Les évènements de la veille avec Maïka l'avaient troublé quelque peu et c'est en se remémorant cette drôle de soirée qu'il se rendit à pied à l'école. Il devait se présenter au bureau de la psychologue à 9h15, mais il s'arrangerait pour arriver en retard puisqu'il voulait tout de suite éliminer les illusions qu'elle pourrait s'être faite et penser qu'il coopérait facilement. C'est pourquoi c'est avec dix minutes de retard qu'il entra dans le bureau d'Annie affichant un sourire arrogant. Il s'assit sur la chaise et regarda autour de lui comme s'il découvrait la pièce pour la première fois.
Annie le regarda et à la grande surprise de Mathieu, elle n'avait pas l'air en colère. Elle affichait le même air calme et souriant que lorsqu'elle l'avait rencontré auparavant. Elle lui demanda comment il allait, s'il trouvait que sa situation s'était améliorée depuis leur dernière consultation. Mathieu ne savait pas quoi dire. Il aurait cru qu'elle lui aurait directement reproché d'avoir continuer à consommer autant. Ce qu'Annie voulait, c'est que Mathieu se rende compte par lui-même que sa consommation de stupéfiant était problématique.
Annie lui parla ensuite de sa famille, elle cherchait à apprendre à le connaître davantage. Il commença alors à parler un peu. Il lui dit qu'il avait un frère plus vieux, Théo, qui avait 17 ans et qu'ils vivaient avec leurs parents près de l'école. Elle l'écouta et prit des notes essayant tranquillement de dresser le portrait familial dans lequel vit Mathieu. Elle lui demanda ce que ses parents faisaient dans la vie, ce à quoi Mathieu répondit d'abord que son père était un brillant homme d'affaires et sa mère une comptable. Annie avait noté un changement dans sa voix, elle sentait qu'il ne disait pas la vérité, elle cessa donc d'écrire. Mathieu vit bien qu'elle n'avait pas écrit les métiers de ses parents ce qui le fit stresser, car il se doutait bien qu'elle avait deviné qu'il mentait. Il pensa alors qu'un joint lui ferait du bien, il se sentait tellement tendu tout à coup.
Annie le regardait droit dans les yeux et répéta : « Homme d'affaire et comptable? Ils ont plutôt bien réussi dans la vie! » L'intonation qu'elle avait mise en prononçant la dernière phrase envoyait le message clair à Mathieu qu'elle savait qu'il mentait. Il pencha la tête vers le bas et cacha son visage entre ses mains. Il se sentait vulnérable face à cette femme, il voulait parler, mais il ne voulait pas devenir ce genre d'homme émotif ayant besoin d'un psy pour vivre et écouter leurs problèmes. Il dit presqu'en murmurant : « Ce n'est pas vrai, j'ai menti, ils ne travaillent pas, ce sont des BS. »
Annie était contente face à cette première ouverture de la part de Mathieu. Elle écrivit les informations qu'il lui confia sur ses parents, mais ne poussa pas trop, de peur qu'il se referme. Elle commençait à avoir une meilleure idée de la famille qui entourait Mathieu, soit une mère alcoolique, un père qui consommait beaucoup de drogues et alcools aussi et qui impliquaient ses deux fils mineurs avec lui. Elle était au moins soulagée qu'il n'est pas parler de violence, puisque dans des situations semblables, la violence était souvent de la partie. Elle réfléchit à la situation et se demanda si le frère de Mathieu l'influençait aussi de manière négative. Elle tenterait d'aborder le sujet avec lui à la prochaine rencontre.
À leur deuxième consultation, Mathieu arriva à l'heure ce qui était déjà un bon signe de progression. Il semblait moins sur ses grades que la dernière fois et ils discutèrent quelques minutes des changements récents dans sa vie et des activités qu'il avait fait cette fin de semaine. Quand elle sentit qu'il était plus à l'aise, elle chercha à en savoir plus sur son frère Théo. Elle vit tout de suite l'admiration qu'il portait à son grand frère. Il parla surtout de ses qualités de bon prof et leader ainsi qu'il était une personne très sociable. Il mentionna aussi que c'était lui qu'il l'avait sauvé le jour de sa surdose de fentanyl. « Donc il était avec toi ce jour-là? » lui demanda-t-elle, persuadée que cette information lui permettrait de relier Théo aux mauvaises habitudes de Mathieu. Ce dernier hocha la tête, se demandant s'il venait de faire une gaffe. Il ne souhait en aucun cas relier son frère à ses problèmes de consommation, même si au fond de lui il savait pertinemment que c'était lui qui l'avait initié à tout ça. Il avait l'impression que de tout raconter à Annie serait comme une trahison envers son frère. Il se ferma aux autres questions de la psychologue et celle-ci comprit que c'était un sujet qu'il ne souhaitait pas aborder. Elle mit fin à la rencontre, puisqu'elle voyait bien que Mathieu ne souhaitait plus coopérer.
Leurs rencontres étaient une suite de hauts et de bas où Annie devait sans cesse s'adapter aux humeurs de Mathieu. Parfois, il se sentait plus bavard et lui communiquait certaines de ces insécurités, mais d'autres fois, elle se retrouvait face à un mur qui ne parlait pratiquement pas. Elle essayait de lui faire comprendre que la drogue n'avait pas un bon effet sur lui à long terme, la meilleure preuve était sa surdose de fentanyl où il aurait très bien pu mourir. En réponse à cet évènement, Mathieu essayait de se défendre en rejetant la faute sur le gars qui lui avait donné les jujubes. Il avait gardé pour lui l'information qu'il s'agissait en fait d'un ami à Théo pour ne pas l'impliquer et qu'Annie l'associe à tout ça. Il se doutait par contre qu'elle finirait par faire le lien, car c'était une femme intelligente.
Personne ne travaillant pas qui bénéficie de l'aide sociale, autrefois le bien-être social.
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Dans nos têtes
Non-FictionAu cours de la lecture de ce roman, vous découvrirez 4 jeunes adolescents de 14 à 16 ans apprenant qu'ils sont atteints de troubles de la santé mentale. Ils feront alors la rencontre de la psychologue de l'école, Mme Annie Picard, qui les aidera à...