Chapitre 5.1

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Adrien

Nous sommes lundi et comme je l'ai promis à la maîtresse de Sasha, je lui fais classe. La matinée s'est bien passée, je trouve qu'il avance bien mais Johann a parlé de la naissance imminente de chevreaux pendant le repas et depuis, il est incapable de se concentrer, me demandant toutes les dix minutes s'il peut aller voir.

— Tes tables de multiplication d'abord ! soupiré-je. Huit fois sept...

— Cinquante-six, marmonne-t-il après un instant d'hésitation.

J'entends Johann taper des pieds avant de rentrer. Sasha est prêt à bondir de sa chaise. Je suis à deux doigts de renoncer à lui faire cours. Il va falloir que je tienne deux semaines. Deux petites semaines, ensuite ce sera les vacances.

Jo nous rejoint, de la paille collée aux genoux. Il sourit comme un benêt. Cette fois, je sais que la leçon de maths est terminée.

— Les deux chèvres ont mis bas. Vous voulez venir voir les bébés ? propose-t-il.

— Oui ! s'exclama mon fils en quittant sa chaise.

— Mets tes chaussures ! lancé-je en le voyant se précipiter vers l'entrée.

Dehors, il gèle. Les restes de neige fondue craquent sous nos pieds et ça glisse sévèrement. En revanche, la chèvrerie est chauffée par les animaux et il y fait bon. Sasha est excité comme une puce. Jo lui prend la main et l'emmène dans l'enclos pendant que je reste au bord, je n'ai pas très envie de patauger dans la paille sale. Les petits sont bien visibles d'où je suis. Celui qui est couché dans la paille est encore tout mouillé pendant que l'autre tête goulûment sa mère. Ils sont trop mignons ! Jo explique à Sasha que c'est important que le petit boive le lait de sa mère tout de suite, pour profiter de toutes les bonnes choses qu'il contient. Bon, ça vaut bien une leçon de maths.

Nous laissons les chevreaux pour aller voir les rennes qui sont dehors, contrairement aux chèvres. Leur pelage épais les protège du froid. Ils s'approchent de la barrière et je peux les caresser. Leur souffle forme des panaches blancs. Jo me donne un petit coup d'épaule.

— Ça a déjà l'air d'aller mieux qu'à ton arrivée.

— Il faut croire que changer d'environnement me fait du bien.

Je réponds à son sourire. Il n'y a peut-être pas que l'environnement en cause. C'est plaisant de se sentir désiré, de plaire à nouveau. Même si ce n'est que pendant quelques jours.

Le portable de Jo sonne dans sa poche. Il décroche, échange quelques mots avec son interlocuteur à propos du festival et coupe la communication. Je l'interroge du regard.

— C'était à propos du labyrinthe. Les habitués ont trouvé qu'il y avait moins de décorations à l'intérieur, moins de surprises, alors on m'a « gentiment » rappelé qu'il y avait plein de choses chez moi.

— Et c'est vrai ?

— Ouais. C'est plein de trucs cassés. Ça prend l'eau et le gel pendant un mois par an, alors forcément ces machins ne font qu'un hiver.

— Veux-tu que j'y jette un œil ?

— Tu ferais ça ?

— J'ai du temps, tu as définitivement arraché Sasha à ses cours.

Il m'adressent tous les deux leurs visages le plus angélique.

Jo, spontané, me serre brusquement dans ses bras.

— Merci !

Je lui tapote le dos, un peu gêné.

— Euh... je n'ai encore rien fait.

En panne pour NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant