Les adieux

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Melia avait beaucoup pleuré à l'annonce du départ de Varen.

Il lui avait dit qu'il l'aimait. Une première depuis sa venue dans les bras de Nira il y a 15 ans.

Et c'est à ce moment précis qu'il avait choisi de partir. Elle aurait voulu qu'il renonce mais c'était inéluctable. Le petit garçon, son petit garçon était en quête de son passé et elle n'avait pas le droit de le garder pour elle. Elle devait le laisser vivre sa vie. Découvrir la part d'ombre qui enveloppait son enfance. Elle avait peur. Peur pour lui bien sur mais aussi pour elle. Durant toutes ses années elle avait pensé sa vie autour du jeune homme. Son bien être et son éducation passaient avant tout. Qu'allait-elle faire désormais ? Retourner à sa vie de servante pour le compte de la couronne ?

Cette idée ne l'enchantait pas. Non pas que Gorick soit un mauvais roi mais son travail auprès de Varen n'en était pas un. Elle s'était donnée corps et âme pour son fils et le laissé seul à la merci d'un monde dont elle-même ne saisissait pas tous les tenants et aboutissants était un supplice.

Elle qui avait toujours vécu au château, d'abord en compagnie de sa mère, servante elle aussi, n'était pas rassurée à l'idée de partir explorer le monde extérieur. Sa phobie était en train de prendre forme au travers de ce quelle avait de plus cher, son fils ...

« Ça ira Melia. C'est un garçon plein de ressources, il va s'en sortir ».

Elle n'avait pas entendu le mestre rentrer dans la cuisine. Comment pouvait-il être aussi confiant :

- C'est encore un enfant. Sa place est au château entouré des gens qui l'aiment.

- Tu sais bien que ce n'est plus le cas. Nira t'avait prévenue que ce jour arriverait.

- Je ne pensais pas que ce serait si tôt ...

Il posa sa main sur l'épaule de la servante :

- Il faut y aller maintenant. Il va partir.

Elle se leva et sortit après lui. Les dédales des couloirs du château ne lui avaient jamais paru aussi difficiles à traverser. Ils arrivèrent tous les deux dans la chambre où Varen finissait déjà des bagages :

- Tu n'es pas pressé tu sais. Tu peux rester encore un peu. Dit-elle la voix cassée par les sanglots qu'elle s'efforçait de cacher.

Il la regarda. Seul sa bouche souriait. Ses yeux aux contraires étaient peinés :

- Je dois partir maintenant. Plus je m'attarde plus il me sera difficile de te quitter. Mel.

Elle lui sauta au cou et l'enlaça. Avec force. Le garçon ne put retenir ses larmes mais il fut le premier à mettre fin à cette étreinte :

- Je te reviendrais. Je te le promets.

Il prit ses bagages, ainsi que les vivres que Melia lui avait apportés des cuisines et s'arrêta devant Arlon. Il l'avait souvent méprisé. Ce vieil homme qui l'avait tant fait souffrir. Toutes ses nuits à apprendre et rédiger des choses inutiles au premier abord. Il n'avait pas de rancune à ce moment, au contraire. Il avait mis sa patience à rude épreuve et avait toujours endossé le mauvais rôle pour lui permettre de devenir quelqu'un de meilleur. Il était reconnaissant. Et c'est avec ce sentiment qu'il adressa un hochement de tête presque respectueux à l'homme qui avait été son maitre pendant toutes ces années.

Il sortit sans se retourner. Tentant de faire abstraction des pleurs de Melia qui lui lacerait le coeur.

Une fois à l'extérieur du bâtiment, il eut un sentiment étrange. Il avait souvent parcouru la ville mais savoir qu'il la quittait le rendait amer. Le château était au centre de l'immense ville dont on ne voyait pas le bout. Au-sud est se trouvait la place des nobles, pièce maitresse du quartier riche ornée d'une fontaine qu'il ne se lassait pas de contempler. Les rues sont dallées de blanc et les hommes vêtus de manière exubérante. Au sud-est, la caserne d'entraînement des soldats prenait le pas sur les habitations de ces derniers. La zone était très protégée et on ne laissait personne entrer sans autorisation. À l'ouest du château se tenait une académie de magie. Le jeune homme n'avait jamais su ce qu'il s'y tramait et Arlon ne l'avait pas encouragé à le découvrir par lui-même. Le maitre détestait ses pseudos-académiciens. Il les trouvait arrogants et disait au jeune homme qu'il fallait se tenir éloigné de leur secte. Ce qu'il avait prit soin de faire.

Il traversa le grand marché à l'est de sa position pour se diriger vers l'entrée nord. Après plusieurs dizaines de minutes de marche, il arriva devant les immenses remparts protégeant la cité. On pouvait voir d'ici le quartier pauvre qu'il avait prit soin d'éviter, les rues y étaient étroites et les maisons sommaires se touchaient et à l'ouest trônait le grand coin des plaisirs réputés dans tout Argos, toujours inanimé à cette heure de la journée. Les gardes en armures étincelantes le connaissaient bien. Il leur fit un signe de la main et passa la grande porte. Une forêt dense se dressait devant lui. La forêt d'Yrass. Il l'avait observé, étudié. Il était temps de la traverser. Il angoissait mais était excité. Il en avait rêvé. En suivant le chemin qui le mènerait au nord-ouest d'Argos il pourrait rejoindre Pedios. Son objectif. Qu'allait-il trouver là-bas ? Les livres de sa région étaient avares en ce qui concernait les autres continents. Ces connaissances étaient donc sommaires en la matière. Les deux informations qu'il possédait étaient le relief de Pedios qui regorgeait de plaines et que Nira l'attendait là-bas. Quant à sa position exacte, ça il l'ignorait et se dit qu'il allait bientôt le découvrir. 

Le dernier HérautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant