Chapitre 2 : Discorde (2/2)

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Après avoir attribué un rôle à chacun, Christophe congédia ses hommes. Il se retrouva alors seul avec Magdelaine.

― De quelle manière souhaite nous aider l'Assemblée ? s'enquit-il.

― Nous partagerons avec vous toutes les informations que nous avons dans nos propres archives, expliqua-t-elle. Nous pouvons également vous prêter main forte en ce qui concerne les rondes.

Christophe acquiesça, satisfait.

― Et vous, mademoiselle, que savez-vous au sujet de cette sorcière ? En tant que descendante de la famille protégeant son médaillon, j'imagine que vous êtes plutôt informée.

Magdelaine secoua la tête en soupirant.

― Malheureusement, nous savons très peu de choses. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une femme et, étant une Sorcière Primordiale, elle est liée à un animal : le corbeau dans son cas. La légende raconte qu'elle se trouvera là où ces derniers se rassemblent. C'est à peu près tout ce que je sais.

Christophe se gratta la tempe, l'air pensif.

― On aurait pu croire qu'en tant qu'ennemie absolue de l'Assemblée, les sorciers et sorcières seraient les plus au fait...

― Chacune de ses apparitions est un traumatisme pour nous comme pour vous. Quand elle disparaît, chacun panse ses plaies et tente de se reconstruire en oubliant le passé. Notre seule chance d'obtenir plus d'informations se trouve dans les écrits de nos ancêtres qui l'ont côtoyée par le passé.

Magdelaine savait à quel point les apparitions de la Sorcière pouvaient impacter quelqu'un, son père s'étant trouvé à Londres près d'un demi-siècle auparavant. Elle ne se rappelait plus comment elle l'avait appris, mais ce n'était pas de sa bouche. Il n'en avait jamais parlé, et ce jusqu'à sa mort survenue l'année passée. À présent qu'elle se retrouvait confrontée à cette même adversaire, elle lui en voulut pour son silence.

L'inquisiteur se leva, décidé.

― Dans ce cas, mettons-nous au travail. Puis-je compter sur vous pour consulter les Archives de l'Assemblée ?

― Bien entendu, affirma-t-elle.

Apparemment rassuré, Christophe lui indiqua la porte, l'invitant à le précéder. Magdelaine fit mine de s'exécuter avant de se rappeler un détail.

― Au fait, comment votre subordonné a-t-il su qui j'étais quand il m'a vue en entrant ? demanda-t-elle.

À sa connaissance, rien ne la distinguait des humains ordinaires... Si l'Inquisition avait trouvé un moyen de repérer les sorcières, tout alliés qu'ils étaient en ces temps troublés, elle aurait bien aimé le connaître et en faire part aux siens.

Christophe arbora un sourire amusé.

― Les gens ordinaires ne se promènent pas avec des pierres lumineuses autour du cou.

Il tapota sa propre poitrine, invitant Magdelaine à baisser les yeux. Lorsqu'elle vit, bien en évidence, la gemme bleu saphir émettant une douce lueur au bout de la chaîne argentée qui pendait à son cou, elle retint un cri d'effroi et s'empressa de dissimuler la pierre sous ses vêtements.

― Ce n'est pas dans l'habitude des sorciers non plus, d'ailleurs. Vous deviez vraiment être nerveuse lorsque vous avez pris la route pour notre abbaye ce matin...

La jeune femme rougit violemment, embarrassée, et se dirigea d'un pas décidé vers la porte sans ajouter de commentaire.

Dehors, la pluie avait commencé à tomber. Magdelaine rabattit sa capuche sur sa tête et pressa le pas vers la sortie. Christophe avait quant à lui pris la direction des archives pour donner ses directives concernant les recherches.

Malgré la situation peu reluisante dans laquelle ils se trouvaient tous, la jeune femme était plutôt satisfaite de son entrevue avec l'Inquisition. Non seulement avaient-ils accepté l'aide de sa communauté, elle quittait également l'abbaye en vie.

Soulagée, elle retint un sourire qui aurait été malvenu et se concentra sur la tâche immense qui l'attendait : éplucher les archives innombrables que comptait l'Assemblée.

Elle expira un grand coup pour se donner du courage et accéléra le pas.

Sur sa gauche, des bruits de course sur le gravier l'interpellèrent. Elle se tourna, pensant qu'on lui ramenait quelque chose qu'elle avait oublié et dans un éclair argenté, le monde ne fut plus que douleur. Elle tendit la main vers sa poitrine et aperçut la poignée de l'épée qui y était fichée. Levant les yeux, elle les planta dans ceux d'un homme, jeune, au regard vide. Sa bouche était couverte d'un tissu noir, mais il portait bel et bien l'uniforme rouge et bleu de l'Inquisition.

Il tenait la poignée de l'épée d'une main et avait posé l'autre sur le pommeau, s'en servant pour donner plus de force à son attaque.

Et il avait bien visé, Magdelaine dut bien le reconnaître, car la rapière avait évité les côtes et s'était plantée droit dans son cœur.

Son instinct la poussa à tendre la main vers son collier, mais sa raison l'en empêcha. Elle laissa l'assassin retirer l'épée sans agir et le regarda s'enfuir en courant tout en s'effondrant à genoux, terrassée par la douleur. Elle entendit à peine les cris qui commençaient à fuser autour d'elle, toute son attention étant dirigée vers le gravier qui commençait à se teindre de rouge tout autour d'elle.

Elle lutta pour rester consciente, formant un poing de la main avec laquelle elle se retenait.

Des paumes se posèrent sur ses épaules, une tête se pencha vers elle. La jeune femme leva péniblement les yeux et reconnut le père Claude. Derrière ses petites lunettes de travers, l'inquiétude marquait tous les traits de son visage.

Il leva la tête et pointa une direction du doigt. Des formes rouges et bleues apparurent, puis disparurent de son champ de vision.

Magdelaine se força à respirer profondément. Sa tête tournait. Elle concentra toute son attention sur son poing serré et de l'autre main, sortit sa pierre et l'entoura de ses doigts. Une douce chaleur se répandit sur sa peau et elle concentra sa magie sur sa blessure, endiguant l'hémorragie.

Quelqu'un d'autre arriva à ses côtés. Elle sentit des bras la soulever et la transporter vers le bâtiment qu'elle venait de quitter. La jeune femme se focalisa sur ses jambes et marcha comme elle put, se laissant guider par ceux qui la soutenaient.

Après ce qui lui parut une éternité, on l'aida à s'allonger sur un matelas dans lequel elle s'enfonça avec un soupir de soulagement. Le brouillard devant ses yeux commençait à s'estomper et elle put distinguer un peu plus clairement les boiseries qui ornaient le plafond.

Tout à coup, son champ de vision fut entièrement occupé par une petite tête ronde couverte de taches de rousseurs et encadrée de frisottis châtains. Des yeux d'un vert brillant la fixaient avec intérêt.

Ac'hanta ! Ce malotru ne vous a pas loupée ! s'exclama l'inconnue avec un accent chantant.

La Malédiction de la Sorcière au Corbeau (50%)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant