Chapitre 12

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Tante Agathe m'avait trouvé une chambre assez proche de son bureau. Par chance, je n'avais à la partager avec personne, ce qui permettrait d'éviter tout soupçon.

D'un commun accord avec le professeur Dumbledore, nous avions décidé de débuter le jour-même, dans ma propre chambre. Il m'avait prévenu que la première étape serait très difficile, car il devrait s'insinuer dans mon esprit pour me faire revivre la scène du soir du meurtre. Il ne devait omettre aucun détail qui pourrait faire échouer le sort de faux souvenirs.

Alors que j'étais assise sur une chaise face à lui, les yeux fermés, il débuta le visionnage de mon souvenir. Le sentir dans mon esprit était particulièrement douloureux, et je commençais à me sentir nauséeuse. En fond, j'entendais ma tante qui me conseillait de me détendre pour ne pas perdre connaissance.

Il commençait à faire chaud, très chaud. Je sentais les gouttes de sueur perler sur mon front, dans mon cou, dans mes cheveux. Machinalement, je les essuyai d'un revers de la main avant d'ouvrir les yeux sur le plafond de ma chambre, dans le noir. En tournant la tête, je vis qu'il était 4 h 30 sur mon réveil. La chaleur me piquait la gorge, mais j'hésitais entre me rendormir et me lever pour aller me chercher un verre d'eau dans la cuisine. A moitié endormie, je me levai en direction de la fenêtre de ma chambre pour l'ouvrir ne serait-ce qu'un peu, et faire entrer l'air frais. Le ciel était particulièrement étoilé cette nuit. Aussi, après m'être rafraîchie quelques instants, je me motivai à sortir de la chambre.

Dans le couloir de l'étage, un silence de mort régnait ; tout le monde dormait à poings fermés. Je descendis à tâtons dans les escaliers, me rendant compte trop tard que j'avais oublié ma baguette dans ma chambre. Au rez-de-chaussée, la température semblait bien plus basse ; j'espérais juste que mes parents n'avaient pas oublié de fermer la fenêtre du salon. Avec la chaleur qui tombait en cette période, nous avions tendance à tout laisser ouvert. En arrivant dans la cuisine, je me servis un grand verre d'eau, puis un deuxième. Haletante, je me dirigeai vers le salon dans lequel je trouvai la fenêtre grande ouverte. Je me frottai le front, dépitée, et je marchais dans sa direction pour la refermer, lorsque j'entendis un bruit sourd retentir dans la chambre de mes parents, à l'étage. Alors que je me dirigeais vers la cuisine pour rejoindre les escaliers, j'entendis un deuxième bruit mais différent, comme si quelque chose de bien plus lourd était tombé sur le parquet. Prise de panique, ma baguette étant à l'étage, je pris la première chose qui me tombait sous la main : un couteau de cuisine. J'espérais sincèrement que ce n'était rien de grave, mais cette fenêtre ouverte dans le salon ne présageait rien de bon.

Je me dirigeai à pas de chat dans les escaliers, avant d'entendre la porte de la chambre de mes parents s'ouvrir. Je m'accroupis alors, à l'affût, lorsque je vis un homme, qui n'était pas mon père, les mains chargées, se diriger vers la chambre de Marie. Je gravis les quelques marches qui restaient deux par deux, et manquai de glisser sur un liquide visqueux qui s'était répandu en traînée sur le parquet du couloir. Une longue traînée qui suivait le trajet emprunté par l'homme.

En poussant la porte de la chambre de ma sœur, je la vis debout, dans son lit, sa baguette à la main, face à l'intrus. Avant même que je ne comprenne ce qu'il se passait, il lâcha les deux masses rondes qu'il tenait et dirigea ses mains vers le cou de ma petite sœur qui restait figée, complètement tétanisée. Une sorte de courant électrique envahit alors tout mon corps, me faisant avancer dans sa direction d'un pas rapide, avant de lui enfoncer dans le dos l'arme que j'avais à la main. Je la lui arrachai avant qu'il se retourne vers moi et me fasse tomber au sol, ses mains puissantes et visqueuses se resserrant autour de mon cou.

Mon regard se posa alors sur les deux masses qu'il tenait encore quelques minutes auparavant dans les mains ; les têtes de papa et maman, le visage déformé, recouvertes de sang, qui gisaient au sol.

Ce monstre déchira alors mon t-shirt, et tenta de m'arracher le cœur de ses ongles. Je commençais à suffoquer, à me sentir partir, la douleur s'insinuant de plus en plus profondément en moi.  Dans un dernier geste de salut, je lui enfonçai le couteau dans la poitrine, l'incitant à retirer son emprise sur moi. Je le poussai d'un coup de pieds dans le ventre et le fis basculer en arrière. C'était le moment ! À califourchon sur lui, je lui enfonçai ma lame dans la poitrine, une fois, puis deux, puis trois avant de sentir les mains de ma sœur autour de moi pour me stopper. Mon corps tout entier tremblait, je n'entendais plus rien autour de moi, choquée par l'horreur que j'avais sous les yeux. Je me sentis partir, tandis que mes yeux se fermaient sur un groupe de sorciers à l'entrée de la chambre, et le visage de mes parents tout près du mien...

Lorsque je rouvris les yeux, haletante, suffocante, j'étais de retour dans ma chambre à l'hôpital. La pièce, d'un blanc immaculé, me brûlait les yeux par rapport à l'obscurité de mon souvenir. Je pris alors conscience que, dans mes nombreux cauchemars, mon esprit avait omis de nombreux détails. Des détails qui auraient pu paraître insignifiants s'ils ne me permettaient pas de justifier mon acte. J'effaçai alors cette pensée et regardai le professeur Dumbledore qui semblait se remettre peu à peu de la scène à laquelle il venait d'assister. Ma tante m'apporta alors un grand verre d'eau que j'avalai d'une traite.

Après quelques minutes de pause, il s'insinua de nouveau dans mon esprit, me faisant revivre tous mes souvenirs suivants, jusqu'à la dispute avec Fred et ma sœur. Le professeur Dumbledore ne devait pas seulement refaçonner mes souvenirs du meurtre, mais tout ceux qui suivirent. Ce fut la deuxième expérience la plus difficile que je dus vivre. Ces souvenirs ne faisaient que faire resurgir ma culpabilité.

- Je n'aurais jamais dû t'obliger à revivre ça une nouvelle fois. Mais je pense avoir tout ce qu'il me faut. À partir de maintenant, nous n'en parlerons plus, et tu oublieras toute cette scène. Seules t'apparaîtront la mort de tes parents, votre agression, ainsi que l'arrivée de la brigade magique pour neutraliser ce criminel. Nous sommes bien d'accord ?

J'acquiesçai, incapable d'aligner trois mots. Je n'avais qu'une hâte, que tout cela se termine.

- Bien, dans ce cas nous pouvons commencer. Ça ne prendra que quelques minutes, mais lorsque tu te réveilleras, tu te sentiras différente, apaisée. Tu n'es ici que pour soigner cette dépression suite au décès de tes parents, et ton agression. Rien de plus.

J'acquiesçai de nouveau, sentant les larmes couler sans que je puisse les arrêter. Je me dirigeai vers mon lit, remerciant de nouveau mon professeur pour tout ce qu'il faisait pour moi et pris tante Agathe dans mes bras, comme si je les voyais pour la toute dernière fois. À mon réveil, tout serait différent, même si je n'en aurais pas pleinement conscience. J'espérais que la culpabilité et la colère qui m'envahissaient quotidiennement disparaîtraient enfin pour toujours.

Je fermai les yeux et sentis le directeur jouer avec mes souvenirs. Peu à peu, les images s'estompèrent, avant de disparaître totalement. Pour la première fois depuis très longtemps, je m'endormis sereinement.

La renaissance des LancelotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant