Un réveil difficile

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Ennei se réveilla en sursaut, quelqu'un tambourinait à la porte. Avec le réveil brutal elle mit quelques secondes à se rappeler où elle était. À peine eut elle le temps de reprendre ses esprits que la porte s'enfonça. Trois hommes entrèrent, des gardes de Karlsa employés par la ville.

La surprise l'empêcha d'abord de bouger. Deux d'entre eux l'encerclèrent :

« Où est Jordi ? ». Elle ne répondit pas. Il ordonna au troisième d'aller jeter un coup d'oeil dans l'arrière-boutique où Jordi vivait. Des secondes passèrent. Il revint en courant, affolé :

« Il est mort chef ».

Mort. Ennei eut du mal à réaliser. Avait-elle bien entendu ?

Les deux hommes armés d'épée devant elle firent un pas en arrière, prêt à se battre.

« Ysul maintenant Jordi, où arrêteras-tu ton bain de sang ? Suis-nous sans faire d'histoire »

Ysul ? La dernière fois qu'elle l'avait quitté il allait très bien. Elle avait prit soin de ne blesser personne pendant son opération la nuit dernière. Ça lui a même valu de se fouler la cheville.

« Je n'ai rien fait ! » hurla la jeune femme.

Un des hommes s'approcha et lui prit le bras d'un geste brusque.

À cet instant, elle sentit un gout dans sa bouche, le même qu'il y a 15 ans de cela, un gout de sang.

Ces yeux devinrent rouges écarlate. De sa main libre elle saisit une dague et avec une rapidité stupéfiante lacéra la gorge de l'homme qui avait osé la toucher. Ennei était spectatrice de la scène comme emprisonné dans son corps sans pouvoir le contrôler. Ça recommence.

Le second garde tenta une attaque par la droite. Trop lente. Ennei esquiva et le poignarda. D'apparence très calme, elle suffoquait à l'intérieur. Le dernier prit peur, lâcha son arme et se dirigea vers la porte. La voleuse se redressa, sortit sa deuxième dague et la lança, cette dernière se figea à l'arrière de la tête du fuyard. Il tomba net dans un bruit assourdissant.

Ennei tomba à genoux les deux mains au sol. Des goutes de sang tombaient par terre devant ses yeux. Elle tremblait, haletait puis vomit. La marque sur son bras la brulait. Elle avait reprit possession de son corps mais ne pouvait pas bouger. C'est un cauchemar, le même qu'à Myr, la même sensation d'impuissance, la même violence.

Elle resta de longues minutes prostrée puis se releva. Malgré son esprit embrouillé, elle essaya de rester lucide. Il était clair qu'on lui avait tendu un piège. Elle ferma tant bien que mal la porte et se dirigea en courant dans la chambre de Jordi. Elle découvrit son corps sans vie, presque pas de sang, on aurait pu croire qu'il dormait si on omettait l'entaille net au niveau de sa gorge. C'était un travail de professionnel. Un frisson parcourut le corps de la jeune femme. Une larme coula sur sa joue. Elle s'était attachée à ce bonhomme. Peut-être celui qui la connaissait le mieux. Il était son seul lien avec le monde extérieur. Toujours souriant malgré ses problèmes d'argent. Il ne méritait pas de mourir. Les gardes non plus. Il lui fallait des réponses. Mais par où commencer ?

Elle fouilla dans sa besace et sortit le parchemin avec un sceau à tête de loup. Elle ne savait pas lire mais le déplia. Elle fut prise de stupeur. Au bas du manuscrit indéchiffrable, un marque. Une sorte de goute de sang, identique à celle se trouvant sur son poignet qui lui faisait un mal de chien depuis le massacre des gardes. Cette marque qu'elle n'avait montré à personne. Tout était lié, de son apparition avec le meurtre de ses parents jusqu'au coup monté de cette nuit, tout la renvoyait à cette mystérieuse marque. Etait-elle la cause de toutes ces atrocités ?

Elle n'avait pas une seconde à perdre, on allait bientôt remarquer l'absence de la garnison morte dans l'armurerie et elle devait déchiffrer ce document à l'intention d'Ysul.

Ennei s'empressa de barricader la porte, traversa la pièce et sortit par une fenêtre.

L'aube éclairait doucement Karlsa, Ennei n'avait pas beaucoup dormit mais sa cheville la faisait moins souffrir que la veille. Elle mit ça sur le coup de l'adrénaline. Elle ne connaissait que deux personnes qui aimaient assez l'argent pour pouvoir s'y fier. Jordi était le premier mais il n'était plus. Elle se contenterait de Rui, un marchant d'objets anciens place du marché. Sa réputation le précédait, nombres de ces objets provenaient d'anciens casses ou étaient des arnaques indétectables pour les néophytes. Elle alla le trouver avant l'ouverture de son commerce et l'arrivée des premiers clients. La grande avenue des marchands se réveillait progressivement, les plus riches d'entre eux avaient des boutiques à part entière. C'était le cas de Rui. Tandis que les premiers étales finissaient d'être montés, elle vit l'homme qu'elle cherchait, un petit homme à lunettes disposant des ouvrages ainsi que des bibelots dans la rue. Elle l'interpella discrètement :

- J'ai besoin d'une expertise.

- Revenez plus tard. Je ne suis pas encore ouvert.

- J'ai une demande très particulière. Dit-elle sans le regarder.

- De quelle genre jeune fille ?

- J'ai besoin que vous me lisiez un document et ce sans que vous n'en parliez à personne. Evidemment j'ai de quoi vous payer grassement.

Rui se stoppa et lui fit signe d'entrer. Elle n'avait jamais pénétré ce lieu, elle avait pour habitude de ne pas se montrer et se balader dans les boutiques de la grande avenue était loin d'être son quotidien. Des tonnes d'objets en vrac ornaient les murs. Certains étaient disposés de manière à les rendre important, il n'en était rien. La plupart ne valaient pas un clou.

« De quoi s'agit-il ? » La jeune femme au visage caché lui tendit le parchemin.

L'homme le prit, redressa ses lunettes sur son nez et lut le texte en silence. À mesure que ses yeux parcouraient les mots du manuscrit ses sourcils se fronçaient. Il le posa sur le comptoir et prit un air grave :

- Où avez vous trouvé ça ?

- Ça ne vous regarde pas.

- Ces informations viennent de Perco lui même !

Ennei fit mine de le connaitre.

- Je suis au courant.

- Je vais devoir en informer Elkir ....

Elle le coupa en posant devant lui un bourse pleine d'or, c'était tout ce qu'elle avait mais elle n'avait pas le choix.

- Maintenant lisez.

L'homme surprit et désappointé en voyant une telle somme s'exécuta :

« Bonjour Ysul, j'ai besoin de ta lumière pour me dire ce que tu sais de cette marque, je pense qu'elle est liée au massacre de Myr. Nous devons à tout prix en savoir plus et mettre la main sur cette gamine. Signé Perco, conseillé proche du Jarl. »

Elle ne comprenait rien mais elle avançait.

- Où je peux trouver Perco ?

- J'aurai besoin de plus pour pouvoir m'en rappeler.

Ennei sortit sa dague et la pointa en direction de l'homme qui leva immédiatement les mains devant lui.

- Je n'ai pas que ça à faire Rui. Elle prit deux pièces de la bourse. Je prendrais le reste si tu ne me réponds pas.

- Fjora au Nord à environ trois jours d'ici peut être quatre.

Il avait peur, c'était une bonne chose, il disait probablement la vérité.

Elle rangea son arme prit le parchemin et sortit de la boutique. Elle n'avait pas confiance en lui. Il pourrait la trahir autant qu'il l'avait aidé. Il ne fallait pas trainer. Elle avait maintenant une direction. Fjora. Perco. Des noms inconnus jusqu'alors. Elle était toutefois bien décidée à retrouver celui qui la cherchait pour lever le voile sur tout cette histoire. 

Le dernier HérautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant