Ruse

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J'avais pris un chiffon sec que j'enfonçais presque aussitôt dans de l'alcool, puis tendais finalement mon bras tremblant, que j'essayais désespérément de calmer, vers la petite blessure sur le torse de l'Apocalypse. Il me dévisageait sans rien dire, alors je tâchais de faire au mieux dans l'espoir de ne pas me retrouver de nouveau enchaînée. J'entendais sa respiration s'arrêter un instant à chaque fois que je posais le tissu sur sa peau, me signalant que je lui faisais mal. Je ne parlais pas non plus, et de temps à autre me grattais le cou qui, j'en étais sûre, allait garder une grosse cicatrice toute moche si cette chaîne restait là où elle était. Je bougeai délicatement ma main, désinfectant petit à petit sa plaie, toujours dans un silence de plomb affreusement gênant. Petit à petit, son corps finit par être recouvert de bandages là où il le fallait, ses blessures pansées.
Va-t-il me relâcher après ça ? Il m'en doit une, donc il a intérêt.
Je le regardais encore méchamment, ce qu'il me rendit presque immédiatement. Il plissait les yeux, faisant se former sur son front comme une ride. C'en était hilarant, mais je me retenais de rire. Je ne flanchais pas et finis même par lever mon menton, agacée une fois de plus. Il ouvrit la bouche, prêt pour une nouvelle réflexion, mais...
Aucun mot ne sortit de ses lèvres entrouvertes.
Je me redressais doucement, et il guettait mes mouvements sûrement pour vérifier si j'allais m'échapper ou non. J'approchais ma main de son visage avec le tissu, mais il m'attrapa brutalement le poignet avant que je n'atteigne sa joue.
Acnologia : Non.
- Ben, pourquoi ?

Je fronçais les sourcils, et le regardais droit dans les yeux comme pour sonder son âme ( que je ne pensais pas qu'il eut eu un jour ) et comprendre son refus.
Il appuya plus fort mon bras, alors je commençais à me débattre pour qu'il me lâche. Au lieu de ça, il tira dessus pour y remettre la chaîne et me rattacher au mur.
- JE CROYAIS QUE TU ME DETACHERAIS DEFINITIVEMENT !
Acnologia : J'ai jamais dit ça, donc tais-toi, Déesse. Tu me brises les tympans.

Devant ces yeux meurtriers, je n'osais plus rien dire et acceptais de me plier à sa volonté, comme toute personne normalement constituée aurait fait pour survivre. Malgré son ton froid, ses gestes brusques et tout le reste, je refusais de tuer l'assassin de tant de gens, tant de chasseurs... tant de dragons. Il me regardait fixement, détaillait chaque partie de moi, à tel point que c'en devenait effrayant, mais je fis de même. Il avait beau vouloir cacher toutes les émotions qui pouvaient surgir de ses yeux bleus profonds, ils semblaient dégager une certaine chaleur. Il partit de nouveau de la salle, mais cette fois, je le suivais du regard jusqu'au bout. Son dos était autant musclé que son torse, et ses épaules étaient parfaitement alignées. Il revint, contrairement à ce que j'aurais pu penser, environ un quart d'heure ensuite avec un plateau repas. Mes yeux s'ouvrirent ronds sous la surprise, et je le regardais sans flancher pour le comprendre.
- Pourquoi, Dragon ?
Acnologia : Bouffe et tais-toi, femme.
- Je ne peux pas, je suis attachée.

Il me regarda encore une fois d'un air mauvais. Mon cou me brûlait à cause des chaines qu'il tirait de nouveau, réaffirmant sa mise en garde au sujet de mon comportement, et tout ça silencieusement. Je m'attendais à ce qu'il change d'avis et mange même le repas qu'il avait apporté devant moi en guise de châtiment, mais il détacha encore une fois mes poignets meurtris avant de tendre le plateau. Il s'installa à côté de moi, pour me surveiller et me tuer en cas de fuite je supposais, pendant que je tendais les mains vers ma récompense.
- Merci, Acnologia.

Je lui fis un sourire sincère : premier que je lui eus par ailleurs fait.
C'était également la première fois que je l'eus appelé par son prénom, qui faisait trembler quiconque osait le prononcer. Ses yeux s'ouvrirent sous la surprise, et il baissa la tête en soupirant bruyamment.
C'est sa façon d'être mal à l'aise, on dirait.
Pourtant, il ne fallait pas que je reste là trop longtemps. Je devais continuer mes recherches. Je devais le retrouver, le faire payer. Je devais tuer Un Dragon, moi aussi.
Les yeux bleus de mon geôlier me dévisageaient, comme s'il cherchait à lire dans mes pensées les plus sombres. Ou peut-être continuait-il de me surveiller.
Je terminais alors mon repas, me sentant tout de suite moins faible, et acceptais même sans rechigner que le monstre me remette mes chaînes. Chose qui l'a par ailleurs autant surpris. Mais il ne disait rien, comme concentré sur autre chose. Comme perdu dans ses pensées. Il était rare de pouvoir l'analyser ainsi, sans défense.
Je parvenais même à voir de plus près ce qui semblait être un collier, dont ce qui se voulaient être les perles étaient des dents de Dragons. Je tendais le bras difficilement vers celui-ci, tentant d'être discrète, mais il m'attrapa de nouveau le poignet en me lançant un regard mauvais.
Acnologia : Pas touche, femme.
- Pourquoi ? Ce n'est même pas toi, Dragon, que je touche, c'est un vulgaire collier. Pas besoin de surréagir.
Acnologia : Je ne t'ai jamais autorisé à l'ouvrir, Déesse, donc ferme ta jolie bouche avant que l'envie de te mettre une muselière ne me prenne. Reste à ta place et tais-toi.
- Dis-moi, Dragon. Pourquoi ne pas me tuer ?

Il ne répondit pas à ma question et se contenta de me faire un regard plus cruel encore que celui d'avant.
Acnologia : Pas de repas demain. Ni après-demain. Continue de parler et ça augmentera, Déesse du Vivant.
- Donc je vais vivre encore au moins deux jours. Quelle bonne nouvelle.

Il se leva lentement, pris d'une immense colère, et me mit la plus grosse droite que jamais je ne m'étais reçue.
Je crachais mon sang quand il me releva délicatement le menton, seul geste à peu près doux depuis un moment, en haussant le sien.
Acnologia : Oui, tu vivras deux jours. Mais encore une fois, continue et je te tue immédiatement.

Je savais à son ton hautain qu'il ne plaisantait pas. Si je voulais retrouver l'autre Dragon, j'allais devoir me taire, et ça, peu importe ce qu'il pouvait bien dire.

{ FIN FLASHBACK }

? : Lyla ! C'est l'heure de rentrer !
Lyla : J'arrive Maman ! Désolée Madame, je ne pourrai pas entendre la fin de votre histoire... mais c'est pour ça que vous êtes toute triste ?

J'affichais un doux sourire devant le regard peiné de la fillette. C'était la réalité non ? J'étais triste. Et je n'avais aucune raison de le cacher.
Je passais mes doigts sur mon ventre légèrement douloureux et pris de picotements. Je soupirais, avant de me lever lentement alors que la petite souriait en bougeant son bras en guise d'au-revoir.
Eskisse, Dieu du Vivant.
Ce monstre était à l'origine de ce qu'autrefois je jugeais comme un malheur, mais ma malédiction m'avait permis de rencontrer le dragon de l'apocalypse. Alors peut-être que de là d'où il était, je pouvais le remercier...

Je repris alors ma route, celle qui menait à eux.
Celle qui menait à Sabertooth.
Ce chemin semblait empli de bonheur : tous souriaient, à ma plus grande exception. Moi, j'étais seule, à moitié morte mais pourtant, j'étais là, maudite, vivante. Je ne pouvais pas le rejoindre.
Mais comment allais-je pouvoir faire pour me venger ? Je refusais de les tuer trop vite, ils méritaient la souffrance que moi je ressentais. Allais-je jouer la comédie ? Allais-je les torturer ? Non, c'était contre mes principes d'autrefois. Contre ce que je m'étais juré, contre ce que j'avais dit à Acnologia.
Je continuais alors encore et encore de réfléchir, espérant un jour me réveiller de ce cauchemar qui, je ne le savais pas encore, ne faisait que commencer.

Je te Vengerai, Acnologia { Acnologia x OC }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant