Le dernier Héraut

Passé I

Un soir où le gel recouvrait les fenêtres de sa chambre une petite fille dormait.

Elle était tombée comme une masse dans son lit, la chasse près du lac gelé l'avait épuisé.

Elle adorait ces moments passés avec son père. Du haut de ses huits ans, elle savait déjà comment pister une proie et l'abattre sans faire de bruit. Sa mère, une très jolie femme aux cheveux blonds et aux yeux bleus, n'était pas enchantée de ce passe-temps qu'elle trouvait plutôt barbare mais il fallait bien se nourrir et les récoltes n'étaient guère fructueuses dans cette région ou très peu de plantes poussaient.

Le village de Myr se situe à l'extrême Sud-ouest de la région de KRIOS, une terre enneigée quasiment toute l'année. Mais la petite fille n'allait pas plus loin qu'aux abords du grand lac gelé.

Même si son père lui avait appris à se repérer, il l'avait aussi mise en garde sur la dangerosité de la forêt et elle avait interdiction d'aller plus loin.

C'était un homme brun encore bien battit pour son âge. Il leur parlait souvent de son ancienne vie loin d'ici avant qu'il ne rencontre leur mère, leur racontant tous les différents peuples, les grandes cités de Pedios où le sol se dessine à mesure qu'on l'arpente ou encore la beauté de Gorn et les odeurs du port de Klarank en Argos mais il était toujours très bref sur ses activités.

Après des heures à écouter les nombreuses indications de son père sur la complexité de fabriquer un piège ou de retenir son souffle lorsque l'on bande un arc, elle avait été fière de ramener deux gros lapins pour le souper.

Son petit frère Varen qui avait la moitié de son âge les accueilli en leur sautant au cou.

Un peu jaloux de l'attention de leur père pour sa soeur, le petit garçon était néanmoins plein de vie et toujours heureux de les voir rentrer. Il avait les cheveux de sa mère et le regard brun de son père.

- Ennei, vient te laver les mains, et n'oublie pas c'est toi qui es de corvée se soir ! lança sa mère.

La petite fille lança un regard vers son père, cherchant désespérément de l'aide de sa part.

Il se contenta d'hausser les épaules en souriant.

La petite fille traina les pieds mais s'exécuta.

Ils purent manger et boire à leur faim ce soir-là, ce qui n'était pas le cas tous les jours.

La saison fut rude cette année.

Göran, le chef du village, avait préconisé pour tous les villageois une diminution de la consommation des vivres en attendant le retour des beaux jours.

C'était un homme sage qui avait pour réputation de toujours avoir le sourire.

La petite fille n'avait eu affaire à lui qu'une fois. Après une énième chamaillerie avec Varen dans les rues de Myr, elle avait buté contre la jambe de Göran et s'était retrouvée à terre. Elle avait redressé le regard pour atteindre celui du Chef du village. Elle pensait alors qu'elle allait se faire réprimander grassement.

Mais au lieu de ça le petit homme avait sourit et lui avait tendu la main :

« Doucement jeune fille, tu risques de te faire mal à courir sans regarder devant toi. »

Elle n'avait pas su quoi répondre mais se souvenait de la bienveillance de cet homme et pourquoi il était tant apprécié.

La soirée déjà bien avancée, la famille allât se coucher repue.

Mais cette nuit ne fut pas comme les autres.

La petite fille fit un cauchemar qui allait bouleverser sa vie :

Ennei ouvrit les yeux. Elle était debout devant les marches sur le pas de sa porte. Elle ne ressentait rien, n'avait ni chaud ni froid.

Les bords de sa vision lui parurent flous mais elle se vit descendre les escaliers sans pour autant qu'elle en donne l'ordre à ses jambes. Elle sentit un gout bizarre et prononcé dans sa bouche, quelque chose qu'elle n'avait jamais expérimenté.

En bas la cuisine était propre, la vaisselle faites comme sa mère lui avait demandé les couteaux bien à leur place comme cette dernière avait l'habitude de les ranger. Elle en saisit un, puis se dirigea dans la chambre de ses parents.

Ils étaient endormis, paisible dans leur lit. Elle ne comprenait pas bien ce qu'il se passait. Elle avait peur. Elle essaya tant bien que mal de reprendre le contrôle mais en vain.

Sans qu'elle puisse intervenir, elle remarqua sa main tenant le couteau s'approcher du cou de sa mère et d'un coup net elle lui tranchât la gorge. La femme ouvrit les yeux de douleur et fut prise de stupeur en réalisant la situation, elle mit ses mains au niveau de son coup mais des litres de sang se déversaient déjà sur les draps.

Son père prit d'un sursaut se réveilla mais il était déjà trop tard, la lame était déjà enfoncée dans son coeur. Il la regardait la bouche ouverte et les yeux écarquillés. Une larme coula sur sa joue et il s'éteignit. La gamine voulue crié, horrifiée mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Elle ne pouvait rien faire ; spectatrice de cette vision macabre.

Elle se réveilla en sueur et essoufflée, complètement chamboulée par ce cauchemar horrible qu'elle venait de vivre.

Elle descendit en courant les escaliers, se rua dans la chambre de ses parents et s'arrêta net.

Les draps étaient trempés souillés du sang de son père et de sa mère.

Elle tomba à genoux, regarda ses mains et vit le sang encore frais dégouliner ainsi qu'une marque douloureuse, elle hurla à la mort en se tenant la tête pendant de longues minutes puis elle pensa à son petit frère, Varen.

Elle le chercha partout dans la maison mais ne le trouva pas.

Elle se dit qu'il aurai pu se cacher sous le lit en entendant les cris.

La petite fille se pencha et ce qu'elle vit lui glaça le sang : une main fraichement tranchée était tombée en dessous de la commode, une main d'enfant.

Il y avait du sang partout dans la maison mais elle ne savait plus si c'était elle à cause de ses allés et venus ou parce que son frère s'était enfui la main coupée. Elle se dit que oui, qu'elle ne l'a pas vu en rêve lui.