Chapitre Vingt-huit

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PDV HUNTER

        Quand je regagne mon domicile, le bouquet de fleurs que j'ai reçu ce matin pourrit admirablement sur la table à manger. Eugene me l'a envoyé accompagné d'une carte d'excuse dorée -que j'ai jeté. Même si j'ai d'abord relevé l'ironie de son geste, le fait qu'il veuille s'excuser reste compréhensible. Mais je ne l'accepte pas, il n'avait en aucun cas le droit de faire des cochonneries dans mon lit, même si je ne dors pratiquement jamais dedans.

        Le simple fait que ce soit dans mon lit me dérange.

        Je lui enverais sûrement un message plus tard, seulement parce que je n'aime pas être fâché contre lui. Je décide ensuite de prendre une douche, il est tard, et je n'ai qu'une envie, écourter cette journée.

        L'eau sur mon corps me rappelle une légère sensation. Celle de la pluie. De la pluie céleste qui s'est déversée quand j'ai embrassée Rain pour la dernière fois, hier. Le goût de ses lèvres me manque, mais pire encore, le simple fait de la voir me manque. Et ce n'est absolument pas normal que je ressente ce genre de sensations.

        Je me cogne involontairement à la paroi de la douche en entendant la sonnette retentir. Dans la minute, je noue une serviette blanche autour de ma taille. Ca ne m'étonnerait même pas que je retrouve Eugene sur le pas de la porte avec un nouveau bouquet de fleurs à la main. Il serait même capable de venir accompagné de cette portoricaine !

        J'actionne la poignée de porte en vérifiant que ma serviette tient le coup.

        "Avant que tu ne me demandes ce que je fais ici, devant chez toi, alors que la nuit est maintenant tombée et que je ne regrette ma décision, je tiens à dire que j'en avais envie. Je ne veux pas que tu me foutes à la porte, parce que je suis convaincue que tu en es capable, d'ailleurs je ne suis pas encore entrée donc ce serait légitime de ta part, dans un sens. Je veux juste que tu acceptes un peu de ma compagnie parce que si je me suis retrouvée ici, c'est quand même que la tienne me manque un peu. Mais ne t'emballes pas, j'arrive quand même à dormir. Mes insomnies ne te concernent pas particulièrement. Ensuite, j'ai pensé que ce serait bien qu'on fasse quelque chose, quelque chose comme regarder un film ou commander des pizzas, un truc banal mais cool. On peut même faire une partie de Monopoly si ça te tente, mais je te dis tout de suite que je suis très mauvaise joueuse. Après tout j'ai quand même accepté de t'accompagner chez tes parents dimanche, tu me dois au moins ça. Et finalement, pourrais-tu enfiler un t-shirt ou quelque chose pour recouvrir ce torse qui me fait explicitement de l'oeil ?"

        Je regarde Rain, muet et éberluée par la tirade qu'elle vient de lâcher devant moi. Elle est là, debout dans un jean et un t-shirt simple en train de me demander de lui donner de mon temps. Et contrairement à ce que j'aurais pu penser, je trouve son geste... culoté. Dans le bon sens du terme. J'aime même l'audace dont elle fait preuve.

        Une goutte d'eau -provenant sans doute de mes cheveux mouillés- tombe sur un de mes pieds nus. Ce qui me réveille immédiatement.

        "Tu n'as pas des copines pour faire ce genre de choses ?" je lui demande.

        Rain à l'air de réfléchir. Profondément même. Ses yeux se plissent alors que ma patience atteint soudain ses limites. Sa voix m'a paru ferme et sûre d'elle plus tôt, elle a sans doute répété son laïus plusieurs fois.

        "Je ne peux pas obliger mes amis à enfiler un t-shirt ! Avec toi ça s'avère plus facile en fait" annonce-t-elle en pointant mon torse du doigt. "Et puis leurs régimes ridicules ne me permettent pas de commander de pizzas, c'est réellement problématique en vérité"

Hunter (2014)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant