Adrien
Dampierre-la-Noël a aussi son charme l'été, sous un soleil éclatant. La cuisine est baignée de lumière et la porte ouverte sur le jardin. Sasha est allé avec Johann jusqu'au pré des chèvres et des rennes afin de les ramener pour la nuit. Mon fils, qui n'avait jamais connu que la ville, est devenu un vrai petit fermier. Et il adore Johann.
Le four sonne. Je sors la quiche du four. Avec une salade, ce sera parfait pour le dîner. Je prépare les assiettes et les couverts, même si nous ne sommes pas près de passer à table. Jo devra encore traire les chèvres avant de terminer sa journée.
Je me laisse tomber sur une chaise en grimaçant à cause des courbatures dues au déménagement. Ça y est, j'ai quitté la gendarmerie. Paul, le garagiste, m'a proposé de travailler avec lui. Passer des heures penché sur un moteur n'arrange pas ses problèmes de dos et il est ravi de passer un peu la main. Je commencerai à travailler à la rentrée, en attendant j'ai l'été devant moi.
Je me demande si nous ne pourrions pas dîner dehors. Je sors sur la terrasse. Au-delà du jardin, les prés s'étendent à perte de vue jusqu'à la forêt. Il fait bon, les oiseaux piaillent et on n'entend aucune voiture. Juste les chèvres qui se rapprochent ; ils seront bientôt là. Je passe un coup d'éponge sur la table et les chaises qui n'ont pas été épargnées par les crottes des moineaux qui nichent sous le rebord du toit.
J'ai passé la moitié de mes week-ends ici depuis le début de l'année. C'était difficile de ne pas venir les week-ends d'astreinte. Je m'y sens bien. J'ai retrouvé mon équilibre. Reprendre le travail en janvier n'a pas été facile, j'étais en meilleure forme, grâce aux attentions de Johann, mais j'ai continué à faire des heures supplémentaires et Jo me manquait mais je savais que le vendredi soir, nous serions ici. Sasha était aussi impatient que moi, même si faire ses devoirs plutôt que d'aller courir avec les chèvres ne l'enchantait pas du tout. C'est sous son insistance que j'ai envisagé de déménager. J'avais peur de l'éloigner de son environnement, de son école, de ses amis, et de ses grands-parents maternels, mais c'est lui qui parlait de venir vivre ici tout le temps. Ses grands-parents ont compris ce qu'il se passait et m'ont donné leur bénédiction. Nous sommes plus loin d'eux, mais ils continueront de l'avoir aux vacances, et même plus longtemps que d'habitude. En revanche, il n'est pas prévu qu'il passe du temps chez mes parents. J'ai eu mon père au téléphone plusieurs fois depuis décembre mais il est hors de question que j'y retourne. Ou qu'ils viennent. Jo ne tient pas à les rencontrer et souhaite que je me préserve. Il est très protecteur et attentif. Je n'ai jamais connu ça avant mais j'avoue que j'aime beaucoup.
J'aime aussi sa famille, un peu envahissante par moments, mais ils sont tous très gentils. Ils m'ont tout de suite accepté, je fais partie de leur famille maintenant. Nous avons fêté l'anniversaire de Sasha tous ensemble et c'était génial. Ils sont présents les uns pour les autres, et j'ai retrouvé cette solidarité qui m'avait manqué en quittant l'armée. Je suis devenu le remplaçant attitré de Solange au bistrot, ce qui soulage Johann qui a trop de travail pour la seconder en cette période de l'année. Et Sasha a trouvé une sœur en Léa. Ils sont inséparables et je plains leur institutrice à la rentrée, qui les aura tous les deux dans sa classe.
Ici, nous avons trouvé notre place.
Ma petite tornade déboule sur la terrasse après avoir traversé la cuisine avec ses chaussures sales. Je râle. Il court jusqu'à la vieille balançoire. Il est inépuisable ! Du bruit provient de la chèvrerie.
— Sasha ! l'appelé-je. Va prendre ta douche avant de manger ! Si tu te dépêches, tu auras même le temps de regarder un dessin-animé !
J'ai touché une corde sensible. Je l'oblige à laisser ses chaussures crottées à l'extérieur.
Au bruit des chèvres et des machines, à la lumière dans la fromagerie, je suis le travail de Johann. Tout est prêt quand il arrive. Je passe un bras autour de sa taille et l'embrasse. Il complexe à propos du coussin moelleux qu'il a à ce niveau-là, je le sens rentrer le ventre. J'évite de rire, il va croire que je me moque. Je lui ai déjà dit que je m'en fichais, que je l'aimais tel qu'il était, et même avec son odeur de chèvre poussiéreuse qu'il a après avoir passé du temps avec les bêtes.
— Tu sais que je t'aime, murmure-t-il en me relâchant.
Mon cœur s'emballe à chaque fois qu'il me le dit. J'ai mis du temps à le lui dire à mon tour, mais je n'ai plus de blocage à présent.
— Moi aussi je t'aime. Par contre, tu vas aller te laver les mains avant de manger !
Il explose de rire et se dirige vers la cuisine.
— Retire tes bottes !
— Chef, oui chef ! rit-il.
Je secoue la tête en souriant.
— Tu sais que tu es un peu tyrannique ? ajoute Jo.
— Tu le savais quand tu m'as proposé de m'installer avec toi, lui rappelé-je.
Il me souffle un baiser et disparaît à l'intérieur. Je remue la salade en attendant le retour de mes deux hommes. Sasha arrive le premier. Jo le suit.
S'il y a six mois, lorsque je suis tombé en panne, on m'avait dit que je retrouverais le bonheur dans ce coin perdu, je ne l'aurais pas cru. Jo dit que c'est la magie de Noël qui nous a réunis. Il a peut-être raison...
Merci à tous et à toutes d'avoir suivi ma petite histoire de Noël sans prétention. J'espère qu'elle vous a plu. Si vous le voulez, vous pouvez aller lire celle de l'année dernière "Vernis à ongle et boule de Noël". Et je vous souhaite en avance de joyeuses fêtes de fin d'année !
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En panne pour Noël
RomanceQuand Adrien tombe en panne avec son fils à quelques kilomètres de Dampierre-la-Noël, il est loin d'imaginer faire une rencontre qui bouleversera leur vie à tous les deux...