𝟒𝟓𝟐𝟖𝟎𝟗
❝ 𝐥𝐚 𝐭𝐫𝐢𝐬𝐭𝐞𝐬𝐬𝐞 ❞
Le sourire aux lèvres, Ochako avance, l'air insouciant et indifférent. Elle s'égare dans ses songes et visualise les personnes qui l'attendent de l'autre côté de cette barrière, sans se douter qu'elle ne les apercevra jamais. À quoi ressemblera sa nouvelle maman ? Du bout du doigt, elle pointe l'immense hangar. Mama sourit, et c'est tout ce qui compte. L'entièreté du visage de la jeune fille est rose, et surtout ses épaisses joues, car elle enchantée par le fait de pouvoir enfin les rencontrer. Elle allait enfin avoir des parents.
Malheureusement, la vie est dure, et cela, Ochako l'a compris très tôt.
En quelques secondes, tout bascule. L'immense grillage se ferme, produit un bruit insupportable, exaspérant. Ici, dans la pièce, l'air est écoeurant. Il flotte une odeur irrespirable, nauséabonde, qui lui demande tout son contrôle pour garder contenance. C'est horrible, et elle n'a jamais senti quelque chose de similaire. Ce n'est pas normal, mais ça l'est pour eux.
Quand elle les voit pour la première fois, elle sait que c'est fini. Les monstres ont toujours été là, et pas qu'en-dessous de son lit. Ses yeux sont écarquillés, et tout ce qu'elle veut, à présent, c'est s'enfuir d'ici, c'est retourner à l'intérieur de Grace Field. Mama leur a menti, et c'est tout ce qui compte. Maintenant, elle sait ce que cela signifie : tous ceux qui sont partis sont morts, avalés et déchiquetés par ces hideux et médisants croquemitaines.
Mama la dépasse sans la regarder. C'est la première fois qu'elle agit ainsi. En fait, ça fait mal. La douleur lui brise le coeur tandis qu'une tempête se déchaîne à l'intérieur de son esprit. Cours, cours ! Ne te retourne pas ! Ce dernier lui hurle de trouver une échappatoire, de s'enfuir coûte-que-coûte, mais ses jambes ne bougent plus. La peur la paralyse, l'étouffe, et Ochako suppose que cela a dû être le cas pour tous les enfants qui ont enduré cela avant elle. Izuku. Izuku, bon sang. Izuku était mort !
- Maintenant, choisis. Ochako frissonne. Meurs immédiatement, ou tente de devenir une Maman.
En y réfléchissant à deux fois, elle aurait préféré disparaitre ce jour-là. La souffrance à long terme est un fléau, une malédiction imparable.
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Ochako ferme les yeux. Le scalpel qui s'enfonce soudainement dans sa poitrine lui fait un mal de chien. Elle n'a jamais ressenti quelque chose de pareil, c'est inqualifiable, désagréable, et pourtant, elle sait qu'elle doit supporter cela. C'est pour vivre, jeune fille, et la vie n'est pas rose. Fini les rires heureux, les étreintes chaleureuses et la liberté. À présent, devient la raison pour laquelle tu es née.
Ça va aller, Ochako. Tout ira bien. D'un coup, son corps tremble. Ses dents mordillent ses lèvres si fort qu'elle en saigne, mais ce n'est rien en comparaison avec ce qu'elle ressent à l'intérieur d'elle. Le chagrin, la douleur et la nostalgie l'envahissent, l'opressent, l'obsédent, et pourtant, Izuku est là. Oui, elle peut encore le sentir à côté d'elle, même après tout ce temps.
Maintenant, elle se doit de tenir, de subsister. Pour eux, mais surtout pour lui. Vivre n'est pas un crime, et mourir n'est pas pour les faibles.
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Les tests pour devenir une Maman sont difficiles. La brune n'a pas un niveau élevé par rapport aux autres filles présentes, mais c'est déjà ça. Seules ses compétences manuelles et ses prouesses en combat lui permettent de rester dans la course, de survivre. Parfois, quand rien ne va, Izuku apparaît et lui caresse doucement les doigts, désirant montrer son soutien malgré le voile qui les sépare l'un de l'autre. C'est pour ça qu'elle est encore là, qu'elle ne se résigne pas à tout abandonner, contrôlée par l'envie de capituler, de céder face aux monstres qui les contrôlent et qui aiment les dominer.
- J'aurais préféré mourir.
Ochako lève ses yeux de l'étrange stylo qu'elle observe depuis presque une heure. C'est une fille de son dortoir qui vient de dire cela, et elle ne lui avait jamais parlé en presque trois ans de cohabitation. Son prénom est Momo, ou quelque chose du genre. À force, elle avait appris à ne pas s'attacher aux filles qui étaient formées avec elle. Car au final, elles finissaient toutes par mourir.
- Je te comprends.
C'était tout simplement une question de survie, et ça, toutes ces filles l'avaient compris.
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L'être à l'intérieur d'Ochako bouge brusquement. Ses pieds tapent et heurtent depuis des heures la paroi de son ventre sans cesse comme pour l'avertir de sa présence. S'il savait, bon sang. Elle ouvre les yeux, laisse ces derniers vagabonder un peu partout dans la pièce vide et fermée à clé, avant de sourire : c'est son bébé, son enfant, sa raison d'exister.
Sa main caresse par automatisme la bosse face à elle. Le mouvement est lent, doux, et elle se dit que si tout avait été différent, elle aurait peut-être pu l'aimer comme toute vraie mère l'aurait fait. C'est son petit, son gamin.. ouais, c'est son bébé, et il va finir dévoré. Comme tous les autres.
Des larmes apparaissent au coin de ses yeux bruns tandis que le bruit d'une clé entrant dans une serrure résonne dans toute la pièce. Je t'aime, je t'aime, murmure-t-elle d'une voix déchirante, je suis désolée. J'aurais mieux fait de tout abandonner, de tout laisser.
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- Eh, Mama, j'ai hâte de rencontrer ma nouvelle famille. Le petit garçon saute dans tous les sens, tandis que le vent se lève. Tu penses qu'ils seront gentils avec moi, là-bas ?
Des feuilles virevoltent tout autour d'eux tandis que Ochako serre les dents. Elle regarde Kota avec un petit sourire avant de poser une main affectueuse sur le haut de sa tête. Je suis désolée. Je suis désolée ! Je ne devrais pas faire cela. Bon sang, je devrais mourir.
- C'est sûr, mon grand. Tu es un petit garçon adorable. Je parie que tes parents seront heureux de voir à quel point tu es gentil.
Enfin, c'est ce qu'elle aimerait lui répondre, mais elle n'y arrive tout simplement pas. Malheureusement, il ne comprendrait jamais. C'était comme ça, et c'est tout. Ils étaient incapables de comprendre à quel point cela faisait mal, à quel point cela la tuait à petit feu. Oui, elle souffrait. Elle continuait à rêver d'eux tous les soirs, à entendre de nouveau leurs cris d'horreur, même après tout ce temps. La brune avait vu ces enfants mourir l'un après l'autre, sans pouvoir rien faire, sans savoir comment réagir.
C'était pour sa survie, de toute façon.
Quand la fleur se plante à l'intérieur du cœur de Kota, Ochako est obligée de sourire, car si elle flanche, elle sait très bien que ce sera la fin.
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- Dis, Mama, pourquoi tu pleures ?
La petite Eri la fixe de ses yeux couleur grenat. Ses traits sont tordus en une drôle de grimace déconcertante, et sa peau est encore plus blanche que d'habitude. Elle est inquiète, ça se voit. Ochako baise doucement le front de l'un des nourrissons, tandis que ses lèvres se déforment en un petit sourire. Devenir maman, c'est espérer une vie presque normale. C'est espérer survivre, alors qu'on sait très bien que tout est perdu, que la mort peut arriver à chaque instant. C'est les voir grandir, les voir mourir petit à petit, sans pouvoir rien faire ni leur dire.
- Parce que le monde est cruel, ma petite Eri.
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𝐋𝐎𝐒𝐓 𝐈𝐍 𝐏𝐀𝐑𝐀𝐃𝐈𝐒𝐄┃recueil ²⁰¹⁸
Fanfiction──── 𝐌𝐔𝐋𝐓𝐈𝐅𝐀𝐍𝐃𝐎𝐌𝐒 ❝ 𝘊𝘦 𝘯'𝘦𝘴𝘵 𝘲𝘶'𝘶𝘯 𝘳𝘦𝘤𝘶𝘦𝘪𝘭 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦 𝘭𝘦𝘴 𝘢𝘶𝘵𝘳𝘦𝘴, 𝘶𝘯𝘦 𝘮𝘢𝘯𝘪𝘦̀𝘳𝘦 𝘥'𝘦𝘹𝘵𝘦́𝘳𝘪𝘰𝘳𝘪𝘴𝘦𝘳 𝘦𝘵 𝘥'𝘢𝘳𝘳𝘦̂𝘵𝘦𝘳 𝘥𝘦 𝘱𝘦𝘯𝘴𝘦𝘳. 𝘋𝘢𝘯𝘴 𝘵𝘰𝘶𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘤𝘢𝘴, 𝘢̀ 𝘧𝘰𝘳𝘤𝘦 𝘥...