Mon téléphone sonne, je suis encore au bureau bien que la nuit soit tombée depuis un moment. Je décroche en voyant le prénom de Joey s'afficher.
― Amy, où es-tu ?
― Je suis encore au travail, je vais rester tard je pense.
― ...
― J'ai une montagne de dossiers.
― Tu as oublié n'est-ce pas ?
Je n'ai aucune idée de quoi il me parle, et je ne suis pas d'humeur à jouer aux devinettes, j'ai la tête prête à exploser, j'ai envie de raccrocher pour terminer ce que j'ai commencé et enfin rentrer chez moi et m'écrouler telle une masse morte.
― Joey, viens en au fait ! Je n'ai pas le temps là !
― C'est la Saint Valentin Amy... Je t'attendais au restaurant, tu te souviens ?
Je suis mortifiée. Je viens de poser le lapin du siècle à mon copain. Je l'ai carrément oublié. J'ai bien vu les décorations de la fête des amoureux un peu partout mais disons que ce n'était pas ma priorité du moment. J'ai un sentiment de culpabilité à imaginer Joey, que je me représente dans un costume, m'attendre à une table au Wollen Mills.
― Je sais que tu as beaucoup de travail Amy. Moi aussi.
― Excuse-moi Joey, ca m'est complètement sorti de la tête, avec tous les récents évènements. Je n'ai pas fait attention à la date...
― Je te crois Amy. Tu veux que je te rejoigne au Cabinet ?
J'observe la quantité gigantesque de travail autour de moi.
― Je ne préfère pas... Je... J'ai encore pas mal de choses à finir, je suis fatiguée, j'ai juste envie de rentrer ensuite. Je suis tellement désolée, Joey, je...
― Laisse tomber Amy... Ok. On se verra une autre fois. Bonne soirée.
Il raccroche avant même que je n'ai le loisir de rajouter un mot. Sa dernière phrase avait un ton glacial et est tombée tel un couperet. Tant pis, je n'ai pas le temps de m'appesantir là-dessus. Pour l'heure, il faut que je termine ce que j'ai commencé. Je soupire devant l'ampleur du travail qu'il me reste avant de pouvoir partir, et je me remets à la tâche.
Je ne reçois aucunes nouvelles de Joey le lendemain. Je sais que je devrais m'excuser mais c'est au-dessus de mes forces. Je me sens coupable, Joey a tout fait pour me soutenir et je ne lui donne rien en retour. Je sais au fond de moi que je devrais arrêter cette relation avant de faire plus de mal que j'en ai déjà fait. Je ne suis pas certaine de vouloir perdre mon chevalier servant, mon soutien face à ma famille. Mais je ne peux continuer de lui mentir plus longtemps. Ce n'est pas juste pour lui. Il mérite une personne qui lui rende l'amour qu'il a à donner.
Le soir même, vers vingt heures, je reçois un message de lui m'indiquant qu'il est en bas de chez moi et qu'il souhaite me parler. Je soupire, je ne sais pas si je suis en état de subir une conversation lourde de conséquences mais il le faudra bien.
« Monte » je rédige sur mon téléphone avant de cliquer sur la touche envoi. Je viens d'arriver et je suis en leggings, gros pull gris sur mon canapé, une tasse en carton de soupe minute au poulet dans la main. Je pose mon pseudo repas sur la table basse et jette un coup d'œil dans le miroir. Comme d'habitude, mes cheveux vivent une vie qui leur est propre. J'attrape une pince dans mon entrée et les attache vite fait.
J'ai le cœur qui bat vite lorsque j'ouvre la porte. Joey se balance d'un pied sur l'autre, les mains dans les poches de sa veste. Il me jette un coup d'œil, semble hésiter puis passe devant moi lorsque je m'écarte pour le faire entrer. Il ne cherche pas à m'embrasser fougueusement comme habituellement. Non, il fait les cent pas devant mon canapé.
― Je suis quoi pour toi Amy ?
Sa voix est blanche. Une boule monte dans ma gorge. Je me rends compte que je suis incapable de répondre à sa question. Je le fixe sans arriver à formuler une phrase cohérente dans ma tête.
― Tu veux que je te dise Amy ? Je suis la personne qui remplit les cases pour ta famille. Je suis celui qui te sert de doudou quand tu as besoin de décompresser. Mais je ne pense pas être la personne qui a une place dans ton cœur Amy.
Ses mots me font mal. Ils sont justes mais faux en même temps. Je l'apprécie. Beaucoup. Enormément même. Juste que ça ne suffit pas. Je me racle la gorge. La boule semble être à présent descendue dans mon estomac.
― Joey... Je... Ce n'est pas ça... C'est...
― C'est quoi Amy bon sang ? Tas tu envie de construire quelque chose avec moi ? Une famille ? De se projeter ensemble dans le futur ? Réponds-moi franchement, plus de faux semblant.
― Je... C'est compliqué Joey...
― Je ne vois pas en quoi c'est compliqué. Tu en as envie ou non. C'est aussi simple que ça !
― Je suis terrifiée ok ?! Vous attendez tous de moi des choses que je ne suis pas en mesure de donner ! Je te l'ai dit lorsqu'on a rencontré tes parents. Le schéma couple et famille me fait peur. Tu m'as affirmé qu'on prendrait le temps, mais c'est faux ! Je me sens oppressée, car je sens que tu attends bien trop de moi ! Je ne suis pas une romantique, je ne sais pas faire. Je n'ai rien d'autre à donner que ce que tu as déjà eu Joey.
Il s'assoit sur le canapé et se prend la tête entre les mains. Je me retiens d'aller m'assoir à côté de lui, je sens que cela ne ferait qu'empirer les choses. J'ai l'impression que c'est la première fois que nous nous parlons sans langue de bois.
― Je suis perdue dans ma vie Joey. Je peine à savoir qui je suis. Et puis, en ce moment, je n'ai pas de temps aussi, tu t'en rends bien compte ? Avec l'absence de mon père puis de mon frère...
― Moi non plus, je n'ai pas beaucoup de temps, dit-il d'une voix sourde, mais je sais en créer pour ce qui est vraiment important à mes yeux.
Sa réplique me fait l'effet d'une gifle.
― Tu mérites mieux que ça Joey, j'en suis consciente. Mais je t'ai donné qui je suis. Je ne peux pas plus.
― C'est faux Amy. Tu refuses de t'ouvrir à moi, lorsque nous sommes ensemble, je te sens ailleurs la plupart du temps. Je ne suis pas idiot non plus !
Je n'ai rien à répondre à ça, car il a raison. Je suis incapable de lui ouvrir mon cœur car il est déjà pris par quelqu'un d'autre. Je m'en rends compte à présent. Mais je ne pense pas que lui donner cette information soit capitale. Je lui ai déjà assez fait de peine comme ça. Il lève la tête vers moi et nos regards se croisent. Nous en venons à la même conclusion mais aucun de nous n'ose prononcer la phrase qui scellera la fin de notre histoire. Je lui prends la main pour le faire se lever.
Je l'embrasse tendrement sur la bouche, il approfondit mon baiser.
― Je suis désolée Joey, dis-je sur ses lèvres.
― Moi aussi Amy. Moi aussi.
Il prend mon visage en coupe dans ses mains et après un dernier échange de regards, m'embrasse sur le front avant de quitter doucement l'appartement. Une larme silencieuse coule sur ma joue.
****
Et voilà pour le chapitre du jour... Je vous promets que maintenant que j'ai bien mis la tête d'Amy sous l'eau... elle ne peut que remonter! J'ai adoré écrire ce chapitre!
Ah.. mon petit Joey... il ne devait qu'être un élément de passage dans cette histoire, sauf qu'il a tapé l'incruste chapitre après chapitre, et ca me brise le cœur de l'abandonner ainsi. J'ai même envisagé un revirement de situation à un moment, tellement je m'étais attachée à ce personnage ;)
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Prendre son envol
Fiksi UmumAmy, avocate en Irlande, travaille dans le cabinet familial "O'Donnel & Associés", aux côtés de son père et son frère. Son avenir est réglé comme du papier millimétré, tout a été planifié et pensé. Sa famille gère sa vie professionnelle et même priv...