Chapitre 8 : La couleur de ses yeux.

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Lexa :

Un claquement se fit entendre puis le son d'un poing cognant contre la porte résonna dans la pièce. Avec un sursaut, Clarke s'éloigna vivement de moi. Dans la seconde qui suivit, un soldat entra dans mes appartements, s'approcha de moi et me tendit une enveloppe blanche. En me la donnant, il me regarda piteusement comme pour me montrer qu'il n'avait rien à voir avec le contenu de la lettre. Puis, il frappa son armure de son point droit en s'inclinant, tourna les talons et s'en alla.
J'ouvris l'enveloppe avec mon index droit. Le papier était si rigide et moi si pressée de découvrir son contenu que je me coupais la main dans toute sa largeur. Rien d'alarmant mais Clarke se rassît à côté de moi et me prit la main pour commencer à me soigner. Je tournais le papier trouvé dans l'enveloppe de manière à ce que Clarke ne puisse pas lire le message.

« L'obéissance est l'expression de la foi du peuple.
La désobéissance est le début de toute rébellion et source de tous les maux.
Un sujet n'en est pas un lorsqu'il n'a plus foi en son maître.
Un maître ne l'est que si son peuple lui laisse les pleins pouvoirs,
Cependant, dans tous les cas, ces pleins pouvoirs sont pris et gardés par la force.

La princesse Alexandria du royaume Trikru est invitée demain matin sur les coups de dix heure avec son esclave personnelle à une réunion dans les appartements du roi.

Que la Lune soit témoin de ces mots et te porte conseil lors de son règne.
Signé : Titus 16, roi du royaume Trikru. »

La lettre était si impersonnelle qu'elle me fit mal. Il me donnait un rendez-vous comme à un marchand ou à un employé qu'il allait limoger. J'étais sa fille. Et il se comportait avec moi comme avec une personne dont il se servait pour les affaires. Je le détestais. J'avais honte de lui. Tellement.
Ma main se serra brutalement entre les doigts de Clarke qui me regarda, perplexe. À la vue de mon visage crispé, elle comprit que quelque chose n'allait pas. Sans un mot, elle m'entraîna dans la salle de bain. Comme si elle voulait me laisser le temps de me calmer, elle se concentra sur ma main qu'elle était en train de soigner. Je ne voulais pas l'inquiéter à cause des mots de mon père mais sa présence dans la lettre m'inquiétait grandement. En posant le dernier pansement, elle dut se rendre compte que ma colère n'était pas retombée. Elle me prit la main et m'emmena sur mon lit.
J'étais assise, fusillant des yeux le papier révoltant qui m'avait été adressé. Clarke se pencha et posa ses lèvres sur ma joue. Longuement. Puis, elle se redressa.
- Essaye quand même de dormir Lexa.
Sa voix avait été si douce. Je ne savais pas comment elle faisait. Elle avait vu que je lui cachais quelque chose et pourtant elle ne réagissait pas.
Elle se leva puis partit se coucher. Je portais ma main à ma joue comme pour réaliser que son contact avec ses lèvres avait été réel. Son toucher me manquait déjà.
Toute la nuit, je me tournais et me retournais, pensant à ce que mon géniteur me voulait. Fixant le plafond, j'imaginais désespérément des scènes de révoltes que je n'aurais jamais le courage d'initier.
Au matin, Clarke arriva et découvrit que j'étais réveillée et elle sourit avec un regard compréhensif. Sa main caressa ma joue comme pour m'affirmer sa présence.
- On est convoquées toutes les deux dans les appartements de mon père à dix heure.
- Et bien, il nous faudra accélérer car il est déjà neuf heure et demi.
Son ton était calme et sa voix posée. Mon stress redescendit immédiatement. Elle avait véritablement un immense pouvoir sur moi.

Lorsque le garde habillé de vert ouvrit la porte des appartements de mon père en ayant préalablement toqué, mon cœur avait décidé de faire une pointe de vitesse qui, je le sais, ne tiendrait pas un marathon.
- Inspire, expire, lentement. Tout va bien se passer, me souffla Clarke.
Nous rentrâmes dans la pièce et découvrîmes que mon géniteur était en train de parler avec Murphy. Les portes se refermèrent dans notre dos dans un grincement grave. Nous étions enfermés.
- Ah vous voilà ! Il était temps, nous commencions à épuiser tous les sujets de conversation avec mon cher lieutenant.
Murphy grimaça à l'écoute des paroles de mon père.
- Esclave ! Cela faisait longtemps. Veux-tu bien t'approcher de moi sans que je n'use la force ?
Je vis Clarke s'avancer lentement, à contre cœur. Lorsqu'elle arriva à un mètre de lui, elle s'arrêta.
- Lieutenant Murphy, souvenez-vous de mon ordre.
- Oui Votre Majesté.
- Bien. Que cela vous serve de leçon.
Et tout d'un coup, il gifla Clarke. Sa tête partit sur la droite violemment. Je serrais les dents. De quel droit ...? J'allais m'élancer pour me mettre en barrage entre Clarke et Lui mais Murphy se plaça derrière moi et m'entoura de ses bras. Je ne pouvais plus bouger.
- Que fais-tu Murphy ?
- Je suis tellement désolé mais j'ai des ordres.
Clarke avait relevé la tête et se présentait à nouveau devant le monarque. Une autre gifle s'abattit avec une telle force que Clarke tomba à terre. Mon géniteur rigola.
- Esclave, où est passée ta fierté ? Celle-là même qui t'a empêché de t'agenouiller devant moi comme tous les autres ?
Clarke se remit debout devant lui. Silencieusement.
- Réponds !
Soudainement, un sourire narquois se dessina sur ses lèvres. Son visage était pour la première fois que je la connaissais, hautain. Elle prenait de haut le roi qui la battait. Comme si elle savait quelque chose qu'il ignorait. Quelque chose qui lui donnait le pouvoir. À elle et non à Lui. Comme si Sa violence était la preuve de Sa bêtise, de Son incompétence.
- Si seulement c'était de la fierté...
L'incompréhension se peint sur le visage tiré de Titus. Avec une violence inouïe, son point atterrit au niveau du ventre de Clarke, puis dans ses côtes. Je détournais la tête. Il m'était impossible de continuer de la regarder souffrir. Seulement, mon père me vit.
- Lieutenant, faites en sorte qu'elle regarde le spectacle.
Fermement, Murphy força ma tête à se tourner.
- Tu vois, Alexandria, ta position t'empêche d'avoir des amis ou autre chose. Maitrise tes sujets par leurs besoins. Ne t'attache pas. Jamais. L'amour est une faiblesse. Observe la douleur et la souffrance des autres et utilise la. Si tu ressens des émotions, tes sujets le savent et peuvent s'en servir. Fais le avant eux. Il faut toujours être le dominant sinon tu sera le dominé. La souffrance est une dissuasion et ...
Un rire cynique se fit entendre. Clarke, qui sous les coups était allongée par terre sur le ventre, rigolait. Puis son rire cessa et un sifflement de douleur sortit de sa bouche. Je me crispais. J'essayais désespérément de me défaire des bras de Murphy qui m'enserraient la taille et les bras. Mais il avait trop de force. Je devais aller voir si elle allait bien. J'en avais besoin. Comme de respirer.
Lentement, Clarke commença à se relever.
- Si j'étais toi, je ne ferais pas ça, tonna le roi. Reste à ta place d'esclave et tout ira bien.
Son sourire narquois toujours plaqué sur le visage, elle finit de se relever avec douceur et en se tenant les côtes.
- Il est alors évident que vous n'êtes pas moi.
Elle se replaça devant lui, à la même place que lors de leur première altercation. Sa posture défiait quiconque de la contredire. Une aura de calme presque magique se dégageait d'elle. Elle était magnifique. Elle illuminait la pièce par sa force morale.
Le visage du monarque se crispa de colère. Il tapa deux fois dans ses mains et le son résonna et tourna dans l'air. Un garde arriva. Il était géant et en entrant dans la salle, il la remplit de sa présence. Il s'inclina devant le roi.
- Soldat, vous savez ce qu'il vous reste à faire.
-Non! Ne fais pas ça !
- Qui t'a dit que tu pouvais me donner des ordres, Alexandria ? Regarde la souffrance des autres pour empêcher ta douleur de te diriger. Apprends que personne ne te viendra en aide. Jamais. je t'offre aujourd'hui une leçon de vie.
Le garde s'approchait de Clarke qui, de peur, avait reculé jusqu'à se placer dos au mur. Il la surplombait de toute sa hauteur prêt a exécuter les moindres ordres de mon père.
- Allez-y et faites en sorte qu'elle retienne la leçon.
Sans s'annoncer, une tempête de coups s'abattit sur Clarke qui essayait malgré tout de se relever après chacun d'eux. Une fois que le garde l'eut compris, il attendait qu'elle se relève, chaque fois plus péniblement que la fois d'avant, pour asséner un nouveau coup.

Mon visage devint du marbre. Glacé dans une expression d'horreur et de remords, il était tourné, par obligation, vers la jeune femme qui subissait la violence que mon royaume impliquait. Mes yeux brûlaient d'une haine dirigée vers celui qui m'avait donné la vie mais qui l'ôtait si souvent à des personnes innocentes. J'avais inconditionnellement peur que Clarke ne se relève pas à la fin de ce cauchemar. Ma mâchoire était serrée et mon regard bloqué, ne montrant au monde extérieur qu'une froideur apparente et un détachement profond. L'homme que je haïssais le plus au monde gloussa devant l'expression de mon visage.
- Tu apprends vite Alexandria. Garde, finissez votre travail.
Et il s'en alla comme s'il avait finit de lire un livre qui lui avait bien plus mais dont il s'ennuyait à présent. Ses pas lents cadençaient désormais les coups que recevait Clarke. Une fois les bruits trop loin pour que nous les entendions, son calvaire cessa peu à peu. Les cinq derniers coups avaient achevé Clarke qui ne put se relever à nouveau. Elle s'était rouler en boule espérant se protéger un minimum des coups de poings et de pieds qu'elle recevait. Le garde qui la battait s'essuya les mains sur son pantalon et sortit de la pièce sans un mot.

A ce moment, Murphy me lâcha et se précipita vers Clarke prostrée par terre. Sous le choc, je ne pus bouger. Mes yeux se fixèrent sur elle, qui avait reculé et recroquevillé de peur devant l'approche de Murphy. Puis mes jambes m'obéirent de nouveau et mes pas me menèrent à ses côtés où je m'agenouillais et posais le dos de mes doigts droits sur sa joue gauche. Doucement. Comme une plume. Son visage avait rougi sous les coups et prenait déjà des teintes bleutées. Elle se tenait le poignet contre son ventre en gémissant doucement. Son chèche était étalé en soleil autour de sa tête et des gouttes de sang coulaient le long de son front à cause des épingles qui tenaient le bout de tissu à ses cheveux.

- Hey Clarke, Murphy va te porter jusqu'à ma chambre, d'accord ?

Malgré le peu de son qui sortit de ma bouche, mon murmure résonna dans la pièce imageant le vide de la salle en opposition avec l'état de mon cœur. Elle acquiesça presque imperceptiblement. Murphy la prit dans ses bras, la portant telle une princesse. Elle n'avait même plus la force de s'accrocher à son cou.
Le trajet jusqu'à mes appartements se fit péniblement. J'étais partie après eux pour ne pas attirer l'attention sachant déjà que personne ne s'attarderait sur une esclave en mauvais état. Par contre si elle était accompagnée de la Commandante, l'histoire n'aurait pas été la même. C'est donc à pas pressés que je gagnais ma chambre. En arrivant, je vis Clarke, allongée sur le dos sur mon lit en train de balbutier quelque chose à Murphy. D'un mouvement rapide, il se tourna vers moi.
- Alexandria, enfin. Clarke a besoin de soins et elle m'a dit que tu trouvera dans sa chambre une pochette rouge et blanche. Dedans, il y a une...pommade ?
Son incompréhension grandissait tandis que mon soulagement arrivait. La pommade avec laquelle elle m'avait soigné la soignerait à coups sûrs. Je courus jusqu'à sa chambre et ramenait la pochette près de la blessée. Elle ouvrit la trousse et pris un engin qui ressemblait fortement à un bracelet composé d'un filament qui s'enroulait plusieurs fois autour du bras. Elle l'ouvrit dans un claquement discret et le plaça sur son poignet cassé. Le bracelet se referma et des fils argentés se dégagèrent des branches pour se faufiler sous sa peau. Murphy lui étalait délicatement la pommade sur le visage.
- Clarke, Alexandria, je suis terriblement désolé. J'avais le choix de me rebeller mais je n'ai pas eu le courage de le faire. Je ne suis pas comme toi Clarke, tu es si forte et si courageuse. Je ne sais pas faire semblant et maquiller mon visage comme tu le fais Alexandria. Je suis faible, et je m'en excuse...
- Je ne t'en veux pas Murphy. Chacun survit comme il le peut. Ce n'est pas à toi que j'en veux, le rassurais-je.
Clarke se contenta de poser sa main sur la joue de Murphy et de la caresser tendrement. Elle lui pardonnait.
- Merci. Sincèrement.
Il sortit de la pièce pour laisser Clarke se reposer. Je me rappelais des effets de la pommade et elle n'allait pas tarder à s'endormir. Je lui souhaitais bonne nuit et allais partir lorsqu'elle m'attrapa la main.
- Tu ne pense pas que la vie devrait être un peu plus qu'une question de survie ?
En disant cela, elle avait plongé ses yeux dans les miens et un reflet bleu me parvint à travers la pénombre de la chambre causée par la fermeture des volets. Cela dura cinq petites secondes avant qu'elle ne ferme les yeux de sommeil et pourtant cet éclat colora mes songes durant toute la nuit.

You're my evidence of love's existence (FanFiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant