Chapitre 9 : Fuir la réalité

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Les jours suivants, le pauvre William n'eut pas l'occasion de rêver beaucoup ; perturbé par la fête la plus effrayante de l'année, il cherchait à tout prix à fuir les Chartams ; il allait manger plus tôt et rapidement, se levait plus tard ; empruntait de longs couloirs effrayants dans lesquels il ne mettait jamais les pieds... il se dissimulait même derrière les décorations d'Halloween encore en place dès qu'il croisait quelqu'un, que ce soit un ami, un ennemi ou un inconnu. Cette technique lui permit néanmoins d'épier quelques conversations ; il découvrit ainsi qu'Omi n'avait pas révélé l'incident de la fête aux Forceps, à son grand soulagement. Cette fidélité ravit William.

Il resta donc tapi dans la tour d'astronomie pendant le reste des vacances, s'imaginant tous les pires scénarios possibles qui pourrait arriver si son amie décidait de parler. A son grand désespoir, Erwan ne revint pas lui tenir compagnie, ayant visiblement reprit le court de sa vie. Mais les possibles révélations d'Omi n'étaient pas le seul sujet qui tourmentait William ; Alexandre, bien que sous l'influence de l'alcool, avait tout de même évoqué la possibilité d'une amitié entre eux deux. Et puis, en se repassant la scène maintes et maintes fois, le Chartam avait quand même été très proche physiquement... Peut-être... Non, c'était impossible. Certainement pas.

William se frappa la tête entre ses mains, soupirant pour échapper ses pensées sordides. Elles devaient à tout prix sortir de sa tête, il fallait qu'il se rende à l'évidence ; fuir ses amis ne menait à rien et n'arrangerait pas la situation. Sur un coup de tête, il quitta donc la tour d'observatoire à grands pas décidé en direction du CDI, avec la ferme intention de reprendre le court de sa vie. La lecture apaise les maux, c'est bien connu. Cependant, s'il jamais il croisait Alexandre, il n'était pas sûr de la véracité de ce proverbe... Lorsqu'il poussa la porte de la bibliothèque, main tremblante, il fut fort heureusement forcé de constater qu'il n'y avait pas âme qui vive dans la pièce. Après tout, c'était pour le mieux, non ? Il ne désirait pas croiser Alexandre, du moins pas de sitôt. Il fallait encore qu'il se prépare mentalement à le revoir, qu'il réfléchisse à la manière d'agir en sa présence...

William saisit un de ses précieux livres, confus. D'un pas confiant, il se dirigea donc vers la table où il se trouvait précédemment avec Alexandre. Les vacances d'Halloween touchant à leur fin, il n'avait plus que quelques jours pour profiter de la quiétude des lieux. Enfin, c'est ce qu'il pensait, car à peine eu-t-il slalomé entre les rangées de livres qu'il aperçut la lumière vacillante d'un chandelier. Poliment, William l'interrogea en s'approchant :

- Salut, est-ce que tu pourrais te décaler s'il te plaît, j'ai l'habitude de m'asseoir à cette place... Ce serait sympa si...

L'élève aux boucles blondes fit volteface vers William, un grand sourire aux lèvres, qui fit battre à la chamade le cœur du Forceps.

- Alors comme ça Facturax, on m'évite ? Le questionna Alexandre.

William croisa les bras et fronça les sourcils. Eh merde.

- Depuis quand tu...

- Depuis quand je vais quotidiennement au CDI ? Le coupa Alexandre.

Son interlocuteur acquiesça.

- Depuis qu'un certain jeune homme m'a dit que l'on continuerait la lecture d'un livre ensemble, mais qu'il n'est jamais venu me chercher.

Alexandre releva un sourcil en croisant le regard interrogateur du Forceps.

- Je suis donc venu l'attendre dans son repère, et voici qu'au bout d'une semaine et demie, tu viens enfin. J'en déduis donc que tu es resté cloîtré, seul.

William écarquilla les yeux, bouche bée.

- Mais... Tu n'as donc rien à faire à part m'attendre ? C'est un peu étrange... Ajouta le Forceps en déglutissant bruyamment.

RocasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant