Chapitre 2.2

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Johann

— Je t'en prie, réponds-je.

Adrien sourit, notant que je viens de le tutoyer. Il a les joues un peu roses, le regard brillant. La mirabelle ajoutée au vin chaud doit faire effet. J'avoue, il est un peu fort quand on n'a pas l'habitude, j'aurais peut-être dû le prévenir. Il se détend enfin et me détaille sous ses paupières à demi baissées, son verre vide entre les mains. Je m'empare de mon bol de compote et en avale une première cuillère. Je garde celle-ci en bouche plus longtemps que nécessaire, le fixant en même temps. Il m'imite quelques secondes plus tard, avec un amusement évident. Je n'arrive pas à déterminer s'il serait prêt à aller jusqu'au bout.

— C'est peu courant d'être en congés avant les vacances de Noël, dis-je en espérant assouvir ma curiosité et savoir pourquoi il se retrouve sur la route avec un gamin qui devrait être à l'école.

Il fronce les sourcils, redevient tout à coup sérieux et, après avoir demandé la permission, se ressert en vin chaud, tiède à présent. Il en boit une grande gorgée avant de répondre :

— J'ai été mis en congés par mon médecin, explique-t-il en fixant le pied de la table basse. Pour lui, j'étais en train de faire un burn-out.

Je ne sais plus quoi dire.

— J'ai embarqué Sasha et j'ai décidé de rejoindre ma famille, en Alsace. Je crois qu'on a besoin de temps tous les deux.

Il renverse la tête en arrière. Sa douleur est palpable. Ça le rend touchant.

— Est-ce que la maman de Sasha... hasardé-je.

— Elle est morte quand il avait deux ans, soupire-t-il.

— Oh... désolé.

— J'avais refait ma vie mais ça aussi c'est de l'histoire ancienne. Je crois que je vais arrêter avec ces conneries d'amour et de couple, ce n'est définitivement pas pour moi.

Ça sent la déception et la trahison à plein nez.

— Mais je vais m'en sortir, reprend-il en me regardant droit dans les yeux. J'ai juste besoin d'une pause.

Il est vraiment craquant avec ce petit air bravache sur le visage. S'il a surmonté la perte de sa femme et élevé seul son fils, c'est qu'il est assez fort pour surmonter cette deuxième épreuve. Il me prend l'envie de lui apporter un peu de réconfort, de l'aider à se changer les idées, durant les quelques jours de son séjour parmi nous. Nul doute que le festival l'y aidera.

— Un café ?

Il hoche la tête. Je propose une goutte de mirabelle pour l'accompagner.

— Ce ne serait pas sérieux ! rit-il. Le vin chaud me tourne déjà la tête.

— Est-ce si désagréable ?

— Pas du tout, tant que tu n'essaies pas d'abuser de moi.

L'alcool le désinhibe gentiment. J'ai bien l'intention d'en profiter un peu. Je fais le café un peu fort ; je ne veux pas qu'il s'endorme. Je dépose les tasses sur la table basse et le rejoint sur le canapé. Il se tourne vers moi, une jambe repliée sous l'autre, la tête dans sa main avec un brin de nonchalance qui lui va bien. Mon genou touche le sien. Il le remarque, sourit et passe sa langue sur sa lèvre pour l'humidifier. Ce n'est presque rien, mais ma respiration s'accélère.

— Tu as toujours vécu ici ? m'interroge-t-il.

— Non. J'ai passé dix ans à Paris avant de revenir aider ma mère et reprendre la ferme, quand mon père est tombé malade.

En panne pour NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant