Chapitre 16 Terreur de pierre

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        La pierre se déchira de l'intérieur. Des éclats de roches se dispersèrent dans la vallée, forçant les nains à courir plus vite pour les éviter. Le colosse s'extirpa de son cocon dans un râle des plus menaçants. Qui avait osé le réveiller ? Quiconque, il le payerait.

Un cri rauque retentit entre les montagnes. Les yeux rouges fixèrent le sol, les nains et les humains furent pris pour cible. Il était immense, de simples coups de pattes lui suffisaient... il sèmerait la mort par vengeance.

A le voir ainsi je devinai que sa rage d'avoir été réveillé l'empêcherait d'être raisonné, je devais l'immobiliser...

Sans hésiter un seul instant, mon corps changea d'apparence. L'immense dragon brun fut aplatit avec violence contre une montagne. Il avait beau faire presque deux fois ma taille, ses crocs ne parvenaient pas à m'atteindre. Dans des cris de rage il se débattait. Mais sa force finit par avoir raison. Il me repoussa avec violence, m'obligeant à m'envoler pour éviter de piétiner des nains. Ayant trouvé adversaire à sa taille, et certainement beaucoup plus menaçant que les poupées dans le creux de la vallée, le dragon de roche délaissa ses premières victimes pour se concentrer sur moi. Ses ailes se déplièrent dans un craquement digne d'un entrechoquement de pierre ; elles n'avaient pas servi depuis longtemps. La puissance de son envole fut telle que tous furent ébranlés par le tremblement des montagnes.

Les dragons de pierre, soient les plus forts et les plus grands qui puissent exister. Je connaissais leur point faible. Encore fallait-il pouvoir l'atteindre.

Le ciel sembla se déchirer devant moi alors qu'il prenait son élan pour m'attaquer. Le choc, dans un bruit assourdissant, me projeta au sol, je n'aurais su l'éviter. Déjà il revient à la charge. Cette fois je dus agir pour éviter qu'il ne m'abatte. Poussant sur mes pattes je me relevai et pris un léger envol. Mais avec moins de vitesse et de force que lui, je devais jouer sur la tactique. Utiliser sa rage. Je ne lui fonçai pas dessus, je l'évitai plutôt. Alors je sentis sur mon dos glisser son ventre. Attrapant ses hanches de mes bras, il me suffit d'un coup d'ailes et mon torse se redressa, le faisant plonger la tête la première vers le sol. Mais de ses crocs, il parvient à m'agripper la queue et m'entraîna dans sa chute.

Dans le creux de la vallée, les nains et les humains nous observaient, ou essayaient, ils ne voyaient alors que deux masses d'écailles cherchant à immobiliser l'autre.

Mon corps glissa sur le sol poussiéreux tandis qu'il se relevait. On se fit face. Crocs, griffes dehors. Cette fois se fut moi qui l'attaquai la première. Mais je ne préférais pas le prendre de front, trop de puissance. Alors d'un coup d'ailes, je me retrouvai sur son dos. De mes pattes arrière je lui bloquai les ailes, pour ne pas être éjectée. Je parviens à atteindre mon but rapidement : les oreilles. C'était son point faible le plus simple à atteindre, même s'il ne faisait que très peu d'effet. Je sentis le cartilage se tordre sous mes dents. Il parvient à me faire descendre de son dos. Mais je ne lâchai pas ma prise pour autant. Il avait alors la tête baissée et se mit à grogner sauvagement. Mes dents se resserrèrent. Je ne vis pas la queue arriver. J'avais oublié... cette petite masse à cette extrémité fit des ravages. Je fus projetée vers la vallée et m'écrasai durement contre les restes de montagnes.

Les nains et les humains avaient déserté la vallée, heureusement, ils étaient alors tous sur la colline, à nous regarder avec terreur.

Je voulus me redresser, continuer... Mais je me retrouvai plaquée sur le ventre rapidement. Sa force avait pris le dessus. Il me tenait. Une patte sur le dos, la gueule sur mon cou. Je ne pouvais plus bouger. Que faire ? La bataille me semblait perdue... jusqu'à ce que je l'aperçoive. Sa cicatrice. LA cicatrice. Tant de souvenir remontèrent dans ma mémoire...

Rigolant intérieurement, je me tordis pour pouvoir me dégager. Bien sûr il resserra la pression sur mon dos et mon cou. Mais ma queue était libre. Alors d'un mouvement lent, je lui chatouillai le ventre. Ce fut un râle aiguë qui s'échappa de ses crocs alors qu'il s'éloignait de moi pour se tordre.

Une fois loin il me regarda avec étonnement. Des chatouilles en pleine bagarre... C'était très amusant...

Je me redressai difficilement et m'assis sur la pierre, souffrante de ces coups.

- Tu as toujours été chatouilleux.

Un silence pesant s'installa.

Tous nous observaient, se demandant pourquoi la situation avait changé d'un seul coup... et puisqu'ils ne nous comprenaient pas cela devait être effectivement très étrange. Le dragon inclina la tête, signifiant qu'il s'interrogeait :

- Qui es-tu ?

Avec tout de même difficulté après la bagarre, je me levai et me mise à lui marcher autour.

- Toi tu es Arax, le plus vieux dragon qui puisse exister. Dragon de pierre ayant des siècles derrière lui.

- Je sais qui je suis. Mais toi qui es-tu ?

Je m'arrêtai face à lui et m'assise.

- Il est vrai que tu ne m'as jamais vu sous cette forme. Mais tu sais en 37 ans, les choses changent.

- 36 ans, 36 que je suis là-dessous.

- 36 pardon, mais cela fait 37 ans qu'on ne s'est pas vu.

Il prit alors un air de réflexion. Après 36 ans de sommeil il était normal qu'il ait du mal à réfléchir.

- Je n'ai pas rencontré de dragon il y a 37 ans...

- Je n'étais un dragon.

Il leva les yeux au ciel, agacé par mes cachotteries. D'un pas très lent, il s'approcha de la montagne. Alors, se penchant dans le creux laissé par son repos, il ouvrit sa gueule. Une particularité des dragons de pierres : pouvoir « créer » des roches d'un seul souffle. C'est ainsi qu'il reconstruisit la montagne qu'il avait détruite. Mais alors, certainement en pensant aux Morlog, soient les êtres vivants dans les galeries sous nos pieds, il introduisit de la lave, par un souffle de feu et de pierre.

- Chatouilleux, altruiste, grognons lorsqu'on te réveille... tu n'as véritablement pas changé.

Le dragon se tourna vers moi et me fixa un instant :

- Peut-être devrais-tu me dire qui tu es pour que je puisse également savoir si tu as changé ou non ?

Un sourire laissa alors voir mes canines.

- Tu ne m'as pas connue sous forme de dragonne, mais sous forme d'elfe.

Il se redressa avec étonnement.

- ... Aliane ?

J'hochai la tête. Il resta figé face à moi : cette nouvelle semblait le consterner, certainement parce que j'étais alors une dragonne.

Princesse des peuples : La grande rébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant