Une obsession lancinante

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Varen n'avait pas beaucoup dormit. Il avait ruminé son idée pendant des heures. Il ne pouvait plus attendre. Il ouvrirait cette porte coute que coute.

Arlon ne se séparait jamais des clés et la bibliothèque était fermée la nuit. Les subtiliser au maitre lui parut compliqué. Il n'était pas très à l'aise avec cet exercice. Il se dit qu'il réussirait bien à la forcer une fois là-bas. Pour ne pas éveiller les soupçons il ne dérogea pas à ces habitudes. Fit son lit mangea le repas préparée par Melia, arriva en retard pour l'étude d'Arlon et lui rendit le résumé sur les différents types de bois présents en Argos. L'ancien esquissa un sourire.

« Bien ». La leçon du jour portait sur l'histoire du royaume. Arlon avait surement voulu désamorcer les tensions en abordant un sujet ô combien passionnant pour le jeune homme mais il avait la tête ailleurs. Les yeux rivés sur la porte se dressant derrière le maitre, il n'écoutait pas, obnubilé par son objectif. Il passa la journée à lire. Il avait prévenu au préalable Melia qu'il ne souhaitait pas être dérangé pour ne pas qu'elle remarque sa disparition. La nuit tombée il resta caché dans l'immense bibliothèque attendant la fermeture pour agir. Pour être resté plus d'une fois à lire jusque tard il savait qu'Arlon mettait du temps et parcourrait la pièce avant de la fermer. Il l'attendit patiemment. Le vieil homme se fit désirer et Varen resta plus d'une heure à l'attendre ce qui lui parut une éternité. Il éteignit chaque chandelier un par un pendant que Varen se déplaçait pour toujours se trouver à à l'opposé de l'érudit. Il marchait à reculons pour toujours scruter les mouvements de son maitre si bien qu'il buta dans l'une des étagères remplis de livres. Arlon tourna la tête dans sa direction, le jeune homme eut une poussée d'adrénaline, son coeur s'emballa. Il entreprit de se cacher plus loin. À mesure qu'Arlon avançait vers sa position, le corps de Varen tremblait. Le maitre s'arrêta quelques instants devant l'étagère qui venait de vaciller la regarda d'un air dubitatif et reprit sa tâche. Varen était soulagé, il n'avait pas été repéré.

Il continua son infiltration en prenant soin de regarder où il marchait. La pression retomba lorsqu'il entendit les clés dans la serrure. Première étape accomplie. Il était seul, il avait maintenant tout le temps d'ouvrir cette fameuse porte. Il s'y dirigea d'un pas déterminé et l'examina. C'était une simple porte en bois d'environ un mètre quatre-vingt. Rien de particulier si ce n'est un verrou qui le séparait de son obsession. Il pensa d'abord à pousser la porte de toute ses forces. « Elle ne doit pas être si lourde que ça » se dit-il. Il posa donc ses deux mains à plat sur cette dernière et poussa. Sa grimace témoignait de toute la vigueur qu'il mettait en oeuvre. En vain. La porte ne bougea pas. Faire tomber une étagère dessus ferait trop de bruit, il choisit donc de prendre un des chandeliers que le maitre avait éteint quelques minutes plus tôt. Il assena un grand coup sur la serrure puis un autre et encore un autre. Elle ne broncha pas. Varen perdait petit à petit patience. Il prit de l'élan et couru donner un coup d'épaule dans la porte. La manœuvre la fit trembler mais elle ne cédait pas. Il renchérit avec des coups de pieds frénétiques. Il faisait tellement de bruits qu'il n'entendit pas que la porte de la bibliothèque s'était ouverte :

- Il suffit Varen !

La voix imposante stoppa net le jeune homme. Ce dernier tourna la tête, essoufflé, il découvrit avec stupeur Arlon une torche à la main accompagné de Melia. Le maitre avait un air grave. La jeune femme quant à elle regardait le sol, presque éprise de tristesse.

- Que fais-tu ici à cette heure de la nuit ?

La question était réthorique, il savait très bien que le maitre connaissait la réponse, qu'il voulait ouvrir cette porte depuis son plus jeune âge. Mais la vérité, Varen ne voulait pas la dire devant Melia, sa présence le perturbait.

- Je ... Je veux des réponses.

- Pour quelles questions veux tu des réponses ?

- Qui y'a t'il derrière cette porte ?

- Es-tu sur que c'est uniquement par curiosité que cette pièce t'obsèdes autant ?

Son regard avait changé, il n'était pas du tout accusateur. Varen se surprit à penser qu'il pourrait être compréhensif.

- Qu'espères-tu trouver derrière cette porte ?

Le jeune homme se tourna vers Melia, essayant désespérément de croiser son regard, presque pour recevoir sa bénédiction, pour lui dire que ça n'avait rien avoir avec elle.

- Je veux savoir d'où je viens ? Pourquoi je fais sans arrêt des cauchemars ? Qui est cette femme que je vois ? Et pourquoi tant de sang m'apparait une fois que j'ai les yeux fermés ...

Les larmes de Varen coulaient sans qu'il ne puisse les contenir. Melia aussi pleurait.

- Je savais que ce jour viendrait ... lança la femme aux yeux vert.

Arlon mit une main sur l'épaule de Melia :

- Il est temps je crois. Il est assez grand maintenant.

Les yeux vitreux de Varen s'écarquillèrent, surpris par de tels mots.

- Vient mon garçon.

L'érudit lui fit signe de la suivre. Il sortit un trousseau de clé et en inséra une dans la serrure, la porte d'ouvrit, laissant apparaitre une pièce sombre. Arlon tendit la torche à Varen qui s'engouffra à l'intérieur lentement, regardant tout autour de lui. De nombreux livres qu'il n'avait jamais vu étaient entreposés sur une table au milieu de la pièce, environ une dizaine. Devant eux se trouvait une lettre à son attention. Il l'a prit délicatement dans sa main et lit :

«  Varen, si tu lis cette lettre c'est que tu as décidé d'ouvrir cette porte. Que tu cherches des réponses. Je vais m'efforcer de te répondre dans la limite du possible. Tu es née dans un petit village appelé Myr dans le contient de Krios à l'ouest. Tu es le rescapé d'un drame qui a couté la vie à tes parents. Ta soeur, de quatre ans ton ainé, les a tué de sang froid pendant leur sommeil. Je suis arrivée à temps pour te sauver et t'ai coupé la main pour qu'on te croit mort. Je t'ai amené loin pour pas qu'on puisse te retrouver. Alors je t'en conjure ne cherche pas à la retrouver. Melia est une femme au grand coeur, elle saura bien s'occuper de toi et Arlon connait beaucoup de choses qui pourront t'aider pour ta vie future. Il ne savent rien de ce que je suis entrain de te dire alors pour leur sécurité ne leur dit rien. Lorsque tu seras prêt viens me retrouver en Pedios. Je t'y attendrais. Ne t'en fais pas pour la direction je te trouverais. Ces livres sont à ta disposition, ils t'aideront à comprendre la situation complexe qui régit la politique dans le monde connu. J'aurai aimé te dire tout ça de vive voix. Mais je suis très occupée et je ne sais pas comment élever un enfant. Je n'ai surtout pas le temps. A bientôt. Nira. »

La bouche ouverte, Varen eut du mal à reprendre sa respiration. À mesure qu'il lisait ces lignes le dessin de ses cauchemars s'éclaircissait. Les cris, le sang, la douleur de sa main, le femme aux yeux bleus. Tout s'emboitait. Sa soeur était en vie. Elle était responsable de tout ses maux. De la mort de ses parents. La colère monta. Elle devait payer pour ça. Beaucoup de questions restaient néanmoins en suspens. Qui était cette Nira. Pourquoi l'avait-elle sauvé. Comment avait-elle su ?

Les sanglots de Mel le firent revenir à la réalité. Malgré tout ces rebondissement, il se sentait mieux, comme libéré d'un poids. Il fit volte face. Sortit de la pièce. «  Varen, ça va » lança Arlon.

Il ne prêta pas attention à lui et se dirigea vers Mel, les mains sur les yeux, essuyant ses larmes. Il l'a prit dans ses bras et lui susurra à l'oreille des mots qu'il aurai du prononcer bien avant ce jour : Je t'aime mère.

Le dernier HérautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant