La Malédiction de la Sorcière au Corbeau (50%)

Chapitre 7 : Enfiellé (2/3)

Une troisième équipe les rejoignit à ce moment-là, haletante. Il s'agissait de Lison et d'un inquisiteur d'une trentaine d'années sans rang particulier dont Magdelaine ignorait le nom. Quand elle vit sa meilleure amie, la sorcière de la terre lui sourit et s'approcha d'elle. Elle parut sur le point de dire quelque chose mais se ravisa, hors d'haleine, et posa une main sur un genou, l'autre sur le bras de Magdelaine. Lison n'avait jamais été très endurante.

Pendant que tout le monde reprenait son souffle, Christophe fit les cents pas, une main dans les cheveux, en pleine réflexion, avant de revenir vers eux.

― Frappez à toutes les portes. Dites aux habitants qu'une femme dangereuse s'est échappée de prison et que nous la recherchons. Qu'ils ne laissent entrer personne.

Les trois équipes divisèrent la rue en trois zones et se les répartirent avant d'entreprendre de se présenter à toutes les portes. Ce silence pesait sur Magdelaine après l'excitation provoquée par les nombreux croassements. Pourquoi les corbeaux s'étaient-ils tus ? Étaient-ils avec la Sorcière en ce moment même ? Cette dernière était-elle déjà partie ? Se trouvait-elle derrière l'une de ces portes, se préparant à les brûler vifs ?

La jeune femme glissa son pendentif dans sa paume, prête à agir en cas de besoin, et suivit Christophe qui se dirigeait au pas de course vers la porte la plus proche de lui. Il envoya son poing dans le panneau de bois aussi fort qu'il le put. Après un instant bien court pour une heure aussi avancée, une voix s'éleva à l'intérieure, signalant son arrivée. Une femme d'un âge assez avancé vint leur ouvrir en tenue de nuit, une chandelle à la main.

― Oui ? demanda-t-elle d'une voix où l'étonnement se mêlait à l'endormissement.

― Nous cherchons une femme, une meurtrière qui nous a échappé cette nuit, auriez-vous vu ou entendu quoi que ce soit ? s'enquit Christophe d'un ton pressant.

La femme masqua un bâillement de sa main.

― Vous voulez dire à part ces corbeaux à l'instant ? Je n'ai rien remarqué d'inhabituel.

― Pourriez-vous aller vérifier que toute la maisonnée va bien ? la somma-t-il.

La femme acquiesça et disparut dans l'obscurité de la maison.

― Restez ici, je vais à côté, ordonna Christophe à Magdelaine.

Devant l'urgence de la situation, la sorcière ravala sa fierté mise à mal par le ton autoritaire de son coéquipier et resta campée devant la porte, attendant le retour de l'habitante. Cette dernière ne tarda pas, le sommeil ayant à présent déserté son visage, ses yeux alertes. Elle sembla remarquer la jeune femme pour la première fois et une ombre de désapprobation passa sur son visage.

― Où est le sieur qui se trouvait là ? la questionna-t-elle en fronçant les sourcils.

― À côté, répondit sèchement la sorcière. Alors ?

― Tout le monde est sain et sauf, lâcha l'habitante avec réticence. Mais dites-moi, que fait une jeune femme comme vous dehors à cette heure-ci ? Laissez ces messieurs faire leur travail et rentrez auprès de votre époux ou de vos maîtres.

Magdelaine força un sourire sur ses lèvres, ravalant le sort qui aurait jeté l'équivalent d'un seau d'eau sur la tête de la femme. Réveillée pour réveillée, cela n'aurait pas pu lui faire grand mal.

― Barricadez-vous à l'intérieur et n'ouvrez plus à personne cette nuit, lui intima la jeune femme. Ordre du « sieur qui se trouvait là ».

Sur ce, elle tourna les talons et rejoignit Christophe à côté.

Son ton avait été plus acerbe qu'elle ne l'avait souhaité. Elle fulminait, certes, mais ne pouvait pas en vouloir à la femme. Les choses étaient différentes dans la société des humains où les hommes étaient plus puissants et mieux considérés que les femmes. À chaque fois qu'elle recevait un commentaire de la sorte, pourtant, elle pensait à la condition des sorciers dans son propre monde. Ils possédaient généralement une magie moins puissante que celle de leurs homologues féminins et étaient souvent relégués à des postes de moindre importance, voire à la maison à s'occuper des enfants. Son père avait eu la chance de naître avec un pouvoir largement au-dessus de la moyenne, comme bien souvent chez les Morglas, ce qui lui avait valu une place à l'Assemblée des sorcières, majoritairement féminine. Les autres devaient lutter pour obtenir ne serait-ce qu'une once de reconnaissance.

Elle secoua la tête. Ce n'était pas le moment de penser à cela. Déjà, Christophe lui faisait signe d'attendre les nouvelles devant la seconde maison tandis qu'il passait à la porte suivante.

Quatre maisons plus tard, un cri attira leur attention. Un peu plus loin dans la rue, de l'autre côté, Victor était en train de dégainer son épée et Jeanne leur faisait de grands signes.

Tandis que Magdelaine et Christophe se précipitaient vers eux, Victor envoya un grand coup de pied dans la porte, faisant sursauter Jeanne qui ne s'y attendait visiblement pas. Il pénétra aussi sec dans la maison et la sorcière du vent le suivit.

Quand le duo entra à son tour, Victor était déjà penché sur le corps. Une jeune femme enceinte était agenouillée de l'autre côté, en pleurs. Jeanne s'était approchée d'elle et tentait de la réconforter. Magdelaine et Christophe s'approchèrent à leur tour de la victime, illuminée par les rayons de la lune s'invitant par la porte ouverte ainsi que par la chandelle déposée à même le sol, sans doute par son épouse quand elle avait découvert le corps.

Il s'agissait d'un jeune homme brun dont le visage blafard était tourné vers la porte d'entrée. Un liquide sombre recouvrait son cou et Magdelaine comprit à l'odeur métallique qui régnait dans la pièce qu'il s'agissait de sang.

Du sang ? Elle nota cette information dans un coin de sa mémoire.

Les bras de l'homme étaient collés contre son corps, sa chemise de nuit déchirée entre le coude et l'épaule, le tissu blanc bordé de noir à cet endroit, la chair en dessous brûlée. Ses doigts étaient crispés, marques d'une douleur intense, insoutenable, qui se devinait également sur les traits de son visage et ses yeux sombres révulsés.