Chapitre 4 : Conviction (2/2)

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Magdelaine se retrouva dans un couloir dont la luminosité l'éblouit quelques instants. Quand elle put y voir plus clair, elle contempla les murs qui semblaient s'étendre à l'infini devant elle dans un silence étouffé. Aucune source de lumière n'était visible, mais on y voyait clair comme en plein après-midi d'un jour d'été ensoleillé. Elle se retourna et constata que la caverne du portail avait disparu. À la place, le même couloir sans fin se poursuivait à perte de vue. Loin de s'en affoler, elle se mit en route.

Le Monde d'En Dessous. Le monde dont on disait que les sorcières étaient originaires avant d'émigrer parmi les Hommes. Celui-ci fonctionnait différemment du Monde d'Au-Dessus. Il suffisait de savoir où l'on souhaitait se rendre pour que soit créé un passage qui y menait. La magie qui l'habitait lui avait donné une conscience et des humeurs, très changeantes. Il n'avait cependant pas d'autre moyen d'expression que l'apparence qu'il revêtait, ce qui pouvait donner lieu à des surprises quand on y mettait les pieds. C'était pourtant la première fois que la jeune femme lui découvrait une monotonie et un calme aussi déconcertant, détonnant avec le paysage qu'elle avait contemplé le matin même, fait d'obscurité et d'innombrables passages d'où émanaient des bruits inquiétants. Un monde alors terrifiant et terrifié.

Marchant ainsi dans une allée infinie, sans porte, sans fenêtre, sans la moindre aspérité dans ses murs blancs et lisses, un nouveau sentiment la prit alors à la gorge : le malaise. Le désespoir.

Elle secoua la tête et se concentra sur sa destination. La Bibliothèque. Les Archives.

Magdelaine avança encore sur une centaine de pieds quand une porte blanche lui apparut tout à coup sur sa gauche. Soulagée, la jeune femme se jeta sur la poignée, l'ouvrit et referma aussitôt le panneau de bois derrière elle. Elle resta appuyée un moment contre la porte, les yeux fermés, essayant de se débarrasser du mal-être que lui avait procuré son court passage dans le couloir.

Après quelques minutes, elle ouvrit les paupières et prit une grande inspiration pour humer la douce odeur du papier ancien, parfois millénaire, qui flottait tout autour d'elle. Balayant les lieux du regard, elle ne put retenir un sourire.

Des livres. Des centaines de millions de livres entreposés sur des bibliothèques en bois. Ces dernières étaient réparties sur plusieurs niveaux visibles grâce à l'ouverture centrale perçant les étages, tous plus hauts les uns que les autres. Levant la tête, Magdelaine aperçut, très loin au-dessus d'elle, la voûte du plafond brillant d'une lueur dorée. Les niveaux ne se résumaient cependant pas uniquement aux coursives longeant le puits de lumière : la jeune femme savait que des allées permettaient de s'enfoncer toujours plus profondément dans la Bibliothèque, dont elle ignorait si elle avait seulement une fin.

La Bibliothèque de l'En Dessous, aussi appelée Archives de l'Assemblée, contenait toutes les connaissances du monde de la magie. Tout ce que les sorcières et sorciers avaient pu écrire un jour se trouvait ici, quelque part dans l'immensité du lieu.

Consciente de la tâche vertigineuse qui l'attendait, Magdelaine s'avança vers le petit comptoir en bois au centre.

Le meuble était couvert d'ouvrages de toutes tailles et couleurs, parfois ouverts, parfois fermés et empilés. Derrière ce fatras se tenait une femme grande et maigre dont les cheveux gris tirés en chignons et les lèvres pincées lui donnaient un air austère et peu amène que sa longue robe noire cintrée ne faisait que renforcer. Elle tenait la couverture d'un livre d'une main et remplissait de l'autre ce qui semblait être un registre.

Quand elle vit Magdelaine approcher, la femme leva vers elle un regard sévère. Elle indiqua une table derrière elle de sa plume et lui annonça d'une voix cassante :

La Malédiction de la Sorcière au Corbeau (50%)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant