Chapitre 2.1

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Adrien

Je rebondis quand je me laisse tomber à la renverse sur le lit. J'ai juste envie de fermer les yeux et de dormir, mais j'entends Sasha babiller pendant qu'il joue à un jeu sur mon téléphone. Il est encore en pleine forme, alors que je n'en peux plus. Le regard de Jo m'a amusé, mais je n'aurais pas la force d'assumer le sous-entendu foireux qui m'a échappé. Qu'est-ce qui m'a pris ? C'était vraiment nul.

Je ferme les yeux.

Quand je les rouvre, Sasha est assis à califourchon sur mon ventre.

— Quand est-ce qu'on mange ? demande-t-il quand il voit que je réagis enfin.

— Euh... on va aller voir si c'est prêt.

Je le soulève et il court vers la porte. Je lui envie son énergie.

Je frissonne. J'aurais dû remettre au moins un T-shirt avant de m'endormir. Je suis dans le coaltar, je secoue la tête mais rien n'y fait. Je passe un sweat à fermeture avant de quitter la chambre. Sasha est déjà en bas de l'escalier, il m'attend, n'osant pas aller plus loin sans moi. Nous traversons la cuisine, au charme rustique, dirons-nous, en tout cas, elle a dû connaître peu de changements depuis les années 80 voire avant : ce n'est pas une cuisine « équipée » mais un assemblage de meubles anciens autour d'une table au plateau usé et de chaises en pailles. Une vieille cafetière émaillée décore le buffet, un tableau représentant un lapin et une poule est suspendu au-dessus d'une huche à pain, mais j'aperçois aussi un robot pâtissier tout ce qu'il y a de plus moderne par la porte d'une armoire entrouverte. Il s'en dégage une grande simplicité, à l'image du propriétaire des lieux que nous trouvons dans la pièce suivante, le salon.

Johann doit avoir quelques années de plus que moi et à l'évidence, il a besoin de lunettes pour lire. Il feuillette un épais classeur en se grattant la barbe. Pendant qu'il me matait, j'ai remarqué quelques fils gris dans sa barbe et ses cheveux mi-longs châtain, qu'il attache sur sa nuque. Il est plutôt robuste, je suppose que le travail de la ferme y est pour quelque chose, et peut-être aussi la bonne chère. Il émane de lui une impression de tranquillité et de douceur, surtout avec ce gros pull en laine irlandais.

Il se tourne en nous entendant entrer dans la pièce.

— Il n'est pas trop tard ? Excusez-moi, j'ai fait un somme ! fais-je, un peu gêné.

— Pas du tout ! Un vin chaud pour commencer ?

— Avec plaisir. Je peux vous aider ?

— Non, asseyez-vous.

Je m'installe avec Sasha dans le canapé en velours moutarde – très années 70 – pendant que Jo ramène à boire et à manger. Je prépare des tartines de pâté de campagne et de saucisson pour Sasha, qui se jette dessus.

— Il avait vraiment faim ! rit Jo devant son appétit.

Je me rembrunis, me sentant coupable. Je dormais alors qu'il avait faim, il a dû me réveiller pour que je m'occupe de lui, et ce n'est pas la première fois que je le néglige ainsi. Je n'y arrive plus.

— Est-ce que j'ai dit quelque chose de mal ?

— Non, rien. (Je passe une main lasse sur mon visage.)

— Des tartines de chèvre grillé, ça vous dit ?

Jo se lève et regagne la cuisine.

Il fait bien chaud près du poêle. C'est un modèle ancien et imposant, tout en carreaux de faïence décorée. Il dégage une chaleur douce et confortable, tout comme le vin chaud. Je le soupçonne de contenir un peu plus que du vin, mais il coule tout seul. Sasha fait passer ses tartines avec du jus de pomme artisanal. Les produits sont bons, de qualité. Je me demande combien ça va me coûter. Je devrais en toucher deux mots à Jo après le dîner.

En panne pour NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant