Partie 9 (3)

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Je reçois la visite de Yaëlle quelques jours plus tard, surprise en plein travail. Intriguée par cette activité, elle me taquine jusqu'à ce que j'accepte de lui en dire plus.
- Je me suis mise à l'écriture. J'ai démissionné pour ça.
- Ah je vois. Tu t'en sors comment ?
- Plutôt bien je dois dire. J'avance à un bon rythme.
- Tu veux un coup de main ?
- Non merci ça ira.
- Oh allez. Ne sois pas timide. On faisait le même métier il n'y a pas si longtemps, donc je m'y connais. On a fait la même école de journalisme je te rappelle.
- Tu pourrais me donner un premier avis. En toute honnêteté.
- Avec plaisir. Je suis ravie que tu me le demandes.

Je lui cède ma place au bureau pour qu'elle puisse voir mon travail. Je reste à-côté d'elle, en tachant de rester la plus discrète possible. Au fil des minutes, je la vois parcourir les pages en silence. Je suis anxieuse à mesure qu'elle avance dans la lecture. Puis je la vois revenir au début, relire certains passages. Puis elle s'exclame :
- C'est pas mal du tout.
- Je t'avais demandé de rester objective.
- Je le suis. C'est très bon. Nettement mieux que ce que j'ai l'habitude de lire. Il y a quelques erreurs par-ci par-là, mais rien de grave.
- C'est juste un premier jet. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire.
- Je te conseille de continuer. D'abord parce que tu es douée, et ensuite parce que j'ai envie de savoir la suite.
- Tu le penses vraiment ?
- Ce serait un sacrilège de ne pas exploiter ton potentiel. C'est inné chez toi.
- Je te remercie. Je ne sais pas quoi dire.
- Ce n'est pas la peine de dire quoi que ce soit. Et si on sortait plutôt ? Histoire de sortir un peu. Tu en as bien besoin. Tu es toute pâlotte.

Séduite par l'idée, nous nous lançons toutes les deux dans ce qui devient vite une virée shopping improvisée. Nous arpentons les rues et les boutiques à la recherche de l'inconnu. Près d'une heure plus tard, elle est frappée par mon quasi-mutisme : « Qu'est-ce qu'il t'arrive ma belle ? Tu as à peine parlé. » Quand je lui expose ce que j'ai en tête, elle devient totalement euphorique. Intenable, elle me pose des questions en rafales. Elle refuse d'abandonner avant que je lui avoue tout. Devenue moins encline au shopping, elle m'assure de son sérieux et de son aide. Je n'ai pas besoin de la pousser pour que des dizaines d'idées jaillissent à la minute de sa tête. Nous y passons quasiment tout le reste de l'après-midi, oubliant au passage le but initial de cette sortie. Nous rentrons quand le soir s'apprête à faire son apparition, fatiguées mais satisfaites de la journée.

Elle me convie à une nouvelle virée shopping deux jours plus tard. Son enthousiasme est à peine retombé. Cette fois-ci, elle attend que nous soyons attablées dans un café pour me détailler ses plans. Tout est réfléchi et bien ordonné. Je suis impressionnée par le mal qu'elle s'est donné. Nous faisons le tri ensemble pour ne garder que les idées envisageables. Suite à diverses réflexions, nous finissons par toutes les abandonner les unes à la suite des autres. Yaëlle est tellement déçue qu'un chocolat chaud ne suffit pas à lui remonter le moral. J'ai beau la réconforter, elle garde cet air morose que je déteste voir sur son visage. Nous nous quittons dans la soirée avec un sentiment de découragement dans notre esprit.

Pourtant, elle débarque chez moi un matin, complètement survoltée en s'exclamant : « J'ai trouvé ! J'ai trouvé ! » Elle m'explique sa trouvaille en concluant son discours par : « Je vais t'aider à tout préparer. Ce sera parfait. » Il me faut un bon moment pour examiner ses propos. Cela ne me saute pas immédiatement aux yeux, mais c'est exactement ce qu'il me faut. Je m'étonne de ne pas y avoir pensé moi-même. Nous passons la journée à établir le nécessaire pour mener à bien ce projet. Nous nous assurons d'avoir bien tout prévu. Au moment de la séparation, je lui exprime ma gratitude et la remercie. Touchée, elle me prend dans ses bras et m'assure de son soutien. Nous prévoyons de nous revoir aussi souvent que possible pour peaufiner les préparatifs. Yaëlle a à peine passé la porte qu'Angi la franchit à son tour. Surprise de l'avoir croisé, elle n'attend pas pour m'en faire part.
- Qu'est-ce qu'elle faisait là ?
- On a passé la journée ensemble.
- Encore ? Tu la vois souvent en ce moment.
- On profite l'une de l'autre maintenant que j'ai du temps libre.
- Je vois. Mais n'oublie pas ton objectif. Toi aussi tu as du travail.

Je sens une pointe d'agacement dans sa dernière phrase. Elle pose ses affaires et s'installe dans le salon sans rien ajouter. Je vois facilement dans son regard qu'elle est contrariée. Je n'attends pas plus longtemps pour tenter d'arranger les choses.
- Qu'est-ce qu'il ne va pas ma puce ? Tu es fâchée ?
- Non pas du tout. Je n'ai aucune raison de l'être.
- Tu es sûre ? On peut en parler si tu veux.
- Il n'y a rien à dire. La journée a été dure. C'est tout.

Je n'en obtiens pas plus. Nous dînons dans le silence le plus complet. C'est à peine si elle m'adresse la parole de la soirée. Ce froid perdure au delà de la nuit. Le matin, elle a l'air ailleurs et s'en va plus tôt que d'habitude sans même me dire au revoir. Je passe la journée à ressasser les derniers événements, à me demander ce que j'ai bien pu faire pour mériter un tel traitement. Je peine à me concentrer tellement mon inquiétude est grandissante. À mon tour irritée, je ne prends pas la peine de la saluer le soir venu, sachant très bien quel accueil elle me réserve. Après le dîner, elle me rejoint dans le canapé du salon. D'abord hésitante, elle finit par dire :
- Je vais peut-être prendre un congé demain. Tu veux qu'on fasse quelque chose ?
- Demain je ne peux pas. Je dois voir Yaëlle. On a des choses à faire.

Angi se referme automatiquement. Elle se dirige vers la chambre et claque la porte derrière elle. Exaspérée par ce comportement, je ne tarde pas à la suivre. Une fois devant elle, je crie presque :
- Qu'est-ce que tu as Angi ? J'en ai marre de ces cachotteries.
- Tu me trompes avec elle ?
- Quoi ? Pas du tout. Qu'est-ce qui te fait penser ça ?
- Vous passez beaucoup de temps ensemble non ?
- C'est normal. C'est ma meilleure amie.
- Réponds-moi honnêtement. Est-ce qu tu as l'intention de me quitter ?
- Non absolument pas. Où vas-tu chercher des idées pareilles ?
- Tu es plutôt distante en ce moment. J'ai cru que tu ne voulais plus être avec moi.
- J'adore être avec toi. Tu es ma famille. Je t'aime plus que tout ma belle.
- Je t'aime aussi.
- Tu es rassurée ma douce ?

En guise de réponse, elle hoche la tête positivement. Elle retient son souffle tandis que je m'approche d'elle pour l'embrasser. Je l'entoure de mes bras et lui murmure : « Tu veux qu'on passe la journée ensemble demain ? » J'obtiens une nouvelle fois un « oui » de la tête. Nous nous embrassons à nouveau, enterrant ainsi nos différents. Comme convenu, nous passons le jour suivant ensemble. Nous nous retrouvons rien que toutes les deux, baignées dans l'amour qui nous unit. Angi est plus apaisée, souriante. Ses angoisses semblent avoir disparu. Lors de l'une de nos escapades en ville, elle me glisse à l'oreille : « Excuse-moi. J'ai été idiote. » Attendrie, je la rassure en lui disant que tout était oublié. Rentrées chez nous, nous nous pelotonnons l'une contre l'autre le reste de la soirée.

Nous le sommes encore une fois la nuit tombée. Plongées dans l'obscurité de notre chambre et la chaleur de nos draps, nous nous blottissons l'une contre l'autre, peau contre peau. Nous nous nourrissons mutuellement au contact de l'autre. Lorsque nos lèvres s'effleurent, elles entament une danse langoureuse. Nos mains se baladent, caressent du bout des doigts le corps de l'autre. Nos poitrines frémissent, nos sens s'éveillent. D'un geste, ma main vient trouver son entre-jambe. Mon amante n'attend pas pour en faire autant. Nous nous glissons simultanément en l'autre, fouillons nos entrailles au plus profond de notre chair. Nous haletons en cœur, emportées par une vague intense de passion. Nous gémissons à l'unisson jusqu'à en être à bout de souffle. Quand le moment tant attendu arrive, nous délivre toutes les deux dans un dernier râle. Hors d'haleine, nous nous embrassons une dernière fois avant de nous reposer dans les bras l'une de l'autre.

Nous avant tout [girlxgirl]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant