Chapitre 10 : Mal être

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Jacob avait obtenu son congé de l'hôpital, mais les médecins étaient très inquiets de son état psychologique. Il allait bien physiquement, mais il était difficile voire impossible de défricher ses émotions et ses pensées. Il pouvait faire croire qu'il se sentait mieux, mais au fond de lui il aurait pu être en train de planifier sa prochaine tentative d'attentat à sa vie. Il ne regrettait pas son geste, puisque pratiquement rien n'avait encore changé. Ses parents continuaient de se disputer, mais entre eux plutôt que contre lui, en s'accusant l'un l'autre alors que le vrai problème était leur manque d'écoute et leur attitude envers leur fils. Ils se disaient inquiets par la situation, mais Jacob ne le ressentait pas. Ils ne lui avaient accordé que de très courtes visites quand il était à l'hôpital étant donné leurs horaires de travail chargés. Il avait cru que le fait qu'il passe si près de la mort les réveilleraient face à son mal être. Sa mère l'avait sauvé de la mort, mais elle ne l'avait pas sauvé de son sentiment de solitude et d'inutilité dans ce monde.

Sa famille ne suffirait pas à le sortir de cet état de désespoir, il faudrait l'aide d'un professionnel, ou plutôt d'une professionnelle. Annie Picard, la psychologue de l'école, l'aiderait à retrouver le goût de vivre. C'est pourquoi il avait maintenant deux rencontres de planifier chaque semaine, car il était reconnu comme « cas prioritaire » étant donné ses tendances suicidaires.

Lors de sa rencontre avec Annie, il la trouva tout de suite calme et accueillante. Elle était assise à son bureau penchées sur ses dossiers, elle paraissait concentrée sur les notes qu'elle avait prises lors de ses précédents rendez-vous. Quand elle l'entendit entrer, un sourire se dessina sur ses lèvres et elle lui dit bonjour. Il prit place sur la chaise de l'autre côté du bureau et la regarda en demeurant silencieux. Son pied s'agitait nerveusement reflétant bien son état d'esprit. Il était en effet stressé puisqu'il ne savait pas trop à quoi s'attendre. À sa surprise, Jacob se sentit à l'aise avec la psychologue et il décida de lui parler de son pays d'origine, les Philippines. Il lui décrivit la beauté des rizières où se rencontraient des verts vifs à foncé dans les montagnes. Les petits villages composés de jolies maisons aux toits rouges prenaient place au centre de ses énormes champs de riz au milieu de ces immenses paysages. Il lui parla des plats traditionnels qui lui manquaient ainsi que des membres de sa famille qui étaient restés dans ce pays et qu'il ne voyait donc plus depuis leur déménagement. Il aborda aussi ses amis avec qui il avait fini par perdre contact même s'ils s'étaient promis que cela n'arriverait pas. Les deux premières semaines suivant son installation au Québec, ils avaient échangé tous les jours, puis cela avait diminué à deux ou trois fois la semaine, pour ensuite s'écrire qu'une seule fois par mois et finalement ils ne s'écrivirent plus puisqu'ils se sentaient mal de ne pas avoir entretenu leur amitié pendant des mois. Il lui dit que cela l'avait blessé de ne plus avoir ses amis près de lui et de ne pas avoir été capable de s'en créer de nouveaux.

À la rencontre suivante, Jacob avait parler de la pression qu'il subissait de ses parents face à ses résultats scolaires qu'il ne pouvait plus supporter, qui était devenue trop lourde sur ses épaules. Tous les discours et sermons de ses parents sur l'importance des études et d'avoir un métier prestigieux qui amenait un statut social important comme médecin ou avocat. Jacob se vida le cœur, il expliqua que toutes ces attentes envers lui ne lui ressemblait pas et devenait ainsi une grande source de stress. Il lui raconta les scènes de disputes entre ses deux parents suite à sa tentative de suicide qui rendait l'atmosphère à la maison encore plus lourde et difficile à vivre.

Avec ce que Jacob lui racontait et ses symptômes qu'elle avait noté dans son dossier, Annie put le diagnostiquer en tant que dépressif. De nombreux éléments déclencheur étaient à l'origine de son état comme son déménagement, la pression parentale, sa solitude face à la perte de ses amis et son sentiment d'inutilité face aux reproches incessantes de sa mère. Elle mit en place quelques stratégies pour son traitement. Jacob semblait avoir perdu de l'intérêt dans toutes les activités qu'il aimait, elle lui conseilla fortement de reprendre le dessin qu'il n'avait pas refait depuis son arrivée ici. Faire du sport ou une activité physique qu'il apprécierait pourrait aussi lui faire du bien. Annie essaya de reformuler les phrases qu'il disait d'une manière plus positive, plutôt que de continuer de penser négativement. Bref, elle eut l'impression d'avoir fait du progrès avec lui et cela la ravit.

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