31. Tendresse

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Nous marchions depuis une bonne demie heure dans le silence. Je fermais la marche en surveillant mon compagnon d'arme devant moi. Comment avait-il pu ne jamais me parler de ses troubles de mémoire? Les autres étaient-ils seulement au courant? Oui, ils le savaient définitivement tous. Du moins, le conseil. Alors pourquoi ne me l'avait-il pas dis à moi? Venant de sa part, cela me blessa plus que cela ne le devrait. J'aurais juré qu'il n'avait parlé à personne de son passé de soldat d'élite -même si sa réputation parlait pour lui- tandis qu'il s'était confié à moi. Que cela pouvait-il bien me changer qu'Adonis ne se rappelle pas de tout à cause des produits injectés par l'empire?

Sans que je ne m'en sois aperçu une seule seconde, l'occupant de mes pensées avait ralenti sa cadence pour arriver à mon niveau. Le chemin étant juste assez large pour nous laisser passer, Adonis se colla contre moi. Il laissa courir le bout de ses doigts le long de mon poignet dans une agréable caresse. Je sentais qu'il voulait se faire pardonner de ne m'avoir rien dit. Je n'étais même pas en colère contre lui en réalité, je ne comprenais simplement pas pourquoi il m'avait caché ce secret.

-Je ne t'en veux pas Adonis, lâchais-je mal à l'aise du blanc qui s'était instauré. Je ne comprends simplement pas pourquoi tu ne m'en as rien dit alors que le conseil savait.

Et aussi soudainement que la foudre tapant la terre, en prononçant ses paroles, l'évidence me frappa. Je n'en n'avais plus rien à faire de cette guerre ou de ma vengeance. Je me battrais avec toute ma puissance mais seulement dans le but de sauver Adonis. Il n'y avait plus que lui qui comptait. La mort de Deleo, celle de l'empereur, la vie de mon peuple... Tout ça n'était qu'un plus. Je voulais qu'Adonis vive, c'était la seule chose qui m'importait. Je le protégerai, quoi qu'il puisse m'en coûter.

-Je ne voulais pas te mêler à ça, s'excusa t-il en baissant la tête. Je m'en suis toujours voulu de ne pouvoir être plus utile alors que je sais, non je sens que les informations sont coincées dans une partie de ma tête qui refuse de s'ouvrir.

En regardant le visage amèrement tendu de mon ami, se fut mon cœur qui se serra. J'avais dit vrai, je n'en voulais pas à Adonis. Je ne voulais pas qu'il me protège, cela n'était pas nécessaire, j'en avais connu d'autres. Découvrir encore une fois une nouvelle facette de mon ami se révélait acerbe. Pour la première fois, Adonis ne m'apparaissait ni triste, ni joyeux, ni en colère. Il était déçu de lui même d'une force qui réussit à m'émouvoir. Parce que je n'étais pas d'accord avec lui. Non, ce n'était pas de sa faute si Adonis avait voulu venger son frère lâchement assassiné. Il avait été torturé, sa mémoire en payait le prix fort. Je comprenais ce qu'il ressentait parce qu'à sa place, j'étais persuadée que je me sentirais comme lui.

Mais il n'avait pas le droit de s'en vouloir. À mes yeux, Adonis était fort. Si fort, que ce n'était pas une perte de mémoire qui pouvait remettre en cause ma vision de lui. Mon cœur se mit à battre rapidement à cause de la rage. Je ne pouvais pas le laisser penser cela de lui même. Je l'aimais bien trop pour ne rien faire face à sa propre peine. J'attrapais de ma main droite sa paume gauche et la capturais entre mes doigts. Je fis un demi tour pour me planter juste devant lui. Avec l'élan, il n'eut pas le temps de s'arrêter et je heurtais mon front contre son menton. Je relevais la tête pour chercher le contact de ses yeux.

Tant pis si les autres nous distançaient, nous les rattraperions bien assez vite. Mes pupilles ancrés dans l'or des siennes, je prenais le temps de contempler l'âme de mon ami. Du bout des doigts de ma main gauche, je m'appliquais à caresser l'intérieur de sa main. Ensuite, je remontais par son poignet et passais lentement sur son avant bras. Je pus l'admirer frissonner à mon passage. Le creux de son coude réagit de la même manière à mon toucher aussi électrisant pour lui que pour moi. Je dus m'arrêter là pour toucher la peau de son bras, coupée par son vêtement.

Quoi qu'il nous en coûteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant