Lexa :
Une forte agitation me réveilla. J'ouvris les yeux, désorientée. Il faisait toujours aussi noir. J'étais allongée sur de la pierre, facilement reconnaissable à sa fraîcheur et à sa dureté dans mon dos. Un fond sonore me rappela que nous nous trouvions au bord de l'eau, très au bord de la source. Des mèches blondes vinrent chatouiller mon nez ce qui me fit éternuer. Pour la discrétion, on repassera. Un grognement me répondit. Clarke, qui s'était retrouvée allongée sur moi resserra son emprise sur mon corps, qui lui servait d'oreiller. Sa tête sur ma poitrine se souleva légèrement puis se reposa, se calant plus confortablement. Un soupir d'aise se fit entendre.
- Tu es toujours là ?
Sa voix endormie était tellement mignonne.
- Bien sûr.
- Comment est-ce possible que tu sois là ?
- Oh eh bien tu sais... il y a très très très longtemps, dans une époque lointaine, des mammifères sont apparus sur la Terre en sortant de l'eau, où auparavant s'étaient développées des bactéries qui peu à peu se sont transformées en être vivants et ...
- Lexa ! Je sais d'où viennent les hommes, mais cela n'explique pas le fait que toi, tu sois là...
- Certains pensent que les femmes proviennent d'une côte prélevée d'un homme avec une histoire de jardin, mais je t'avoue que je n'étais pas très bonne en cours de théologie alors...
- Lexa...
- ...surtout que je ne suis pas d'accord avec cette théorie, pourquoi les hommes seraient le point de départ des femmes ? Cela est insensé, surtout quand on voit la différence anatomique de nos corps, c'est impossible...
- Lexa.
- ... je suis sûre que c'est une invention des hommes pour expliquer nos origines et se donner un peu d'importance quand les femmes règneront sur le Terre. Pauvres choux, ils avaient déjà prévu qu'ils allaient perdr...
- Lexa ! Ça suffit, chut tais-toi. Je te jure que ton avis sur la création du monde m'intéresse et qu'on pourra en parler avec joie mais une autre fois !
- D'accord, de quoi voulais-tu parler ?
- Pense-tu que je me souviendrais de cette discussion à mon réveil ?
- Mais... tu es réveillée, non ?
- Non !
- Eh bien d'accord, je ne pensais pas que tu étais somnambule mais...
- Non !
Elle se relevait un peu plus à chaque invective.
- Je suis dans tes rêves alors ?
- Tu es mes rêves Alexandria.
Je rougis fortement à cette déclaration. Son pouce glissa sur ma joue et elle dut en sentir la chaleur puisqu'elle prit appuie sur son coude pour me regarder. Soudain, ce qu'il devait arriver arriva, et elle glissa dans l'eau, m'agrippant au passage et m'emmenant avec elle. Un énorme « Plouf » résonna dans l'air. Nous avions de l'eau jusqu'à la taille, et la température était un peu froide ce qui nous réveilla instantanément. Ses cheveux détachés n'avaient pas encore pris l'eau mais ses vêtements commençaient à prendre une teinte plus foncée. Les taches de sang sur ses pansements ressortaient douloureusement.
- Il faudrait peut-être que je rince tes blessures...
- Vous souhaitez me déshabiller Commandante ?
Son regard se fit moqueur devant le rouge intense qui colorait mes joues à présent. Son sourire en coin me fit comprendre qu'elle flirtait.
- Dois-je prendre cette question comme un consentement ?
La surprise se peint sur son visage où la gêne de s'être fait prendre à son propre jeu se dessinait. Elle toussa doucement. Gênée. Elle était sublime. Le clair de lune qui l'illuminait rendait hommage à sa beauté. Elle m'avait tant manqué. Je crois que j'étais restée trop longtemps à la regarder amoureusement parce qu'une vague d'eau atterrit brutalement sur moi. Le sourire joueur de Clarke était revenu.
- Comment as-tu osé ?
Un rire joyeux me répondit. En représailles, je me rapprochais d'elle sans la quitter du regard. Elle me fixait, perplexe. Voyant que je ne comptais pas m'arrêter d'avancer, elle commença à reculer doucement. Les yeux dans les yeux comme un ballet de papillons, nous traversâmes la source d'eau clair sur quelques mètres jusqu'à la cascade. La falaise qui lui servait de lit, accueillit le dos de Clarke en douceur. Je me rapprochais encore, toujours plus proche. Ma main droite se faufila dans ses cheveux pour aller se poser sur sa nuque. Je m'approchais encore jusqu'à faire en sorte que nos nez se touchent. Clarke louchait sur mes lèvres qu'elle semblait désirer comme jamais auparavant.
- Qui es-tu ?
Elle releva rapidement ses yeux pour les plonger dans les miens.
- Excuse-moi ?
- Qui es-tu ? Qui est la Clarke avant d'être esclave ? Je veux te connaître...
Mes lèvres frôlèrent les siennes. Son souffle dansait avec le mien. Je caressais tendrement sa nuque du bout des doigts et je sentis le frisson qui la parcourut de part en part.
- Je... J'étais...
Je m'amusais à chatouiller sa jugulaire avec mon nez.
- ...médecin. J'étais médecin.
- Médecin...ça c'est...
- Génial, c'était génial.
Mon rire silencieux la fit frissonner intensément. Une de ses mains vint se glisser à l'arrière de ma tête, mes cheveux emmêlés autour.
- Un compagnon ? Une compagne ?
- Je...
Ma main gauche, libre, se lança à la découverte de sa tunique, essayant de défaire les noeuds qui la retenait. Son souffle s'accéléra.
- Non, rien de tout ça.
En même temps que sa phrase se finit, le dernier noeud se délassa. La tunique tomba lentement à l'eau, pour se mettre à flotter près de nos corps qui se touchaient presque. Les nombreux bandages présents sur son corps cachaient sa poitrine. La vue de ses clavicules et la naissance de sa poitrine me fit perdre la tête. Les yeux de Clarke s'étaient perdus dans le vide, mais quand je relevais la tête pour la regarder, ils retrouvèrent directement les miens. Puis mes lèvres. Encore.
- Lexa...
- Hum ?
- Je peux t'embrasser ?
- J'ai encore des questions.
Un gémissement plaintif sortit de ses lèvres.
- Dépêche-toi alors.
- Où habitais-tu ?
- J'habitais dans un petit village, tout au nord de ce pa... Lexa...
Mes lèvres s'étaient délicatement posées à la jointure de sa mâchoire et de son cou. Mon baiser l'impatienta un peu plus. Elle tira sur mes cheveux pour me relever la tête. Ses yeux plongèrent dans les miens.
- Arrête de me déconcentrer si tu veux une réponse à tes questions.
- Pardon.
Mon sourire moqueur le fit grincer des dents.
- Tu n'as pas l'intention d'arrêter n'est-ce pas ?
- Tu es si belle, comprends-moi.
Son regard noir me fit sourire un peu plus. Mon air de chien battu sembla cependant la convaincre de continuer.
- Je reprends mais cette fois, tu ne m'interromps plus ?
Mon sourire extatique la fit soupirer doucement. Comme devant un enfant que l'on gronde parce qu'il a mangé le fond du moule à gâteau avec les doigts et qu'il s'en ait mis sur le bout du nez.
- J'habitais dans un petit village tout au nord de ce pays. On avait construit des remonte-pentes pour la deuxième saison. À partir de la moitié de l'année, plus aucun chemin n'était praticable sauf à luges de pieds. Le village n'était pas bien grand et tout le monde se connaissait. Les habitants étaient toujours souriants, curieux et adoraient parler de tout et de rien, juste le temps de te redonner le sourire. J'étais le seul médecin pour une trentaine de villages et souvent, c'est moi qui me déplaçais pour aller visiter des patients. La première saison était chaude sans être insupportable comme ici. Un vent de l'Est soufflait légèrement pour rafraîchir et nous n'avions jamais de problème de sécheresse. La saison des récoltes apportait avec elle des inondations dont nous étions habitués. Nous savions qu'elles étaient nécessaires et nous ne nous en plaignions jamais.
Elle parlait de son village avec un sourire évocateur et nostalgique dessiné sur ses lèvres. J'enviais la plénitude qui l'avait envahi depuis qu'elle se remémorait ces souvenirs. Elle paraissait ailleurs, loin, si loin de moi.
- J'avais un chien tu sais...
- Un chien ? Mais pourquoi faire ? Tu chassais ?
- Oh non, loin de là. Ce chien m'aidait. Il m'accompagnait partout où j'allais, portait ou tirait des charges lorsque je ne pouvais pas le faire, décelait des maladies rien qu'en sentant les personnes, ... Oui, nous étions bien rodés tous les deux. Quand je suis...partie, je l'ai confié à mes voisins, un couple de personnes si géniales et si amoureuses qu'à chaque fois que ces deux-là étaient ensemble, ils défiaient toutes les lois et illuminaient le village par leur seule présence. Je les aimais, aime beaucoup.
- Un chien... tu n'es pas un peu jeune pour exercer une telle profession ?
- Tu sais, je n'ai pas eu besoin de faire des études, dans ce genre de campagne, les jeunes commencent un enseignement à partir de douze ans auprès d'un professionnel qui leur apprend tout ce qu'il sait. J'ai eu plusieurs professeurs de très grande qualité.
- Et euh... Ton village savait qui tu étais ?
- Au risque de te surprendre... Oui. Ils savaient. Ils avaient juré de protéger mon secret au péril de leurs vies. Et pour cela, jamais je ne pourrais les remercier assez. Je les admire pour leur courage et la force de leurs convictions. Avant la guerre, ils étaient en excellents termes avec leurs voisins, avec mon peuple. Ils s'entraidaient à la moindre occasion, faisaient la fête ensemble, célébraient les mariages et les naissances comme une seule et même famille. Les anciens du village racontaient cette histoire à tous les solstices autour d'un grand feu au-dessus duquel les villageois expérimentés couraient pour rythmer la soirée et seuls les ancêtres savent combien les jeunes étaient émerveillés par ces histoires de paix et d'amour. Sauter dans les flammes était un rite de passage. Le faire symbolisait la prise de responsabilité et la promesse de toujours avoir le courage d'aimer dans une époque guerrière.
Ses yeux perdus dans le vague me firent sourire. Qu'elle était belle ! Comme j'aurais aimé partager tous ces moments qui paraissaient magnifiques avec elle. Mes lèvres se déposèrent sur sa joue en douceur. C'était léger, comme les papillons qui me retournaient l'estomac à ce moment-là. Elle sembla revenir à la réalité et me regarda en souriant. Son pouce caressa délicatement ma mâchoire. À ce moment, plus de doutes n'étaient permis, je l'aimais. J'hésitais maintenant à briser le silence, surtout en sachant que le sujet de ma question n'était pas des plus faciles à aborder. Mais je vis dans ses yeux qu'elle avait compris où je voulais en venir et qu'elle était prête à me répondre. Qu'elle attendait seulement que je pose la question.
- Et... comment es-tu devenu esclave ?
- Un jour, il y a eu un problème. Des actes de révoltes se faisaient de plus en plus entendre. La misère rendait fous les plus sains d'esprit. La guerre incessante à l'ouest arrachait de plus en plus de fils à leurs parents et aucun ne revenait. Le roi demandait plus que l'on ne produisait. La famine provoquait plus de morts que les vers de farine, pourtant une vraie plaie. Bref, un jour, le pont qui délimitait l'ancienne frontière a explosé. Comme ça. Sans crier gare. Alors l'armée est venue. Elle a envahi notre village si paisible. Elle a apporté la violence et l'adrénaline. La mort. Mais les militaires n'étaient pas préparés au froid. Et quand il arriva, fulgurant comme à son habitude, une centaine de soldats tombèrent malades. On me réquisitionna. J'étais partagée entre mon vœu de soin pour tous et celui de paix. J'ai...j'ai choisi le deuxième. Le général était touché, je devais m'en occuper et le village m'avait tourné le dos parce que j'avais accepté de collaborer avec l'armée. Mes propres amis ne comprenaient pas que cela aurait pu être leurs fils à la place de ces jeunes qui tombaient comme des mouches. Alors pour la paix, j'ai empoisonné le général.
Son regard était devenu vitreux, ses yeux étaient remplis de larmes qui menaçaient de couler. Tout le monde aurait pu comprendre qu'elle n'était pas fière de ce qu'elle avait fait.
- Je l'ai...tué. Je l'ai tué. Les vers de farine se faufilent dans l'estomac pour gangréner l'intérieur et faire mourir leur hôte en quelques heures. Je le savais. Je lui ai donné du pain contaminé. Je savais que sans soin il allait mourir et pourtant, pourtant je suis allée chercher de l'eau à la source sans un regard en arrière, sans remord, sans un regret. Je...l'ai tué.
Une larme dévala sa joue rapidement. Aussitôt, mon pouce sécha son chemin avec délicatesse.
- Quand je suis rentrée au village, il était mort. On m'a tout de suite prise en coupable. Et les habitants m'ont regardé avec une telle tristesse dans les yeux... Ils savaient ce qu'il allait se passer. Ils m'ont ensuite attrapée, traînée sur la place du village pour me fouetter à mort. C'était la punition.
Une deuxième goutte d'eau coula jusqu'à son cou, témoin de sa peur.
- Le couple d'amis hurla encore et encore alors qu'ils m'emmenaient. J'entends encore leurs cris dans mes cauchemars. J'avais déjà eu peur dans ma vie, mais jamais à ce point-là. Je ne pouvais plus bouger alors qu'ils me poussaient à la potence qu'ils avaient installés. Ils m'ont attaché, je me souviens que je tremblais. Ils ont pris un temps incroyablement long pour choisir quelqu'un qui me punirait. J'allais mourir.
Je serrais les poings d'angoisse devant la détresse de Clarke, si je les retrouvais je les tuerais un par un.
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You're my evidence of love's existence (FanFiction)
FanfictionUn autre univers, une autre histoire. Une histoire de prince charmant avec une Commandante à la place du prince et pas vraiment le côté charmant... Injustement, Clarke se retrouve esclave de la Commandante tandis que la couleur de ses yeux et de ses...