Je me remets au travail dès le lendemain. J'ai prévu de revoir Yaëlle dans la journée, mais il me reste le temps de travailler. À la relecture, tout me semble insipide. Sans réfléchir, j'efface l'intégralité du texte. Encore sur un nuage, je laisse les mots jaillir spontanément. L'histoire s'écrit seule, sans que j'ai besoin d'y penser. Au final, le rendu est plus que satisfaisant, bien mieux que le texte initial. Je remplis les pages sans voir le temps passer. Totalement concentrée, rien ne peut me distraire. Seule la sonnette arrive à m'interrompre. Un coup d'œil à l'horloge me fait réaliser qu'il est déjà quatorze heure. À la porte, je retrouve une Yaëlle pimpante et joyeuse. Elle m'assomme de questions dès qu'elle passe le seuil.
- Alors, tu as pensé à notre petit projet ? Qu'est-ce que tu en penses ? À ton avis, il manque quelque chose ?
- Oui bien sûr. Il est parfait. Ne t'en fais pas pour ça.
- Tu as déjà mangé ?
- Non, je n'en ai pas eu le temps.
- Super ! Je t'emmène déjeuner dehors. On pourra papoter autour d'un bon repas.
- Où veux-tu aller ?
- Dans un petit resto pas loin. Tu vas voir, on va se régaler.
Elle me prend par la main pour m'entraîner dehors. Il nous faut à peine dix minutes pour arriver à destination. Au restaurant, nous prenons place et commandons nos plats. En attendant, nous continuons de discuter.
- Dis-moi, tu t'en sors avec ton roman ?
- Oui, pas mal. J'ai tout recommencé et cette version me plaît mieux.
- Chouette. Tu vas devoir me montrer ça.
- Avec plaisir. Et toi ton boulot ?
- Ça va. Ça demande de l'organisation, mais je m'en sors.
- Je suis contente pour toi.
- C'est gentil.
Quelques minutes plus tard, nous sommes servies. Les repas sont fumant et dégagent une odeur délicieuse. Je suis conquise dès la première bouchée. Nous dégustons tout ça en silence, tellement les plats sont savoureux. Pourtant, en un quart de secondes, quelque chose me frappe. J'aperçois une pointe de tristesse dans les yeux de mon amie. J'attends que nous terminions toutes les deux de manger pour aborder le sujet.
- Quelque chose ne va pas Yaëlle ?
- Quoi ? Non ça va.
- Tu es sûre ? Tu peux tout me dire tu sais. Je suis là pour ça.
- Il y a bien un truc.
- Quoi ?
- Tu vois, ça fait un moment que je n'ai pas eu de relation amoureuse. Et je me sens un peu... seule. J'ai l'impression de passer à côté de quelque chose.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Tu n'es pas seule. Tu n'as personne maintenant, mais tu ne le seras pas éternellement. La femme qu'il te faut t'attend quelque part et tu la rencontreras forcément un jour.
- Tu le penses vraiment ?
- Bien sûr. Ne t'inquiète pas. Ce n'est que temporaire.
- Je l'espère.
Je ne sais pas si j'ai réussi à la réconforter, mais elle semble plus détendue. De retour à l'appartement, elle insiste pour voir mon travail. Elle passe un bon moment dessus, concentrée et imperturbable. Puis elle se redresse.
- Mais... c'est ton histoire ?
- À peu de choses près.
- Arrête ! L'héroïne c'est ton portrait craché. Et Amélie ressemble énormément à Angi.
- Peut-être. Je n'ai pas fait attention.
- En tout cas, tu n'as pas tort. C'est beaucoup mieux qu'avant. Tu vas en faire quelque chose de fantastique.
- Tu es sincère ?
- Évidemment. Tu as bien fait de claquer la porte de ton boulot. Tu as un don.
- C'est exactement ce que m'a dit Angi.
- Elle a raison. Tu devrais lui montrer. Je suis sûre qu'elle va adorer.
- Je ne sais pas.
- Ça va forcément lui plaire.
- Je l'espère. Je vais sûrement attendre de l'avoir terminé.
Nous passons le reste du temps à discuter. Nous réglons les derniers détails de notre plan et nous mettons d'accord sur une stratégie. Nous sommes encore en pleine conversation lorsqu'Angi rentre du travail. Je propose à mon amie de rester dîner, ce qu'elle accepte. Elle me seconde en cuisine pendant que je prépare le repas. Le dîner se déroule dans la convivialité. Angi semble avoir laissé de coté ses craintes envers Yaëlle et plaisante de bon cœur avec elle. Nous passons un agréable moment et terminons la soirée dans un dernier éclat de rire. Angi et moi poursuivons la soirée calmement. Chacune de notre coté du canapé, nous nous détendons devant un film où il est question de fiançailles. Puis, sans que je ne m'y attende, Angi me pose une question qui me prend de court :
- Pourquoi on est pas mariées ?
- Hein ?
- Pourquoi on ne se marie pas ?
- On a le temps.
- Tu ne veux pas te marier ?
- Je n'ai jamais réfléchi à la question.
- On pourrait non ? On est bien installées. Notre couple est solide.
- Rien ne presse. On verra le moment venu.
- Le moment venu ? Quand ça ? Quand on aura trop attendu ?
- Tu veux vraiment parler de ça maintenant ?
- Tu veux en parler quand ? Quand on sera plus âgées ?
- Un jour où je serai moins fatiguée.
- On est faites l'une pour l'autre. Donc rien ne nous en empêche.
- Sauf mon mal de crane. Je ne savais même pas que tu voulais te marier de toute façon.
- Bon, je vais me coucher.
- Mais le film n'est pas fini.
- Je m'en fiche. Elle, elle se marie mais pas moi.
Très surprise, je la regarde disparaître dans la chambre. Les jours qui suivent, Angi parle à peine. Elle boude comme une petite fille. Elle passe plusieurs fois son temps libre en dehors de la maison sans me dire où elle va. J'ai parfois l'impression qu'elle me cache des choses. Je dois m'armer de patience pour qu'elle accepte de m'adresser la parole. Hésitante, je dois m'y prendre plusieurs fois pour arriver à formuler mes mots.
- Tu... tu... m'en veux ?
- Non rassure-toi.
- Je... voudrais... t'inviter à... dîner un de... ces soirs.
- Quand ça ?
- Disons... samedi soir.
- Chouette. J'espère que tu as trouvé un bon restaurant.
Je peux enfin souffler. Ce jour-là, je deviens nerveuse. Je ne veux pas la décevoir. Même si j'ai tout prévu, je doute de ma capacité à mener cette soirée à bien. Je respire profondément pendant que je me prépare. Pour une fois, j'ai délaissé mes jeans et mes sweats pour un tailleur bleu et noué mes cheveux noires en tresse. Je suis sûre de lui faire bonne impression même si j'ai délaissé le maquillage. Je suis pourtant surpassée lorsque nous nous retrouvons pour partir. Elle est sublime dans sa robe de taffetas prune et avec ses cheveux châtains parfaitement lissés. Elle a aussi renoncé à toutes sortes de maquillages. Je suis éblouie par sa beauté et son charme naturels. Ma nervosité s'intensifie à mesure que nous nous approchons du lieu.
Sur place, je joue la carte de la galanterie jusqu'à ce que nous soyons attablées. Étonnée, Angi me questionne :
- C'est pour quoi tout ce cinéma ? C'est pourtant pas la Saint-Valentin.
- Pour rien en particulier. Nous n'avons pas besoin d'occasions particulières pour se montrer que l'on s'aime. Pas vrai ?
- C'est pour te faire pardonner ?
- En quelque sorte.
- Soit. Tu t'es dépassée on dirait. C'est splendide ici.
- Je suis contente que ça te plaise.
- Tu es déjà venue ici ?
- Oui. Avec Yaëlle il y a quelques jours.
- Oh. Yaëlle.
Par cette dernière phrase, je sais que le sujet est encore un peu sensible. Pour ne rien gâcher de cette soirée, nous commandons rapidement. Nous profitons en silence de l'ambiance feutrée et contrasté en attendant. Nous trinquons au moment présent et aux choses à venir. Pendant ce repas, nous prenons le temps de nous retrouver et nous recentrer sur l'essentiel. Nous rions en nous remémorant notre passé commun. Nous voyons à peine les heures passer. La nuit commence déjà à tomber lorsque nous sortons du restaurant. Me prenant par le bras, Angi se renseigne sur la suite.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? On rentre ?
- Non pas tout de suite. Et si on se baladait comme on le fait souvent ?
- Oui pourquoi pas.
Nous nous mettons ainsi en route. Nous arpentons les rues en savourant la douceur du crépuscule. Une fois de plus, nous voyons défiler le temps sans nous en rendre compte. Chemin faisant, nous arrivons en face de la cote, non loin de la plage. « On y va ? » me demande ma compagne. Sentant son enthousiasme, je ne peux qu'acquiescer. Plus nous nous rapprochons du lieu, plus elle est sceptique. Une fois nos pieds posés sur le sable, quelque chose l'interpelle. Nous nous arrêtons de marcher tandis qu'Angi resserre mon bras. Quelques pas de plus font dissiper ses doutes. Une nappe de pique-nique est étendue sur le sable, maintenue par dix bougies disposées en cœur que le vent s'est chargé d'éteindre.
Quittant sa proximité, je me positionne à l'intérieur du cœur en face d'elle pour prononcer ce discours : « C'était un samedi. J'étais déprimée. C'était la première fois que je sortais la nuit. J'ai marché au hasard et je suis arrivée sur cette plage. C'est là que je t'ai vu. À ce moment-là, tout a changé. Tu m'as montré ce qu'était l'amour, la vie. Tu es devenue l'unique soleil dans un ciel gris. Tu es ce que j'ai toujours voulu, ce que j'ai toujours cherché. Tu es mon amoureuse, ma complice, ma meilleure amie, l'amour de ma vie. Tu es celle que j'attendais, celle avec qui je veux passer le reste de mon existence. » Je pose un genou à terre et sors un écrin de ma poche. Tout en l'ouvrant pour y faire apparaître une bague, je poursuis : « Alors, je te le demande. Angeline, veux-tu m'épouser ? »
Interloquée, il lui faut plusieurs secondes pour réagir. À ma grande surprise, elle ne répond rien. Elle sort à son tour un écrin de sa poche, puis avoue :
- J'allais te le demander aussi.
- Ça alors.
- Mais comment ?
- J'ai dit à Yaëlle que je voulais faire ma demande. Elle m'a aidé.
- C'est ce que je lui ai dit aussi.
- Elle a bien caché son jeu pendant tout ce temps.
- Oui très bien.
- C'est oui alors ?
- Évidemment. C'est oui aussi ?
- C'est oui.
Elle me rejoint dans le cœur pour que nous puissions nous embrasser. Je sers dans mes bras l'être que j'aime le plus au monde, le grand amour d'une vie. Ce soir-là, nous partageons un moment de bonheur incommensurable, prêtes à entamer un nouveau chapitre de notre vie, probablement le plus beau que nous n'ayons jamais vécu. Quelques heures plus tôt, nous sortions en simples petites amies. Nous rentrons à présent en tant que fiancées.
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Nous avant tout [girlxgirl]
Romantizm[En Pause] Camille et Angi s'aiment. Ensemble depuis l'université, elles forment un couple fusionnel et passionnel. Entourées de leurs inséparables amies, elles essaient tant bien que mal de préserver l'équilibre de leur couple malgré leur vie profe...