Partie 8 (2)

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À l'aube, je suis réveillée par la voix suave d'Angi.
- Réveille-toi mon amour. On a beaucoup de choses à faire aujourd'hui.
- Quel genre de choses ?
- Je t'emmène pêcher et pique-niquer. J'ai pensé à un endroit splendide.
- Mais je ne sais pas pêcher. Je n'ai jamais fait ça de ma vie.
- Moi je sais. Je t'apprendrai. Denis m'a préparé un panier pour le pique-nique. Il m'a dit où trouver tout le matériel et je lui ai promis qu'on lui ramènerait ce qu'on aurait attrapé.
- C'est totalement fou.
- As-tu oublié la raison de notre venue ici ?
- Caser Lauréline ?
- Non. Que tu te détendes. Et la pêche est l'activité idéale. Allez debout.
- Angi, le principe des vacances c'est de se reposer.
- Se reposer, pas dormir.

Elle me tire presque du lit pour qu'elle soit sûre que je me lève. Elle s'assure que je ne tarde pas à me préparer. Après le petit-déjeuner, nous partons pour une longue marche. Nous parcourons les abords de la ville jusqu'à nous enfoncer dans ses coins les plus boisés. Nous nous arrêtons sur une aire herbeuse. Des tables de pique-nique en bois sont positionnées à intervalles réguliers. Nous prenons place à l'une d'elle pour le déjeuner. Angi vide progressivement le contenu du panier pour le poser sur la table. Je constate que Denis nous a gâté en nous confectionnant deux sandwichs garnis de poulet, de salade et de tomates. Il a ajouté des muffins en guise de dessert et des boissons pour accompagner le tout. Nous dégustons cette collation en silence, tellement l'atmosphère est agréable. Nous prenons tout de même le temps d'échanger quelques phrases entre deux bouchées.

Cette pause terminée, nous remettons tout en ordre avant de reprendre la route. Après un passage en forêt, nous atteignons une large étendue d'eau que les arbres entourent. Les collines dominent le paysage. L'endroit est à couper le souffle. Nous choisissons un endroit isolé et nous nous y installons. Angi ouvre son sac, en sort deux cannes à pêche, deux moulinets, deux hameçons et une boîte d'appâts. Elle déploie l'une des cannes, positionne le moulinet, en déroule un fil et le fixe à la canne. Elle attache l'hameçon à la ligne et me tend le tout avant d'assembler la seconde. Elle m'explique en détail comment placer l'appât sur l'hameçon. Quand j'y arrive par moi-même, elle m'aide à lancer la ligne et lance la sienne.Nous restons silencieuses et concentrées, absorbées par la douceur du climat. Angi n'a besoin que de quelques minutes pour attraper son premier poisson. Quant à moi, j'ai moins de chance puisqu'il me faut une vingtaine de minutes pour accrocher quelque chose. Angi doit m'aider à remonter l'hameçon tellement je m'y prends maladroitement. Pourtant, plus le temps passe, plus je m'améliore et plus j'apprécie cette activité. À la fin de la journée, nous avons toutes les deux attrapé plusieurs poissons de bonnes qualités. Nous regagnons le gîte avant que le soleil ne se couche, juste à temps pour le dîner. Denis est plus que ravi de notre pêche du jour et nous félicite.

Nous décidons d'y retourner le lendemain. Cette fois, je la regarde faire, assise dans l'herbe. Je l'observe calmement, admirant de temps à autre la beauté de l'étang. Après un moment, je sors un carnet de mon sac et y griffonne quelques lignes. Lorsqu'elle voit que rien ne mord, elle pose sa canne et vient s'asseoir à-côté de moi. Elle met son bras autour de mon épaule et m'embrasse. Emportées par l'instant, nous nous allongeons à même le sol. Angi pose sur moi ses yeux d'ange en me caressant les cheveux. Je plonge entièrement dans la profondeur de son regard. Un sentiment mêlé de passion et de bonheur m'envahit. Un amour puissant me dévore de l'intérieur. À cet instant, je ne l'ai jamais autant aimé.

Je l'entoure à mon tour et l'embrasse. Blottie contre elle, je n'ai peur de rien. Sa main caresse mon dos, me transmet la chaleur de son corps. Puis elle se glisse sous mon vêtement et fait le même parcours. Redescendue, elle se pose sur ma hanche. Aucune de nous ne prononce un mot. Parler nous semble inutile face à la pureté de ce moment. Toujours plus proches, nous nous rapprochons le plus possible, pour nous mêler l'une à l'autre et ne faire plus qu'une. Nous restons ainsi lovées jusqu'au moment de partir. La nuit est totalement tombée lorsque nous regagnons notre chambre. Je laisse Angi seule le temps de prendre un bain.

Lorsque je la rejoins, je la trouve sur le lit, absorbée par mon carnet qu'elle tient entre les mains. Étonnée, je lui demande ce qu'elle fait.
- Camille, tu dois continuer à écrire. Tu gaspilles tes talents.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Tu dois démissionner.Tu ne peux pas continuer comme ça.
- Je ne peux pas démissionner.J'ai besoin de ce travail.
Je m'assieds à-côté d'elle pendant qu'elle continue.
- Tu dois trouver autre chose.
- C'est inconcevable, Angi.
- Tu devrais y penser. Tes mots sont magiques.Ton carnet est tombé pile à mes pieds quand j'ai voulu ranger ton sac. Et il m'a happé en un quart de secondes.
- Tu dis ça parce que tu m'aimes.
- Je dis ça parce que c'est la vérité. Tu as un don.Ne le gâche pas.
- C'est impossible. Que voudrais-tu que je fasse?
- Faire ce que tu sais faire le mieux. Exercer tes talents. Tu te dois d'en faire quelque chose.

Sur ces dernières paroles, elle me prend dans ses bras et me cajole. Elle tente de calmer les tourments qui sommeillent en moi. Apaisée, je me redresse et l'embrasse avec fougue. Nous échangeons un baiser passionné. Puis je la prends à mon tour dans mes bras, la serrant fortement contre moi. Je passe la moitié de la nuit à ressasser cette dernière conversation avant de pouvoir m'endormir. Le lendemain matin, nous croisons Lauréline. Au fil de la discussion, nous la convions à se joindre à notre sortie de l'après-midi. Nous retournons à l'étang où nous en apprenons plus sur elle. Elle nous raconte qu'elle est souvent en contact avec sa collègue. Même si elle ne connaît pas ses sentiments, elle a l'impression que leur relation avance.

Nous passons un bon moment ensemble, à rire et à échanger nos points de vues. Même si j'ai la tête un peu ailleurs, j'apprécie chaque instant de cette journée. Nous continuons la soirée dans la même ambiance dans le salon du gîte. Malgré cela, je prétexte la fatigue pour monter me coucher pendant qu'Angi poursuit sa soirée. Après un long bain, je m'emmitoufle dans les draps du lit. Le sujet abordé hier soir ne quitte pas mon esprit. Prétendre que je n'ai jamais pensé à abandonner ma place serait mentir. Pour quoi faire ? J'aime écrire. J'ai toujours aimé cela. Mais en faire ma profession me semble un rêve inaccessible. Même si je le voudrais, je ne saurais pas par quoi commencer. Je ne pense pas non plus pouvoir réellement me le permettre. Pas ces temps-ci.

Angi revient quelques minutes plus tard, bien avant que je ne m'y attende. Au début prudente pour ne pas me réveiller, elle me rejoint dès qu'elle s'aperçoit que je ne dors pas.
- Je pensais que tu serais restée plus longtemps, lui dis-je en me blottissant contre elle.
- Bof. J'ai dit à Lauréline que j'étais fatiguée aussi et je suis revenue.
- Tu aurais pu profiter un peu.
- Sans toi ce n'est pas pareil. Tu ne dors pas encore ?
- Non. Je pense trop.
- C'est ton seul défaut. À quoi penses-tu ?
- À ce que tu m'as dit hier. Que je devrais quitter mon travail.
- Vraiment ? Tu y réfléchis sérieusement ?
- Oui. Je me demande si c'est encore fait pour moi.
- Je ne sais pas ce que tu en penses, mais j'ai remarqué que tu allais mieux depuis que nous sommes ici. Tu n'as fait aucune crise de panique, ni de malaise. Tu es aussi plus détendue. Je ne sais pas ce que ça va donner si tu décides de retourner au Journal. Ce n'est peut-être pas ce qu'il te faut après tout.
- C'est possible.
- Prends le temps d'y songer. Tu veux qu'on reste ici demain ?
- Non. J'aimerais qu'on sorte. Qu'on aille se promener, histoire de prendre l'air. Rien que nous deux cette fois.
- Comme ma princesse voudra.

Elle s'éloigne pour aller se préparer pour la nuit pendant que je repense à ce qu'elle vient de dire. Je me sens crouler sous le poids de cette remise en question. Comme convenu, nous consacrons la journée suivante à flâner dans la ville. J'insiste pour terminer notre périple au lac. Tout y est calme et peu fréquenté. Je l'observe longuement durant un moment d'éloignement. Je contemple ses longs cheveux châtains clairs qui blondissent à la lumière, sa peau brunie par le soleil, sa silhouette voguant dans l'air, ses yeux brillants se perdant dans l'étang. Soudain je réalise. Plus je la regarde, plus cela devient clair. Chaque membre, chaque parcelle, chaque partie de moi me le dit. Je suis sidérée de ne pas l'avoir réalisé plus tôt.

Je la rattrape et attrape son poignet. Elle se retourne instantanément et me regarde. Elle a du mal à cacher sa surprise.
- C'est toi, lui dis-je.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Il n'y en aura pas d'autres. Il ne pourra jamais y en avoir d'autres. Je ne veux personne d'autre que toi. Je ne veux plus que tu t'en ailles. Je veux passer le reste de mon existence avec toi.
- Pourquoi tu me dis tout ça ?
- Je t'aime Angi. Tu es l'amour de ma vie. S'il te plait. Ne t'en vas plus jamais.
- Camille.

Je scelle cette déclaration en l'embrassant. Elle me rend mon baiser avec ardeur, avec une ferveur hors norme. Nous terminons cet échange en tombant dans les bras l'une de l'autre. Une fois couchées pour la nuit, Angi m'interpelle.
- Camille. Je ne te l'ai pas dit en retour à ce moment-là, mais pour moi c'est la même chose. Plus je te vois, plus je me dis que je ne pouvais pas rêver mieux. Alors si j'ai la chance d'être aimée par quelqu'un comme toi, je ne veux plus avoir à m'en séparer. Je n'ai encore jamais vécu quelque chose d'aussi intense, d'aussi unique que ce que nous vivons. Il n'y a rien de comparable à ça. J'espère que tu le sais.
- Je le sais ma douce. Tu n'as pas à t'inquiéter.

Je l'embrasse une nouvelle fois. J'en suis sûre. Maintenant c'est une évidence. Elle est la femme de ma vie.

Nous avant tout [girlxgirl]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant