Chapitre 17 : Lettres, famille et deuxième élimination

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Je fronce les sourcils à m'en fendre le front tout en croisant rageusement mes bras sur ma poitrine.

- « Et qu'est-ce qui vous fait dire qu'Eunice va être éliminée aujourd'hui ? »

Alek, Zéph et Kim échangent un regard, l'air de chercher leurs mots. Cette dernière se décide finalement à prendre la parole.

- « Et bien... Elle n'a pas un rang social très élevé, et elle n'a pas non plus l'étoffe d'une reine. Les conseillers doivent donc pousser Brieuc à l'éliminer, et il n'a pas de raison particulière de leur opposer une résistance. Ils s'entendent bien, sans doute, ou en tout cas suffisamment pour qu'il l'ait gardée la première fois, mais là, ça commence à devenir sérieux. Il n'en restera déjà plus que les deux tiers ! »

Les deux frères acquiescent en silence, guettant ma réaction. Je jette un coup d'œil à mon meilleur ami, qui fixe sa bière avec obstination. Forcément, lui, ça ne le dérangerait pas tant que ça qu'elle soit virée de la Sélection, après tout... Même s'il refusera toujours de l'admettre. Et je dois bien avouer que malgré mon air assuré, moi non plus, je n'y crois pas. D'ailleurs, je n'ai pas envie qu'elle gagne, parce que ça pourrait signifier deux choses : ou bien qu'elle a changé, ce que je ne souhaite pas, ou bien que le pays court à sa perte. Elle est trop vive et spontanée pour prendre des décisions réfléchies. Catastrophe, voilà que je me mets à parler comme Dola !

Il s'est passé beaucoup de choses, depuis notre premier échange épistolaire.

Tout d'abord, j'ai finalement eu droit à un récit détaillé, dans sa sixième lettre, de la suite de ses péripéties pour atteindre la chambre du prince. Enfin, plus exactement le prince dans sa chambre. La nuance est importante.

Elle a mis son plan infaillible à exécution environ un mois et demi après son arrivée, et je dois reconnaître que j'ai encore du mal à comprendre comment elle a survécu à la première élimination, qui a eu lieu juste après. Brieuc doit être vraiment chou. Ou très bienveillant. Ou avoir un quotidien sacrément monotone...

Bref, revenons à nos pastèques. Son projet consistait donc à, après avoir fait quelques repérages dans le château, faire mine de se perdre aux alentours de la chambre du prince, et prier pour qu'il passe à ce moment-là, la prenne en pitié, et la fasse entrer dans son espace personnel. Seulement voilà... Un garde l'a trouvée avant le prince. D'ailleurs c'est certainement mieux comme ça, parce que je ne vois pas à quel moment sa future Majesté se serait dit que le plus sûr moyen qu'Eunice retrouve sa chambre soit de passer par la sienne. À moins qu'il n'y ait un plan du palais dedans ?

Hem. Donc le garde lui a demandé ce qu'elle fichait là, sachant que cela faisait un mois et demi qu'elle était dans le palais, qu'elle devait par conséquent commencer à s'y retrouver, et que les appartements royaux sont à l'opposé de ceux des sélectionnées.

Je n'ai pas très bien compris ce qu'il s'est passé après, mais en gros, elle a fait mine de se tordre la cheville et de souffrir atrocement. Apparemment, je cite, "S'il m'avait vu, le chef de la troupe de théâtre royale m'aurait pris tout de suite, c'est sûr !" Je souris en me rappelant de la suite de son récit, avec une précision étonnante. "Mais le garde ne partageait visiblement pas mon goût pour cet art... Alors que, persuadée que j'étais foutue, je m'apprêtais à prendre la fuite et à tout nier en bloc, mes sauveurs sont arrivés. J'ai nommé : Bribri, l'Amour de ma vie, et Barnabé, son chauffeur favori ! Apprécie un peu la rime. Alors que le premier accourait vers moi pour s'assurer que j'allais bien, le deuxième a sermonné vertement l'insensible garde sur l'importance de venir en aide aux demoiselles en détresse, avant de l'envoyer chercher du secours. Puis... Ils ont éclaté de rire. Je crois qu'ils m'ont démasquée. Mais bon, grâce à eux, j'en ai été quitte pour un passage à l'infirmerie et une dispense pour le cours de danse du lendemain. Soit presque rien, par rapport à l'humiliation que ça aurait été sinon..."

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