Passé II

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Alertés par les cris, des villageois trouvèrent la petite fille seule dans la cuisine à genoux tenant le couteau ensanglanté dans la main. Pris de panique ils appelèrent Göran.

La tension était palpable, le père d'Ennei était très apprécié par les habitants. Un des adultes présent dans la cuisine la dévisageait, d'un regard noir.

La petite fille n'avait pas l'habitude d'être le centre de l'attention, qui plus est, dans des circonstances pareilles : Elle était à genoux pleine de sang et son poignet la faisait souffrir.

Le petit homme entra dans la demeure et découvrit toute l'horreur de la scène.

Ennei ne bougeait pas. Comme pétrifiée, ne pouvant réaliser ce qui venait de se produire.

Les pleurs et les cris résonnaient toujours autour d'elle mais Göran lui ne disait mot.

Après des minutes qui parurent des heures à Ennei, il finit par la regarder dans les yeux. Les siens avaient changé. Son fameux sourire avait totalement disparu.

Le vieil homme ne pouvait pas croire une seconde la vérité que laissait entrevoir ce tableau.

Mais il devait prendre ses responsabilités et faire en sorte que la petite fille assume les siennes. Göran s'agenouilla devant la petite fille, prit quelques secondes et dit :

« C'est toi qui as fait ça ? »

La petite le regardait, muette.

Une larme coula sur la joue du petit homme qui recommença la voix chancelante :

« C'est toi qui as fait ça ? j'ai besoin d'une réponse ... »

Ennei voulait crier que non, que jamais elle n'aurait fait ça à ses parents mais elle s'était vu le faire.

C'est sa main qui a égorgé ses parents. Elle ne sut quoi répondre à cela. Elle baissa la tête et se mit à pleurer.

Göran essuya ses larmes, se releva et la fit arrêter.

Deux adultes se saisirent d'elle et l'emmenèrent.

À la sortie de la maison, elle vu tout le village dehors. Les gens la dévisageaient, tantôt de peur tantôt en l'injuriant de monstre.

Elle fut retenue dans la chambre de Göran, le chef du village, fermée à clé.

Recroquevillée dans un coin de la pièce et les yeux gonflés par les pleurs, Ennei ne dormi pas de la nuit. Elle était perdue. Elle avait tué ses parents. Ils étaient morts enfin dans son rêve et il s'est réalisé, c'était de sa faute et c'était normal qu'elle paie.

Elle voulait mourrir, ne plus ressentir ce chagrin qui lui lacerait la poitrine. Mais elle n'y croyait pas, elle n'aurait jamais fait de mal à sa famille alors pourquoi ? Et où était Varen, que lui est-il arrivé ? Tant de questions qui resteraient sans réponse si on la pend le lendemain.

Tout ce que désirait la petite fille à cet instant c'était que son papa la prenne dans les bras, qu'il lui raconte ses histoires comme il sait si bien le faire et qu'il lui dise que tout ira bien. Mais il n'était plus là. Son sang lui apparaissait dés qu'elle fermait les yeux. Cette nuit avait changé à jamais sa vie.

Un bruit de porte vint la soustraire à ses pensées. C'était celle de la chambre de Göran.

Elle se déverrouilla et s'ouvrit. Dans la pénombre du couloir, une silhouette apparut.

« Vas-t'en, fuis » lui disait une voix de l'extérieur de la pièce. Il faisait noir, elle ne distingua pas la personne qui lui dit ces mots et elle eut peur.

Mais il fallait qu'elle sache ce qui venait de se passer, qu'elle trouve un moyen de retrouver son frère. Elle ne pouvait pas se résoudre à se faire pendre pour un crime commis en son nom par quelqu'un d'autre car elle en était maintenant certaine : ce n'était clairement pas de sa faute.

La petite fille s'était démenée pour se défaire de l'emprise de son corps mais une force inconnu avait prit le contrôle et avait donné la mort à sa place.

Elle choisit donc la vie et partit d'un pas léger et furtif en passant par la fenêtre du salon.

Contrairement à ce qu'elle s'était dit, personne ne gardait la maison de Göran.

La cohue dans le village s'était dissipée ainsi que les pleurs et les insultes des villageois.

Seul le vent glacé persistait et murmurait sa litanie incessante dans les oreilles d'Ennei.

Le village n'était pas grand et elle arriva vite à son extrémité Est.

La petite fille ne savait pas trop où aller. Elle errait, elle avait froid et faim. Elle marcha toute la nuit en grelotant jusqu'au grand lac gelé.

Là elle traversa la rive Sud, là où elle n'était jamais allée, là où son père l'avait défendu de s'aventurer mais qu'importe aujourd'hui, cela n'avait plus aucun sens, rien n'avait de sens, il n'était plus là. Cette pensée lui martela le coeur.

Elle n'avait plus de repères, plus de parents, plus de chez elle, perdue dans un endroit qu'elle n'avait jamais visité. Elle mit un genou à terre, prête à renoncer. Le froid était glacial. En baissant la tête, elle vit de nouveau la marque sur son bras. Elle prit le temps de l'observer : une sorte de tatouage de goutte rougeâtre recouvrait son poignet.

« Quel est ce signe et d'où provient-il ? Varen, il faut que je le retrouve » se dit-elle pour se motiver. Ennei puisa dans ses entrailles une force inattendue et se releva pour reprendre la route.

Elle longea le lac jusqu'au matin, se reposer devenait vital et la faim la tiraillait depuis un certain temps. Elle décida donc de confectionner un piège qui s'avéra fructueux, mangea le peu qu'elle put et se remit en route. Elle découvrit une falaise surplombant le lac avec vraisemblablement un creux dans la roche. Elle décida donc de grimper. Avec un peu de chance elle serait protégée du froid la haut. Épuisée et au bord de l'évanouissement elle parvint en haut et découvrit une crevasse naturelle dans la roche. Elle s'y engouffra, la chaleur l'étreignit et elle tomba de fatigue à l'abri mais loin de son village.

Le dernier HérautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant