Le dernier Héraut

Le choix Divin

Ennei se réveilla dans une pièce baignée de lumière. Ses yeux eurent du mal à s'accommoder à la clarté soudaine. Elle avait un terrible mal de tête, et son esprit semblait enveloppé de brouillard. Elle était allongée dans un lit aux draps de soie, au milieu d'une petite chambre charmante. Les murs reflétaient un blanc éclatant. Elle tenta de se souvenir de ce qui s'était passé : Zol, l'homme à l'aura rouge, les halos bleus, son impuissance...

« J'ai survécu », se dit-elle.

Elle se redressa avec difficulté, remarquant la douleur lancinante dans son bras droit.

— Bien dormi ? demanda une voix douce.

Ennei tourna vivement la tête. Une jeune femme magnifique, d'une vingtaine d'années, aux yeux d'un bleu profond, était assise près de son lit.

— Tu as dormi pendant deux jours complets. Le voyage depuis Karlsa a dû être éreintant. Tu dois avoir beaucoup de questions, reprit la femme aux cheveux blonds.

— Qui êtes-vous ? demanda Ennei, méfiante.

— Je me nomme Tess.

— Qu'est-ce que c'est que cet endroit ?

— Tu te trouves dans l'une des chambres de l'infirmerie d'Azul, la plus grande cité du continent.

Le nom résonnait en elle. Son père en parlait souvent quand elle était petite.

— Pourquoi suis-je ici ? s'interrogea-t-elle à voix haute.

Tess prit un air grave.

— Nous t'avons extirpée des griffes de Nelor. Tu as eu beaucoup de chance que nous soyons arrivés à temps.

— Qui est-il, et pourquoi s'en prend-il à moi ?

— Tu ne sais donc rien ? s'étonna Tess.

Elle détourna le regard, hésitante, comme si ce qu'elle s'apprêtait à dire pesait lourd sur sa conscience et qu'elle n'était pas prête à révéler tous les détails.

— Je vais te raconter une histoire, finit-elle par dire.

Tess se leva de sa chaise et s'approcha d'Ennei.

— Il y a de cela des milliers d'années, sept dieux majeurs ont créé le monde dans lequel nous vivons : Hérios, dieu de la justice et roi des dieux ; Zecra, déesse du savoir et de l'intelligence ; Larco, dieu de la nuit et des voleurs ; Sybille, déesse des éléments et de la magie ; Dwayna, déesse de la sagesse ; Izanagi, dieu des énergies et de la force vitale ; et enfin Khan, dieu du sang et du chaos. Pour perpétuer leur volonté tout en maintenant l'équilibre sans intervenir directement, chaque dieu choisit un messager spirituel, un Héraut.

Ennei était stupéfaite. Il y a encore quelques jours, elle aurait ri devant autant d'ésotérisme, mais après ce qu'elle avait vu, rien ne semblait plus impossible.

— Comment ai-je pu vivre autant d'années sans savoir que de telles choses existaient ?

— Quel rapport cela a-t-il avec moi ? Pourquoi me racontez-vous ça ? demanda-t-elle, perplexe.

— Khan a trahi les autres dieux en choisissant plusieurs Hérauts pour représenter sa volonté et tenter de prendre la place d'Hérios. Sa tentative échoua, et Hérios les tua tous, sauf Nelor. Pour punir Khan, les autres dieux l'ont exilé.

— Je ne vois toujours pas le rapport avec moi, répondit Ennei, de plus en plus déstabilisée.

Tess prit doucement le bras d'Ennei. Cette dernière voulut reculer, mais le regard de la jeune blonde se teinta de tristesse.

— Ta marque.

Ennei eut comme un coup d'électricité dans le corps. Elle connaissait bien ce symbole gravé dans sa chair.

— C'est la marque du chaos. La marque de Khan. Il essaie de revenir à travers toi. Il t'a choisie pour être son... Héraut, poursuivit Tess d'une voix calme.

Ennei arracha son bras de l'étreinte de Tess, son estomac se retournant.

— Quoi... mais... non, c'est impossible..., balbutia-t-elle, effrayée.

— Je suis désolée, mais c'est la vérité. Je n'ose imaginer ce que tu as dû traverser pour arriver ici, et combien tu as dû te sentir seule et démunie.

Les paroles de Tess, empreintes de compassion, n'apportaient aucun apaisement à Ennei. Trop d'informations se bousculaient dans sa tête. La nuit où ses parents avaient été tués, son réveil dans la forge, sa rencontre avec Sett, son combat contre Nelor... Tout était lié à cette maudite marque, gravée dans sa chair par un soi-disant dieu. Toutes ces morts : Jordi, Zol, les gardes...

— Pourquoi moi ?! s'écria Ennei, ses yeux emplis de larmes.

— Je n'en sais rien..., répondit Tess, démunie.

Elle semblait impuissante face à cette jeune femme dont le destin avait été scellé de façon tragique. Pour ne pas laisser transparaître sa tristesse, elle se leva et tourna les talons en direction de la porte.

— Le conseil décidera de la marche à suivre. En attendant, repose-toi.

Ennei, encore sous le choc, se redressa brusquement.

— Attendez, pourquoi m'avoir sauvée ? demanda-t-elle, essuyant ses larmes du revers de la main.

Tess s'arrêta un instant, puis tourna la tête vers Ennei.

— Ton destin concerne bien plus de gens que tu ne le crois.