Rocas

Bonus #1 : Mr Excalibur

4 ans auparavant, dans le couloir de l'administration de Watterfall High.

- Monsieur Excalibur Arthur ! Je vous prie de me suivre.

Le jeune homme entra dans la pièce, le regard fixé contre le sol, prenant soin de refermer la porte derrière lui. Après avoir salué d'un petit coup de tête le vieillard assis de l'autre côté du bureau, il s'installa sans bruit dans le petit fauteuil en face de ce dernier.

- Bonjour, aboya sèchement le vieil homme barbu, tout en ajustant ses lunettes tandis qu'il consultais le curriculum vitae de l'individu. Présentez-vous en quelques mots le plus vite possible. J'ai encore une centaine de personne qui vont passer une à une dans ce bureau d'ici ce soir, vous comprendrez que je n'ai pas beaucoup de temps à vous accorder.

- Evidemment monsieur. Je me nomme Arthur Merlin Harchimède Excalibur. Je viens de la contée D'Erébor, dans la région de la table ronde située dans le Nord de la France.

- Je vois... un étranger en plus...

- Excusez-moi ?

- Sans vouloir vous vexer jeune homme, lui lança le directeur en ôtant ses lunettes et en ne prenant pas compte de la remarque de son interlocuteur, je vois que vous n'avez aucune expérience dans ce métier.

Impressionné par la grosse voix de cet homme, monsieur Excalibur se ratatina dans sa chaise, se faisant le plus discret possible tandis que le directeur inspectait scrupuleusement ses informations.

- Et aucune qualité particulière de surcroit !

Arthur glissa encore un peu plus de son fauteuil, ce qui eut le résultat de chuter au sol dans un fracas monumental. Monsieur Hécatombe ne commenta pas ce qu'il venait de se produire, et se contenta de jeter un regard empli de dédain à ce jeune homme. Moqueur, il s'écria :

- Pour de vrai ? Vous m'engagez ?

Le visage du directeur s'illumina, un sourire naissant sur son visage : cet individu, qu'il méprisait quelques secondes auparavant, était à présent un homme nouveau, charismatique, solaire, digne d'être son successeur tellement sa naïveté éclairait la pièce. De plus, ce monsieur Excalibur lui rappelait le jeune homme qu'il avait été un jour, innocent et rempli de joie de vivre. Les yeux emplis d'admiration, il observait à présent cet homme charmant d'un regard paternel et fier.

- Oui mon cher monsieur, c'est évident.

Monsieur Hécatombe se leva avec difficulté de son siège, et sera avec véhémence la poigne de son interlocuteur, qui le fixait avec des yeux ronds.

- Félicitations pour votre admission. Venez, je vais vous faire visiter vos futurs locaux.

Le vieillard prit sa nouvelle recrue par le bras et le guida hors de la pièce. Bras sous le bras, ils passèrent devant la file interminable de candidats, qui regardaient ce spectacle les sourcils relevés et la bouche ouverte. Parmi eux, affalés sur un confortable divan, se trouvait monsieur Pizzioli, le professeur de sport de l'établissement. Ce dernier attendait depuis des années de se voir promouvoir au poste de directeur, poste qu'il estimait avoir mérité après de longues décennies de bons et loyaux services. Pour arriver à ses fins, les élèves avaient fait courir la rumeur que son idylle avec monsieur Hécatombe n'était que pure mesquinerie. Pizzioli adressa un grand sourire à son amant tandis que ce dernier le dépassait, sans même lui accorder un regard. Intrigué par ce comportement qu'il ne lui était pas habituel, le professeur se leva brusquement et rattrapa le directeur au pas de course. Sans lui accorder la moindre attention, ce dernier ne lui donna pour seul explication :

- Vous tombez à pic ! S'exclama-t-il en continuant sa progression dans le couloir au bras de monsieur Excalibur. Je vous présente votre nouveau supérieur, monsieur Arthur Merlin Harchimède Excalibur, âgé seulement de vingt-huit ans ! Un vrai petit prodige n'est-ce pas ? J'espère que vous vous entendriez à merveille l'année prochaine, c'est primordial pour assurer...

- C'est une plaisanterie ? Le coupa monsieur Pizzioli dans un rictus.

- Mais voyons...

- Dix ans de ma vie gâchés à espérer cette promotion ! Fulmina l'homme, serrant les poings. Mon cher, dites-moi que c'est une mauvaise farce.

- Du tout mon cher ? Pourquoi vous mentirais-je ?

Le directeur fit volte-face, et posa une main sur l'épaule de son collègue.

- Il est vrai que nous avons vécus de bons moments ensembles, mais il faut laisser place à la nouvelle génération, qui permettez le moi, semble bien plus compétente. De plus, après mon ère, celle de monsieur Excalibur permettra d'apporter un peu de fraîcheur à l'établissement, et l'aidera à se moderniser. Regardez-vous mon cher ami, vous êtes déjà entré dans la cinquantaine : comment comptiez-vous avoir assez d'énergie autant d'adolescents ? Ce jeune homme a bien plus de dynamisme que vous...

Pizzioli toisa son, à présent ex petit ami, de la tête aux pieds.

- Je suis persuadé que vous comprendrez.

Sans rejeter un seul regard de compassion envers son ancien amant derrière lui, monsieur Hécatombe reprit sa course, son nouvel apprenti au bras.

- Venez monsieur, nous avons tant de choses à apprendre l'un de l'autre !

- Monsieur Excalibur, murmura le professeur d'EPS. Je vois...

Les saisons filèrent et les mois s'écoulèrent, sonnant l'heure du départ du vieil homme ainsi que la fin de l'année scolaire. Nombre d'élève se rassemblaient dans la cour principale afin d'adresser une dernière fois leurs adieux à leur directeur, certains agitant des mouchoirs (avec tant de vivacités que certains finirent déchirés), d'autres pleurant des larmes de crocodiles, dissimulant leurs joues rougies et sèches avec leurs mains.

- Au revoir mon cher, déclara monsieur Hécatombe a son successeur sous les yeux de ses élèves.

L'homme lui serra chaleureusement la main.

- Bonne chance à vous.

Après avoir adressé un ultime signe de main à ses jeunes protégés, il monta lentement dans l'automobile, laissant derrière lui des étudiants prétendument effondrés et une flopée de souvenirs. Pour le dernier banquet de l'année, le nouveau directeur prit place pour la première fois au milieu de la table des enseignants, aux côtés de monsieur Pizzioli. Monsieur Excalibur scruta le visage fermé de ce dernier. Le professeur avait le regard plongé dans le vide, dépourvu de toute émotion si ce n'est une colère froide. Inquiet pour son employé, son supérieur l'interpella :

- Bonjour.

Il lui tendit une main chaleureuse que son interlocuteur refusa.

- On s'est déjà vu je crois ? Je suis monsieur Excalibur, et...

- Tu viens de gâcher ma vie.

Sous les yeux des étudiants, son adversaire se leva et sortit les talons hauts de la pièce. Arthur tenta bien de le suivre, mais n'étant pas très endurant il s'essouffla au bout de quelques mètres et percuta de plein fouet un élève, qui fit tomber tous ses livres sur le sol.

- Je suis vraiment confus, laissez-moi vous aider...

L'élève, certainement un premier année au vu de son visage angélique, le fixait droit dans les yeux. Il accepta volontiers l'aide de son nouveau directeur, et reprit ses manuels avec un grand sourire charmeur.

- Merci monsieur Excalibur. J'ai hâte de passer l'année prochaine sous vos directives.

- De rien mon cher, le remercia le directeur en lui adressant à son tour un grand sourire.

L'étudiant aux boucles d'or s'éloigna en direction du réfectoire d'un pas guilleret. Monsieur Excalibur, quant à lui, se dirigea vers le lieu qui était désormais son bureau, peu importait la colère de ce fameux monsieur Pizzioli.