Prologue

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" La beauté est dans les yeux de celui qui regarde" - Oscar Wilde

Lui

Je sens que cette journée va être un enfer. Il n'est pas encore 8h du matin et déjà une horde d'inconnus a investi ma maison. Des fleuristes, le traiteur et ses serveurs, la wedding planner et toute sa meute de décorateurs, et qui sais-je encore ! Ils sont partout ! J'ai soudainement cruellement envie d'un verre d'alcool, genre un martini blanc. Je sais c'est un peu une boisson de ringard, mais avec des glaçons et une rondelle de citron, il faut bien reconnaître que c'est le genre de liquide qui te tabasse sévère et qui t'aide à oublier ce qu'il y a à oublier. Comme le fait qu'aujourd'hui ce n'est pas moi qui me marie, mais bien mon petit frère, Giacomo. Il épouse enfin Serafina, sa fiancée depuis deux ans. Ils s'aiment à la folie et forment un très beau couple bien assorti. Je suis très heureux pour eux, là n'est pas le problème.

Ce qu'il y a, c'est qu'ils me rappellent surtout que je ne suis toujours pas casé. En soit ce n'est pas un problème pour moi, j'aime ma vie de célibataire. J'aime le fait de pouvoir être libre d'aller et faire ce que je veux quand je le veux, d'être sans aucune attache.

En revanche, ce n'est pas ce que pense ma mère et une fois cette union célébrée, elle se fera un plaisir de redoubler la pression qu'elle me met déjà, pour que je me décide à m'engager avec quelqu'un. Parce que selon ses dires et ceux de mon oncle Mario, un chef de famille se doit d'être marié, cela appuie sa stabilité, son autorité et son pouvoir au sein de la mafia. Je ne suis pas d'accord avec eux. Je ne vois pas en quoi avoir une femme à mes côtés me rendra meilleur Capofamiglia [parrain]. Au contraire, avoir une femme me dévirait de mes devoirs et de mes obligations envers la famiglia, et ce n'est pas ce que je veux, du moins pas maintenant. Je ne dis pas que je ne voudrais jamais me marier, au contraire comme tout homme qui se respecte je veux connaitre le bonheur d'avoir ma propre famille. Une femme, des enfants, un labrador et tout ce qui va avec. En tout cas regarder les personnes de mon entourage avoir tout ça me fait un peu envie, je dois le reconnaître. Je réviserais peut-être mes priorités dans une dizaine d'années, mais là ce n'est pas le bon moment.

Mes songes sont interrompus lorsqu'on frappe deux coups contre l'un des battants de la double porte de mon bureau, qui s'ouvre ensuite sur la silhouette menue de mia madre [ma mère]. Elle est habillée de sa robe de chambre en soie crème, et ses longs cheveux bruns sont remontés en chignon sur le sommet de son crâne. Ses yeux noisette, dont j'ai hérité, me fixent d'un air contrariés. Probablement parce que je suis encore habillé avec les vêtements de la veille - une chemise blanche au col déboutonné et aux manches retroussées, sur un pantalon noir - que je portais lors du dîner de répétition. Je les porte encore parce que tout simplement, je ne suis pas allé me coucher cette nuit. J'avais trop à faire. Commanditer le meurtre d'un homme qui a trahi et volé notre famille à demander toute mon attention. Il n'y avait pas de pardon pour les actes qu'il a commis. Il s'est condamné lui-même en ne respectant pas les règles. Je n'avais pas vraiment le choix. Je ne pouvais pas aller me coucher tant que mon homme de main Paolo, ne m'avait prévenu que le travail était fini. Il m'a envoyé un message codé, il y a une demi-heure : « Luca dort avec les poissons ». Un message sicilien dont la signification est très clair. Malgré ça, et même si je le voulais, comment pourrais-je dormir, ne serait-ce que quelques heures, avec tout ce raffut dans la maison ?

- Buongiorno mamma [Bonjour maman], lui lancé-je d'un sourire tendre depuis l'encadrement de la large fenêtre contre laquelle je suis adossé.

- Figlio mio [Mon fils], souffle-t-elle de désespoir, comme si ma cause était perdue, alors qu'elle avance vers moi. Tu as une mine affreuse.

Io & Te (Insieme) è Destino ?*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant