Chapitre 8

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Ils se fixaient, le regard vert se perdant dans le bleu et inversement. Marquand s'était arrêté sur un coup de tête mais il ne savait comment aborder le sujet de leur dispute. Tout se bousculait en lui, ses pensées s'entrechoquaient, des phrases toutes faites affluaient à sa bouche mais n'en sortaient pas. Sa gorge était sèche, il avait soif.

Alice, de son côté, l'observait attentivement. Elle devinait le chaos de ses pensées, elle percevait son air tourmenté. Un instant, elle voulut l'aider, l'encourager. Elle faillit lui caresser la joue, geste qu'elle affectionnait tout particulièrement mais elle n'en fit rien. Elle le laissa se débrouiller, même si son tempérament énergique n'avait qu'une envie, le secouer pour qu'il parle ! A son air interrogatif, elle se rendit compte qu'il venait de se confier mais qu'elle n'avait pas entendu. Rougissante, elle lui demanda de répéter.

- Je suis désolé Alice.

- Désolé pour quoi ?

- Je suis désolé pour mon comportement, ma façon de te parler, ma jalousie aussi.

- Tu n'as pas confiance en moi ?

- Si mais...

- Mais ?

Fred tourna la tête et fixa un point devant lui, le visage fermé. Alice ne saisissait pas. Elle ne voyait pas où il voulait en venir. Elle posa sa main sur sa cuisse et reprit doucement :

- Fred, je ne comprends pas. Explique-moi. Si tu as confiance en moi, pourquoi es-tu aussi agressif dès qu'un homme me parle ?

Marquand l'observa et la douleur qu'elle lut dans ses yeux la bouleversa. La sonnerie de son portable interrompit l'intimité du couple et Alice répondit la voix enrouée.

- Oui Jérôme, je t'écoute.

Tout en prenant l'appel, elle vit le commandant se fermer de nouveau et sa mâchoire se serrer. Elle sentit l'agacement l'envahir et s'exhorta au calme. Elle savait qu'elle ne ferait qu'empirer la situation si elle s'énervait. Elle remercia le légiste, raccrocha et reposa sa question à Fred, d'une intonation beaucoup moins douce.

Ce dernier souffla, se demanda encore une fois pourquoi il s'était arrêté puis se lança, hésitant.

- Alice, je ne mens pas, j'ai confiance en toi. Je t'aime, tu le sais. Tu es une femme géniale, souriante, belle... Je n'en reviens pas qu'on soit enfin ensemble et...

- Et ?

- Et... j'attends la couille dans le potage quoi !

- Quoi ?

- C'est trop beau nous deux. Et j'ai la trouille qu'un truc arrive ou.. un homme. Jeune, beau, souriant, moins râleur, moins jaloux... Un mec bien quoi ! Mieux que moi en tout cas !


Alice s'adossa à son siège et renversa sa tête en arrière, ferma les yeux et ressassa les dernières paroles de son compagnon. Elle venait de lui découvrir un nouveau trait de caractère, qu'elle n'avait jamais soupçonné. Lui, le commandant, si sûr de lui dans le travail, se sous-estimait en amour. Se sentant responsable de ses craintes, elle ouvrit les yeux et reprit la parole. Elle pesa ses mots :

- Fred, écoute-moi bien. Je t'ai fait souffrir dans le passé, je le sais. Deux fois, je le sais. Je m'en voudrais à vie pour ça, crois-moi. Tu n'as plus à douter tu sais. Tu es l'homme que j'aime Fred. Tu es le seul homme en qui j'ai toujours eu confiance. Je t'ai voulu à mes côtés lors de mon accouchement, j'ai de suite donné ton nom à la crèche pour la liste des personnes à contacter en cas d'urgence. Je me sens tellement heureuse depuis que je suis avec toi, tellement apaisée ! Je suis accro à toi, tu le sais ça ? Tu es ma drogue, Fred. Tu es l'homme de ma vie.

Alice prit le temps de poser sa tête contre l'épaule masculine avant de continuer.

- Ce n'est pas parce que je parle ou souris à d'autres hommes que je vais partir avec eux ! Même si leurs compliments sont flatteurs, je l'admets, seul toi m'intéresse. Et retiens-le une bonne fois pour toutes sinon je te le tatoue sur le torse pendant ton sommeil !

- C'est passible d'emprisonnement ça, madame le juge !

- M'en fous ! Tout le monde saura que tu es à moi comme ça !

Marquand sourit et lui prit la main. Elle avait inversé les rôles pour le dédouaner, lui enlever ses mauvaises pensées.

- Alice, je vais faire des efforts, je te le promets.

- Jérôme ne m'intéresse pas. Djibril est un bébé mais il me fait rire. Je le trouve mignon !

- Mouais...

- Fred !

- Je plaisante !


La moue dubitative de la juge disait le contraire mais elle joignit ses lèvres aux siennes, scellant leur destin et la paix retrouvée, pour le moment. Ils se séparèrent avec difficulté et Alice remit sa ceinture tandis que le commandant démarrait la voiture.

- Au fait ! Il voulait quoi Ravalec ?

- Nous voir. Il a fini l'autopsie d'Anna Mottin.


Ils descendirent de la voiture devant l'Institut médico-légal et se dirigèrent vers l'entrée. Alice prit la main de Fred et juste avant la salle d'autopsie, lui murmura un « je t'aime « à l'oreille. Elle entra la première, suivi d'un commandant souriant.

- Alice ! Tu as fait vite ! Ah Marquand, vous êtes là vous aussi !

- Re-bonjour Toubib ! J'adore être avec ma femme que voulez-vous !

Alice passa devant Fred en levant les yeux au ciel et remit l'enquête au premier plan

- Alors, cette autopsie, ça donne quoi ?

- Elle n'a pas été violée. Pas de microtraumatismes à l'entrée du vagin.

- Ça ne veut rien dire ça.

- Non mais son hymen est intact ! En revanche, j'ai retrouvé du sang et un fragment de peau sous trois ongles de la victime. L'assassin a forcément trois griffures quelque part. J'attends les résultats pour l'ADN.

Le juge et le commandant remercièrent le légiste et se dirigèrent vers la porte.

- Si tu as envie d'aller boire un verre, Alice, tu m'appelles ! Comme au bon vieux temps... toi et moi...


Le couple stoppa net leur marche et ce fut Alice qui réagit la première, peu aimable :

- Jérôme, comprends une bonne fois pour toutes que je n'ai pas du tout envie d'évoquer le passé avec toi. Entre nous deux, pas d'amour, pas d'amitié, le boulot et c'est tout ! Comme t'a dit Fred tout à l'heure, je suis sa femme !

Sur ces mots, la juge prit le bras de Fred et l'entraina vers la porte. Ils entendirent Jérôme hurler :

- Sa femme ! Je me marre là ! Et la bague, elle est où hein ?? Du cinéma tout ça !

Le couple ne prit pas la peine de répondre. Etrangement, le commandant restait étonnamment calme, contrairement à sa compagne qui fulminait !

- C'est à moi de m'excuser Fred ! Ce mec est insupportable ! Il ne nous laissera jamais tranquille ! Tant qu'il restera à Paris, il nous fera chier ! Il faut absolument que...

Un baiser fougueux l'interrompit dans sa diatribe. Les jambes flageolantes, elle se raccrocha au cou de Fred et répondit avec ardeur à cet acte impromptu de tendresse. Enfin, il la relâcha et murmura un « je t'aime aussi » avant de rejoindre la voiture. Alice en resta pantelante quelques minutes puis se ressaisissant, le suivit et prit place sur le siège passager.

- On fait quoi maintenant ?

- Kadiri a convoqué le fils Richard. On va l'interroger et lui prendre son ADN. A son petit papa aussi. A toute la famille, en fait ! Mais avant, on a une course à faire.

- - Une course ?

Seul le petit sourire de Fred répondit à la question d'Alice.

Une vie mouvementéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant