Le prochain jeune à entrer dans le bureau de Madame Picard était du type mauvais garçon. Il s'appelait Mathieu et à son expression faciale, il était facile de deviner qu'il n'avait aucune envie d'être là et qu'il se balançait de tout ce qu'Annie lui racontait. C'était un de ses amis qui s'inquiétait pour lui qui l'avait dénoncé à la direction. Il avait peur que la consommation de drogues de Mathieu ne s'arrête jamais. À ses dires, Mathieu pouvait consommer au moins 5 fois par semaine, du cannabis la majorité du temps, mais parfois d'autres perturbateurs et hallucinogènes comme de l'ecstasy ou des champignons magiques.
Annie n'avait jamais traité ce genre de dossier, mais le dernier intervenant en toxicomanie avait quitté ses fonctions l'année dernière. Elle avait déjà fait quelques études dans le domaine, mais ne les avait pas terminés, bref elle était tout de même la personne la mieux placée pour aider Mathieu, s'il voulait bien coopérer.
Il ne voulait rien savoir. Mathieu ne voyait pas pourquoi cette madame qu'il ne connaissait pas se mettait soudainement le nez dans ses affaires. En quoi cela la concernait ce qu'il faisait dans ses temps libres ? Il ne voyait pas pourquoi quelqu'un s'inquiétait pour lui. Il n'était pourtant pas un débutant. Il n'avait peut-être que quinze ans, mais il savait à quoi s'en tenir. Évidemment que la cocaïne et l'héroïne s'étaient dangereux, ceux commençant ses drogues oubliaient parfois que c'était comme un mariage. À la vie, à la mort. Rares étaient ceux qui arrivaient à divorcer, la passion était souvent trop forte. Le fentanyl non plus, il ne fallait surtout pas y toucher. Son frère lui avait dit : « Ceux qui font des surdoses y laisse presque toujours leur peau. » Mathieu le vénérait. C'est lui qui lui avait tout appris : comment rouler ses premiers joints, qui était les meilleurs dealers, les drogues à éviter, celles qui n'étaient pas dangereuse. Son frère l'avait initié il y a trois ans avec du pot, puis au fils des mois et des années, il lui avait montré les petites pilules qu'il affectionnait particulièrement soit l'ecstasy, ensuite le LSD et ainsi de suite. Bref, Mathieu s'en venait un véritable connaisseur grâce à son grand frère, Théo.
Annie ne pouvait pas l'obliger à venir à leurs réunions étant donné que la seule preuve était le témoignage de son ami inquiet, mais elle lui recommandait fortement de venir et de participer puisque les problèmes de toxicomanie s'intensifiaient souvent à l'âge adulte, lorsque les jeunes devenaient complètement indépendants et autonomes. Mathieu était mince, une caractéristique récurrente des toxicomanes, il avait les yeux verts que des grands cernes mauves soulignaient, il était grand et avait les cheveux aussi longs qu'Annie d'un brun très foncé. Dès qu'elle l'informa que leurs rendez-vous n'étaient pas obligatoires, il se leva d'un bond et sortit du bureau en claquant violement la porte.
Il sortit de l'école et marcha jusqu'à chez lui-même si les cours n'étaient pas finis, la rencontre d'Annie l'avait mis de mauvaise humeur. Arrivé chez lui, il alla dans sa chambre, prit le flacon de pilules sur sa commode et en avala deux d'un coup. Il se dirigea ensuite à la cuisine où la table était recouverte de bouteilles de bières vides. Il s'en prit justement une dans le frigo et alla s'étendre sur le divan tâché près de sa mère qui dormait encore sous l'effet du mélange d'alcool et de médicaments.
Quand son frère revenu à la maison, ils sortirent ensemble et firent un tour de voiture. Ils allèrent jusqu'à Montréal et rejoignirent quelques copains dans le quartier Hochelaga. Ils avaient évidemment pris de quoi passer une bonne soirée dans les vapes. L'un des amis de son frère semblait plus souriant que d'habitude. Il avait apporté une nouvelle drogue qu'il disait avoir essayer la veille et qui était vraiment parfaite pour décrocher de ses problèmes. Mathieu fut tout de suite intéressé par sa proposition, la rencontre avec la psychologue l'empêchait de lâcher prise, car elle continuait de lui trotter dans la tête et il était impossible de l'oublier juste avec son joint quotidien. C'est pourquoi il se laissa tenter par les petits jujubes qui avaient l'air inoffensifs dans la main de l'ami de son frère. Il les mit les trois dans sa bouche en même temps, aimant bien leur côté sucré. Il faisait confiance à ces gars, même si la majorité des gens les catégorisaient de louches. Il n'avait pas demandé les ingrédients que contenaient ces bonbons et ce fut une des plus grosses erreurs de sa vie.
Mathieu sentit d'abord un sentiment de plénitude l'envahir. Il ne pensa plus aux gens qui l'énervaient et à ses problèmes. Il était presque euphorique, il y a longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi heureux et léger. Malheureusement, après quelques minutes, la situation tourna au cauchemar. Ses paupières devinrent très lourdes et il dut s'allonger. Il perdait conscience de ce qui l'entourait, les sons s'amenuisaient peu à peu autour de lui. Sa respiration devint très lente. Théo qui n'avait que fumé un peu réalisa que quelque chose n'était pas normal. Il regarda son frère allongé sur le trottoir qui semblait dormir et vit bien qu'il allait bientôt cesser de respirer. Malgré son état, il appela une ambulance en espérant de tout cœur que son petit frère s'en sortirait.
Il lança un regard noir à son ami qui allait peut-être tuer son frère. Il se mit à l'engueuler en lui demandant ce qu'il y avait dans les jujubes. Le responsable lui dit qu'il ne pensait pas que Mathieu allait en manger trois d'un coup, qu'un seul était assez puissant. Le frère de Mathieu s'énerva et le frappa au visage. Il lui avoua finalement qu'il y avait une dose de fentanyl dans les substances servant à fabriquer les bonbons. Il se sauva ensuite en courant avec les autres qui ne voulaient pas être là à l'arrivée des urgences.
Les lumières rouges et blanches de l'ambulance apparurent au bout de la rue et se rapprochèrent de l'endroit où Mathieu et son frère se trouvaient. Ce dernier fit de grands signes de la main aux ambulanciers pour qu'ils s'arrêtent. Ils débarquèrent en trombe et se précipitèrent vers le corps qui paraissait sans vie sur le trottoir. Théo recula laissant les ambulanciers faire leur travail. Ils lui demandèrent s'il était de sa famille immédiate, puisque si oui, il lui était permis d'entrer dans l'ambulance avec lui. Il prit donc place sur le banc sur à droite de Mathieu dans le véhicule. Même s'il était até, Théo joint ses mains ensemble et pria en silence que son frère s'en sorte.
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Dans nos têtes
Non-FictionAu cours de la lecture de ce roman, vous découvrirez 4 jeunes adolescents de 14 à 16 ans apprenant qu'ils sont atteints de troubles de la santé mentale. Ils feront alors la rencontre de la psychologue de l'école, Mme Annie Picard, qui les aidera à...