Chapitre 22

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Evan me rejoint sous la douche avec une certaine hésitation. Je suis consciente que j'ai un comportement terriblement étrange en ce moment, mais je ne peux pas faire autrement.

On dirait que je ne contrôle plus mon corps. Mes gestes se font d'eux-mêmes sans que je ne leur en donne l'ordre, et ça me fait un peu peur. Je suis prête à parier que cela fait peur à mon alpha aussi, lui qui a l'habitude de mes réactions contrôlées.

Je n'étais pas amoureuse lors du marquage comme je ne le suis pas encore maintenant. Ma louve me convainquait que cet amour était réel, mais elle ne faisait que refléter ses propres sentiments sur moi.

Mon loup veille à ne pas me toucher, ce qui me pousse à me poser des questions. Depuis le premier jour qu'il parle de me suivre sous la douche, et quand il finit par y arriver, il devient une sainte nitouche.

La chaleur de l'eau sur ma peau m'aide à me libérer de toutes mes inquiétudes, qui me semblent si nombreuses ces jours-ci.

Est-ce que je retrouverais ma louve un jour? Est-ce que je vais sentir le lien à nouveau? Est-ce que je peux quand même régner aux côtés de mon loup sans louve? Est-ce que je vais retourner à ma meute?

La liste est sans fin. Je vais vous épargner les détails.

- À quoi tu penses?

J'esquisse un petit sourire en coin, qu'il ne peut sûrement pas voir puisque je suis de dos.

- À tous mes problèmes.

Il se colle contre mon dos pour déposer un baiser sur mon épaule. Ce geste pourtant si tendre réveille en moi un désir insatiable que je tente de réprimer. La perte de ma louve ne m'a apporté qu'une chose, l'envie de baiser.

- Tu peux m'en parler. Si tu le souhaites.

Je ris doucement en imaginant nos deux corps bouillants s'emboîter sous la douche. Ses yeux dorés me transperçant quand il viendra me faire sienne une nouvelle fois. Ses mains puissantes me retenant contre lui pendant qu'il donnera ses coups de butoir de plus en plus fort. C'est sur ces pensées que je me retourne pour lui faire face.

- J'ai terriblement envie de toi.

Je fais la moue en gémissant doucement. Ses yeux s'agrandissent légèrement, signe que son loup a réagi. Il ne devrait pas tarder à...

- T'as pas à le dire deux fois.

Encore une fois, nos corps ne font qu'un, nous laissons les événements de la journée couler avec l'eau de la douche et partons dormir pour commencer une nouvelle journée.

Je m'étire comme un chat en ouvrant les yeux. Un peu ironique, puisque je n'ai rien d'un chat. La place à ma gauche est vide quand je me réveille. Rien de bien étonnant, j'ai pris l'habitude de me réveiller seule.

Je pose mes pieds nus sur le sol froid en frissonnant. Je devrais dire à Evan de mettre un peu de chauffage avant que je ne congèle sur place. Un autre désavantage de la perte de ma louve. Je me traîne lentement jusqu'au dressing, où je trouve une longue robe jaune soleil.

Comme l'ogresse que je suis, je dévale les marches de l'escalier pour trouver quelque chose à manger. Ma bouche est ravie quand je déguste le reste du repas de hier. Mon plat de pâtes n'est pas exactement un déjeuner, mais on peut dire que ça fait l'affaire.

Puisque je n'ai rien d'autre de mieux à faire, je pars m'aventurer dans le village. Les sentiers en gravier et les maisonnettes de bois me rappellent mon chez moi. Mon ancien chez moi, avec ma famille. Maintenant que je suis marquée je devrais pouvoir leur rendre visite. Inconsciemment, je pose ma main sur ma clavicule, où se trouve la marque d'Evan. Un croissant de lune, un soleil et une étoile. Chaque alpha a une marque différente, et je porte maintenant la sienne. Pour toujours. Aucun autre loup ne va pouvoir m'approcher maintenant. À moins qu'il soit (littéralement) un dieu ou suicidaire.

Je me rends au centre du village où la plupart des loups sont réunis. Bien sûr, tous les yeux sont fixés sur moi. C'est quand même quelque chose, perdre sa louve lors du marquage. C'est la première fois que j'en entends parler. J'imagine que pour la meute aussi, c'est quelque chose d'extrêmement rare.

Il y a trop d'iris pointés dans ma direction, à présent. Bien que les regards compatissants ne me dérangent pas habituellement, il y en a bien trop pour que je me sente à l'aise.

C'est pourquoi, dans un geste rageur et quelque peu paniqué, je pars à toutes jambes dans la forêt. Des branches me fouettent le visage, m'arrachant un gémissement, l'air commence à manquer dans mes poumons et ma peau se recouvre d'une fine couche de sueur.

C'est la première fois que je cours sans la présence de ma louve. D'ailleurs, je n'ai jamais eu l'habitude de courir sous ma forme humaine, ma forme lupine étant bien plus confortable et rapide que cette dernière. Je me sens plus faible, comme si je n'étais qu'une simple humaine. Comme si ma louve n'avait jamais existé, n'avait jamais fait partie de moi. Ce constat me fit l'effet d'un coup de couteau dans le coeur, et je m'effondrais lourdement au sol.

Depuis quand suis-je aussi faible? Incapable de résister aux regards des gens de ma propre meute ou de courir plus de cinq minutes sans être essoufflée. Je veux juste que tout cela s'arrête. Je pose ma tête sur le sol et ferme les yeux. J'ai affreusement mal au crâne.

Mes mains se fichent d'elles mêmes dans mes cheveux et les agrippent dans une vaine tentative de tous les arracher. Je vais devenir folle. Je suis devenue folle. Mes poumons ne fonctionnent plus correctement et je sens que ma tête commence à tourner. Mon front posé sur le sol stable ne m'empêche pas de perdre l'équilibre et de tomber sur le côté, aboutissant en position fœtale. Une douleur me transperce la poitrine, m'arrachant un gémissement.

- Evan.

Mon dernier soupir, destiné à mon loup, est enseveli par les bruits de la forêt. C'est donc toute seule et éprise d'une douleur insoutenable au coeur que je sombre dans le noir total.

Une chance à l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant