Une rencontre inattendue

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Varen entra dans la forêt d'Yrass. Sa densité ne permettait pas de voir à plus de dix mètres autour du chemin naturel qu'il empruntait. Seul le sommet des montagnes de l'Ouest, frontière naturelle entre les deux régions était encore visible. Le jeune homme s'émerveillait. La biodiversité de cette forêt n'avait d'égale que sa réputation. Des végétaux aux animaux, Varen reconnaissait presque chacun d'entre eux. De ce côté, une Barentia, une plante aux bourgeons rouges. Concentrée, son essence pouvait guérir le poison. Par là un renard argenté. Son pelage se vendait une fortune dans les marchés orientaux. Pas à pas, le jeune homme parcourait la forêt, comme un nouveau né expérimentant son environnement. Il arriva sans s'en rendre compte à un croisement, la route se séparait entre deux chemins, vers le nord et vers l'ouest. Il hésita. Il avait marché tout droit, il en était pratiquement sûr. L'ouest semblait donc un choix évident. Le soleil avait entamé sa déclinaison et camper à une intersection ne lui paraissait pas être une bonne idée. Il choisit donc de faire confiance à sa première intuition. Apres vingt minutes de marches il remarqua un espace entre plusieurs arbres. Parfait pour installer son campement. Il alla chercher du bois et un peu d'amadou mais faire du feu ne lui avait pas paru aussi complexe. Quand Arlon en parlait, cela avait l'air si simple. Sa main droite en moins l'handicapait mais il prit une pierre entre ces genoux y plaça le morceau d'amadou et frotta le morceau de silex qu'il avait pris au château. Après plusieurs heures d'efforts, il se résigna. Il était fatigué et un morceau de pain ferait l'affaire pour cette nuit. Il s'installa en dessous d'un arbre centenaire sur un parterre de mousse et s'éteignit.

La traversée se passait bien, il ne progressait pas spécialement rapidement mais ça ne le dérangeait pas. Appréhender de nouvelles choses le ravissait, il fut cependant étonné de ne croiser personne sur sa route. Il réussit tant bien que mal à faire du feu le troisième jour. Il n'avait pas ressenti une telle euphorie depuis la fois où il avait traduit son premier texte en langue des anciens. Les félicitations de Mel lui manquaient. Elle avait toujours été d'un soutien indéfectible. Il repensa à elle et il était bien décidé à la revoir une fois toute cette histoire terminée.

À l'aube du quatrième jour, il fut réveillé par des voix. Il se redressa tant bien que mal, son dos le faisait souffrir, lui qui avait toujours dormi dans un lit, le sol rugueux de la forêt commençait à laisser des traces. Il n'arrivait pas à discerner ce qu'ils disaient mais ils distingua au moins trois personnes différentes. Ils se rapprochaient de sa position. Il n'était pas rassuré. Il décida de prendre ses jambes à son cou mais au moment où il se retourna il buta contre un homme :

- Où coures-tu comme ça ? Le sourire jusqu'aux oreilles l'homme se pencha vers lui. Il était maigre et sa peau était couverte de cicatrices.

- Je ... je vais à Pedios. Se reprit-il.

- Que vas-tu faire là-bas ? Ce n'est pas raisonnable de se balader tout seul dans la forêt, surtout avec un si joli minois.

Les autres arrivèrent. Comme il l'avait deviné, trois hommes les rejoignirent. Ils avaient l'air de voyageurs : faiblement vêtus, plusieurs sacoches et des longs couteaux.

- Tu t'es fait un nouvel ami Marco ? Ricana le plus grand.

- Reste en dehors de tout ça Daze. T'en fais pas, ils ne sont pas méchants. Murmura-t-il. Ils sont juste un peu idiots. Que t'est-il arrivé à la main ?

- Un accident de chasse, mon père m'emmenait souvent quand jetait petit.

Varen ne se sentait pas en sécurité. Il était encerclé. Mais les mots de Marco et son sourire laissaient penser qu'ils ne lui voulaient pas de mal.

- Qui êtes-vous ?

Les trois hommes regardèrent Marco.

- Des explorateurs. Répondit-il. Nous arpentons les contrées inexplorées à la recherche de reliques qu'on vend ensuite dans les villes pour pouvoir nous nourrir.

Il savait qu'il mentait. Mais pas pourquoi.

- Nous nous dirigions vers Pedios aussi, on connaît bien le chemin, on pourrait faire un bout de route ensemble, qu'en dis-tu ?

Le jeune homme ne se sentait pas en position de refuser.

- Je n'y vois pas d'inconvénients. Son sourire était forcé.

- Excellent, je te présente Marlon, Ezio et le comique à côté c'est Daze.

- Moi c'est Varen. Son assurance laissait à désirer.

Marco partit en tête mais Marlon fermait toujours la marche. On ne le laisserait pas partir aussi facilement, il le sentait. Il leur restait approximativement deux jours et une nuit de trajet avant d'arriver à Pedios, ce que Marco confirma. Il se dit qu'il trouverait bien un moyen de leur fausser compagnie d'ici là.

La journée se passa étonnamment bien. Les trois lurons chantaient des chansons et taquinaient Varen. Ça ne lui déplaisait pas. Ils connaissaient bien la forêt. Ils n'hésitaient pas. Après une marche éreintante, ils posèrent leurs tentes sur un terrain adéquat au milieu des arbres. C'était d'excellents chasseurs. Ils ramenèrent du gibier avec une facilité déconcertante. Ça n'allait pas être facile de les semer. Ils allumèrent un grand feu et Varen mangeât plus qu'il n'en faut. Marco racontait des histoires, sur comment il avait échappé à une horde d'indigènes lors d'une expédition en Modios. Varen se surprit à rire et à passer un bon moment en leur compagnie. Ils auraient pu être amis dans d'autres circonstances pensa-t-il. Il se coucha épuisé dans une des tentes que Marco lui avait prêté. « On a toujours une tente en plus pour les invités surprise » avait-il dit. L'orphelin était fatigué mais il ne trouva pas le sommeil. Au milieu de la nuit il sortit s'aérer. Marco ne dormait pas. Il aiguisait un bout de bois avec son couteau au bord du feu.

- Tu n'arrives pas à trouver le sommeil ?

Varen s'assit à coté de lui.

- Je sais ce que sais. Je n'y arrive pas non plus.

Varen ne savait pas trop quoi lui dire, ni s'il le dérangeait. Mais il se lança.

- Que t'ait-t-il arrivé ? D'où viennent ces cicatrices ?

- Mon père buvait et il me battait pour un rien. Un soir il s'en est pris à mon petit frère Ezio. C'était trop pour moi. Je l'ai poignardé et je me suis fait bannir de chez moi. Daze et Marlon se sont joint à nous. Depuis nous errons. Nous avons parcouru tout Argos sans trouver d'endroit où nous installer. Je pense que la vie de famille n'est pas faites pour des gars comme nous. Je fais de mon mieux pour m'occuper d'eux.

Ces paroles touchèrent Varen en plein coeur. Lui qui les avait pris pour des bandits. Il s'en voulait de les avoir mal jugé.

- On m'a coupé la main.

Marco s'arrêta et le regarda

- Qui a fait ça ?

- Quelqu'un qui voulait me protéger. Ma soeur a tué mes parents. C'est pour ça que je vais à Pedios. Pour en savoir plus sur mon passé.

- Crois-en mon expérience tout n'est pas bon à savoir. Tu devrais te concentrer sur ton avenir au lieu de penser à ton passé.

- J'en ai besoin justement pour avancer, enfin je crois.

C'était la première fois qu'il parlait de ça à quelqu'un et ça lui faisait un bien fou. Il n'aurait pas pensé pouvoir rencontrer une âme meurtrie comme la sienne. Il se sentait tout d'un coup proche de l'homme qui l'avait rencontré seulement quelques heures auparavant.

Marco se leva.

- Sur ceux je vais te laisser, la route est encore longue. Il ne faudrait pas que l'on tombe d'épuisement avant d'arriver.

- Attends ... Que cherches-tu là-bas ?

Il marqua un temps regarda l'horizon puis se retourna vers Varen :

- La rédemption. 

Le dernier HérautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant