Chapitre 1.2

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Johann

Mon téléphone sonne mais je suis perché en haut de l'échelle, en train d'accrocher les décorations dans la salle municipale où auront lieux les animations de demain. Les enfants viendront fabriquer des paniers en papier et carton avant de récolter les chocolats que leur distribuera Saint-Nicolas, ou, s'ils n'ont pas été sage, les morceaux de charbon du Père Fouettard. On m'a fait comprendre qu'étant donné mon manque de minutie lors de la confection des couronnes le week-end dernier, je pouvais m'abstenir de venir aider durant l'atelier. Ça me va très bien, j'ai de trop gros doigts pour ces petites choses !

Mon portable émet un bip, signe qu'on a laissé un message. J'enfonce la dernière punaise dans le faux-plafond et descend prudemment avant de l'écouter, puis de répondre d'un SMS. Ma mère a besoin de moi au café. Elle ne m'a pas dit pourquoi, juste de venir le plus rapidement possible. Je demande à Georges de m'aider à descendre les derniers sapins de la benne de mon pick-up, nous les déballons et les installons de chaque côté de la porte, avant de dresser l'arche entre eux et de la décorer sommairement de guirlandes et de boules. Je commence à avoir des doutes sur le fait que nous soyons prêts à temps pour le lendemain après-midi. Ce sera peut-être le pire festival depuis trente ans, et ce sera de ma faute.

Je me mets en route. Les trottoirs sont tout blancs et les enfants qui sortent de l'école s'en donnent à cœur joie entre batailles de boules de neige et glissades. Même à travers les vitres fermées, j'entends les nounous leur crier d'arrêter ça.

Je m'arrête devant le café. Hervé en sort, me salue, nous échangeons quelques mots à propos de la météo, puis j'entre. Je remarque aussitôt deux inconnus, un père et son fils, même s'ils se ressemblent assez peu. Lui est blond aux yeux gris, la mâchoire carrée et mal rasée, le nez un peu long, la mine fatiguée. Il doit avoir la fin de la trentaine. Le gamin, lui, est métis, avec des boucles serrées d'un châtain très foncé et des yeux marrons.

— Jo ! m'interpelle ma mère. Ces messieurs ont besoin d'une chambre.

Je me tourne vers eux.

— Bien sûr. Ce serait pour combien de temps ?

— Le garagiste m'a dit qu'il ne pourrait pas réparer ma voiture avant quatre jours.

— Pas de problème. J'ai de la place à la ferme.

L'expression soulagée de l'homme me pousse à croire qu'il cumule les galères depuis un petit moment et ne s'attend plus à ce que quelque chose tourne bien.

— Je m'appelle Johann, fais-je. Tout le monde m'appelle Jo.

— Adrien, et voici Sasha.

— Bonjour, me dit le gamin qui doit avoir huit ans, ou pas loin.

— Bonjour bonhomme. Je vous emmène ? Et vous me raconterez en route ce que vous conduit par ici.

— Sauf si vous avez autre chose à faire de plus urgent ! se récrie Adrien. Ne vous dérangez pas pour nous, nous pouvons attendre un peu.

— Non, c'est bon. C'est de la ferme dont je dois m'occuper maintenant.

Je m'empare d'une des énormes valises lorsqu'ils sont prêts à partir. Maman leur offre leurs boissons et nous sortons. Je case leurs bagages et le gamin derrière, tandis qu'Adrien s'installe avec moi à l'avant.

J'apprends qu'il est tombé en panne à quelques kilomètres, que son assurance a envoyé Paul, notre garagiste, le dépanner et que c'est ainsi qu'il a atterri dans notre petite ville. Le ton de sa voix m'inquiète, vraiment, il a l'air au bord du désespoir. J'imagine qu'il ne tient que grâce au bout-de-chou qui s'extasie, le nez contre la vitre.

En panne pour NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant