La sélection - Hennessy

Chapitre 30 : Jane, éloquence et épée

Je reste là, pantoise. C'est bien la dernière personne que je pensais voir ici.

- « Impressionnant, personne n'avait encore réussi. » Je me retourne vers l'étalon qui s'est crispé au moment où il a remarqué la jeune fille. J'aimerais lui flatter l'encolure, mais ça serait très prématuré. « Je peux m'approcher ? »

Je lui aurais bien dit non, mais notre moment privilégié semble déjà être fini pour Altaïr au vu de sa réaction. Il a reculé de quelques pas, ses oreilles se sont couchées et ses naseaux sont pincés. Je m'éloigne de lui pour aller à la rencontre de Jane avant qu'elle ne s'approche trop près, même si je me doute bien qu'elle ne le fera pas assez pour risquer de se prendre un coup de sabot.

- « Jane, c'est ça ? Tu es la fille de Monsieur Pommeray. » Elle acquiesce. « Je m'appelle Hennessy. Enchantée. » Lui dis-je en tendant ma main droite.

- « Enchantée. » Me répond-elle avec un sourire poli en ignorant royalement ma main tendue, avant de rediriger son attention sur ses bottines dont les pointes sont maintenant parsemées de taches de boue. « Ça te dérange si on sort d'ici pour discuter ? » Je la regarde un peu perplexe. C'est bien elle qui a voulu me rejoindre il y a deux minutes, non ?

- « Oui, si tu veux... Mais de quoi tu veux parler ? Je peux t'aider pour quelque chose ? » Elle émet un petit rire à ma dernière phrase.

- « Je ne veux pas te vexer, mais je pense que c'est plutôt moi qui peut t'aider. »

- « Et sur quel point ? » Son petit ton arrogant commence à me taper sur les nerfs.

- « Honnêtement, j'ai entendu l'intégralité de ta discussion avec mon père et on ne peut pas dire que tu aies brillé par ton éloquence. Et je suis sûre que je ne suis pas la seule à te le dire. Le problème, c'est que pour tenir ce genre de discours, il faut se montrer convainquant. » Je ne sais pas ce qui m'agace le plus chez elle, le fait qu'elle croit tout savoir ou qu'elle sache des choses qu'elle ne devrait pas. « C'est donc là que j'entre en jeu. Même si ce fut court, le peu de temps que j'ai passé au palais m'a quand même appris quelques petites choses. »

- « Chiara m'avait parlé d'espionnage et de manipulation. » C'est un bilan peu flatteur, j'en conviens, mais je n'ai pas vraiment envie d'être de bonne foi.

- « Entre autres », me répond-elle avec un sourire en coin. « J'ai aussi appris à me comporter en société et j'ai vu de près comment argumenter avec des personnes importantes. Et je peux t'assurer que ça peut t'être très utile. »

- « Juste par curiosité, qu'est ce que tu gagnes dans tout ça ? »

- « Participer au sauvetage d'une espèce n'est pas une raison suffisante ? » Je tique. Elle n'a aucun droit de prendre ce combat à la légère. Mais heureusement, elle se reprend très vite. « Pardon... Disons que j'ai mes raisons. J'ai une amie que je veux absolument aider et si j'ai bien compris, pour ça, je dois t'aider toi. » Sa réponse me fait sourire, chacun d'entre nous à ses propres motivations pour participer.

- « Bien maître, je suis toute ouïe, dispense moi tes enseignements. »

- « Je ne sais pas de combien de temps nous allons disposer et nous avons du pain sur la planche, il vaudrait mieux commencer le plus tôt possible. » Je soupire, revoilà le ton hautain. « Tu penses pouvoir avancer dans ton défi aujourd'hui ou pas ? » Me demande-t-elle en désignant l'étalon d'un coup de menton. Ce dernier broute, mais le fouaillement de sa queue témoigne de sa nervosité. Aucune chance de réussir quelque chose dans l'immédiat.

- « Non, pas avant qu'il se soit un peu calmé en tout cas. »

- « Et bien commençons maintenant ! Suis-moi, on va aller dans la grange. » Dit-elle en se dirigeant vers l'arrière de la ferme.