartenait, depuis le rez-de-chaussée jusqu'au toit, mais il avait gracieusement cédé les deux premiers étages à ses pantins les plus proches.

Comme Oikawa, par exemple.

Quand il poussa la porte au bout du couloir sombre, les yeux de Tooru tombèrent sur le bureau en bois du Président, ainsi que sur son visage avenant. Des cheveux blonds comme les blés, un regard clair et un visage anguleux : le Président était, dans l'Ancien Monde, un riche héritier étranger qui était venu habiter ici après avoir vendu son entreprise. Même à l'époque, tout le monde le connaissait : du mannequinat, des pubs, des affiches, des slogans. Son visage avait été partout.

À présent, il devait être dans la trentaine et affichait toujours ce visage calme et amical.

— Oh, Tooru. Je t'attendais.

Une voix douce, presque aimante : il parlait ainsi avec tous les réfugiés, les faisait se sentir spécial, les forçait à l'aimer encore plus. Au début, Oikawa y avait cru. La première exécution lui avait paru presque normale, méritée.

Puis un matin, il s'était senti partir. Il s'était regardé dans la glace, et avait vomi dans le lavabo de sa chambre. Colonel. Ce mot le mettait hors de lui à présent, sachant ce qu'il avait dû faire pour y parvenir.

— Pardonnez mon retard, j'ai été arrêté en chemin.

— Ça ne fait rien, Tooru. Tu sais bien que je ne te gronderais pas pour ça.

Il agissait toujours ainsi avec eux. Un protecteur, un père, un Président. Avec lui d'autant plus, et Oikawa se méfiait de ça depuis des années.

— Merci, monsieur. Vous vouliez me voir ?

Aindreas se leva lentement, avec un sourire apaisé, comme si le monde n'était pas devenu un enfer sans nom. Il fit doucement le tour de son bureau, puis croisa ses bras sur son torse et se reposant doucement sur le bois derrière lui.

Une chemise propre, un pantalon ajusté : le Président faisait toujours attention à sa forme et à son corps, presque autant qu'il prenait soin de son apparence. Avec un visage aussi propre et gentil, on aurait cru un ange.

— Je voulais te voir, en effet.

Il s'était rapproché. Ce qu'il avait à dire, il aurait pu le faire depuis son grand fauteuil confortable, mais il avait tenu à se lever, à se mettre à sa hauteur, à se rapprocher de lui. Immobile, les bras derrière le dos et les jambes tendus, Oikawa le regarda.

Une seconde, et il aurait pu lever le bras pour lui caresser la joue. Ce qu'il avait déjà fait, un soir. Plus jamais.

— En vérité, j'ai toujours eu de grands projets pour toi. Tu es particulier, n'est-ce pas ? Fort et intelligent.

Sa main bougea, et Oikawa se tendit des pieds à la tête. Sa patience était arrivée à son terme, il comptait les secondes depuis qu'Hajime avait accepté de partir, et il fallait que le Président le convoque maintenant. Se doutait-il de quelque chose ?

— Nos réserves se font de plus en plus minces, dit-il avec un air désolé. Et beaucoup de gens vivent dans ce camp : si je ne mets rien en place, les repas se feront plus miséreux encore. Je ne voudrais pas à avoir à prendre la décision de faire partir des réfugiés, tu vois ?

Oikawa voyait bien, oui. Faire exécuter des pauvres voleurs, des gens qui ne souriaient pas assez, des jeunes un peu rebelles : ça, en revanche, ça ne lui posait aucun problème. Juste et droit, tels étaient les mots que les autres utilisaient pour décrire leur Président.

Il hocha lentement la tête.

— Je vais bientôt organiser une grande expédition. Des vivres et de la nourriture : c'est ce dont nous manquons cruellement. Nous avons des camions à disposition, qu'il faut absolument remplir. Est-ce que tu te sens capable de la diriger ?

— Vous voulez dire...

— Je mettrais à ta disposition des gardes et des civiles, qui viendront comme aide. Il faut quelqu'un pour les diriger. Je t'apprécie beaucoup, tu sais...

Cette fois, sa main se leva rapidement et Tooru ne la vit pas, trop perturbé. Des doigts frôlèrent sa joue, il se tendit, et résista à l'envie de fermer les yeux. Un soupir passa ses lèvres, Aindreas sourit, puis reprit sa main.

Un frisson de peur traversa sa colonne.

— Je pense que tu en serais capable. Les camions ont suffisamment d'essence pour faire pas mal de kilomètres. Le temps est compté, Tooru. Il me faudra vite ta réponse. Je ne te force à rien, bien évidemment.

Et comme ça, comme si la conversation avait été assez longue, comme si le Président en avait dit bien assez, il se recula. Tout en faisant à nouveau le tour de son bureau, il ne détacha pas son regard du sien, jusqu'à finalement se rasseoir dans son fauteuil.

— Merci Tooru, tu peux partir.

Et Oikawa n'attendit pas une seconde de plus.

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La mort à genoux || HaikyuuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant