Chapitre 7

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Adrien

Je galère à trouver une place dans le quartier de mes parents. Ils habitent Strasbourg même, une petite maison de ville, et se garer relève toujours de la loterie. Je les appelle pour qu'ils viennent m'aider avec les bagages.

Ils approchent des quatre-vingts ans. Mon père, Henri Schaeffer, a tout du gentil vieux monsieur, un peu tassé, avec une couronne de cheveux blancs entourant son crâne dégarni, des lunettes rondes et son sempiternel gilet. Il fait presque négligé à côté de ma mère, Évelyne, toujours tirée à quatre épingle et parfumée, une mise en plis parfaite. Elle s'est maquillée et porte ses bijoux, signe qu'elle a dû aller faire des courses ou voir des amies. Elle a toujours eu une haute opinion d'elle-même et de ce que devait être notre famille en société. Elle nous embrasse et nous emboîte le pas.

Avec mon père et Sasha, nous parvenons à tout porter jusqu'à la maison. Sasha est heureux de revoir ses grands-parents, c'est tout ce qui importe. Dès qu'elle a refermé la porte sur nous, ma mère se lance dans une diatribe à propos du fait que nous aurions pu arriver quatre jours plus tôt si je n'avais pas été si tête en l'air et si j'avais fait ce qu'il fallait pour les rejoindre. Tout est de ma faute. Heureusement, nous n'arrivons pas trop tard pour le repas.

Sauf que je n'ai pas faim. J'ai l'estomac noué et je suis fatigué. Sasha, lui, déborde d'énergie après sa sieste dans la voiture. Il examine chaque décoration, et mes parents ont mis le paquet cette année. Le sapin monte jusqu'au plafond, chaque encadrement de porte est souligné de guirlandes et de boules, des flocons en flocage blanc ornent les vitres, ours, pingouins et rennes en peluche s'alignent sur les rebords des fenêtres et des chaussettes sont suspendues à la cheminée condamnée. C'est vraiment chouette et s'ils l'ont fait parce que nous venions passer plusieurs semaines chez eux, c'est encore plus touchant. Ma mère fait chauffer un mélange de jus d'orange et d'épices qui embaume dans toutes les pièces.

— J'ai préparé ta chambre, me dit-elle.

Je monte nos affaires à l'étage, faisant plusieurs allers-retours avant de pouvoir tout entasser dans ma chambre d'adolescent. Entre mon lit et celui de Sasha, il n'y a pas beaucoup de place. Il est assez grand pour avoir sa propre chambre, maintenant, je devrais en parler à mes parents. Il y en a trois autres, après tout. Je range nos vêtements, les cours et les jeux, et me retrouve avec la boîte de biscuits entre les mains.

Je regrette de ne pas avoir embrassé Jo avant de partir, mais je ne pouvais pas, pas devant Sasha. Je ne veux pas qu'il s'imagine qu'un autre homme va entrer dans notre vie, qu'il s'attache. Je ne ferai pas la même erreur deux fois.

Je m'assois au bord de mon lit, ouvre la boîte et goûte une part de pain d'épice. Jo en a refait un rien que pour nous, à l'orange et au chocolat. J'ai fait une pause goûter sur la route, mais il reste un gobelet de chocolat chaud. Je n'ai toujours pas faim, mais les odeurs et la douceur du chocolat sucré me dénouent le ventre et me ramènent à Dampierre.

Je ferme les yeux, empêchant les larmes de déborder. Je n'ai pas vraiment envie d'être ici. J'avais cru que revenir dans la maison de mon enfance m'apaiserait, mais ce n'est pas le cas. Cette chambre n'est plus la mienne. Mes neveux et nièces l'utilisent bien plus souvent que moi et y ont laissé des traces de leur passage : des posters trop récents pour m'appartenir, un coffre à jouets, quelques livres sur le bureau, un cahier d'écriture.

Je ne me sens pas plus « chez moi » chez moi. L'appartement que j'occupe est celui où j'ai essentiellement vécu avec Romain. J'ai envie de tourner la page, et pour cela de déménager. J'ai une envie de tout changer. Mon médecin m'a déconseillé de prendre des décisions importantes dans mon état, donc je vais attendre de voir si ça passe, ou si ça persiste.

En panne pour NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant