Tout espoir de négociation disparut à l'instant où elle croisa son regard : cet homme n'était pas ici pour parler mais pour tuer. Elle le savait, sa cible était la même que ceux qui l'avaient précédé. Les deux sorciers en question avaient bien voulu se laisser convaincre d'abandonner, ce ne serait pas le cas de celui-ci. Son attention se porta sur le poids qu'elle sentait à sa ceinture, sur la sacoche qui y pendait et ce qu'elle contenait. Son fardeau lui pesa tout à coup lourdement.
La jeune femme sortait son médaillon quand un mouvement sur sa gauche attira son attention. Lison s'était relevée et elle tendait déjà la main vers l'inconnu, rassemblant sa magie. De sa paume sortirent de minuscules aiguilles de terre qui vinrent se fracasser contre le mur de vent de leur assaillant.
― Cours, Magdelaine, je vais le retenir... marmonna-t-elle, concentrée, une lueur de détermination dans les yeux.
Cette fois-ci, un nuage de poussière s'éleva devant sa main tendue et se précipita sur l'inconnu, se mêlant au vent qui tournoyait autour de lui. Lison canalisa les particules de terre et les laissa voltiger autour de la tête de sa cible, bloquant son champ de vision.
Les yeux de Magdelaine passèrent tour à tour de l'attaquant à sa meilleure amie. Elle ne ressentait plus la fatigue, mais cette dernière, toujours bien présente, l'empêchait de mobiliser toutes ses facultés mentales sur la situation. Elle dut faire un effort surhumain pour se concentrer sur ce qui se passait sous ses yeux.
Si elle partait, Lison, avec son faible pouvoir magique, ne ferait pas long feu face à cet adversaire qui pouvait repousser ses attaques à volonté et était selon toute vraisemblance plus puissant qu'elle. À en juger par la force de sa première attaque, le pouvoir de cet homme se situait au-dessus de la moyenne. Sa meilleure amie, malgré tous les efforts qu'elle avait pu fournir et toutes les connaissances qu'elle avait accumulées, restait loin en dessous.
La sorcière de l'eau prit alors sa décision. Ignorant Lison, elle saisit son médaillon et invoqua sa magie. Dans sa paume se forma une bulle d'eau qui se modela en aiguille. Magdelaine mobilisa toutes ses forces dedans et l'envoya voler aussi vite qu'elle le pouvait droit dans la poitrine de son adversaire.
Le projectile traversa sans peine le mur de vent de l'homme avant de transpercer son cœur. Il tomba à genoux sous le coup de la douleur, une main sur le torse. Sa concentration vacilla et les bourrasques qui l'entouraient disparurent.
Magdelaine avança d'un pas, la main toujours levée.
― Tu es vaincu. Va-t'en, lui ordonna-t-elle.
L'homme garda un instant la tête penchée vers le sol, silencieux. Magdelaine fronça les sourcils et fit un pas de plus sans tenir compte de Lison qui essayait de la retenir.
L'attaquant leva une nouvelle fois le bras, rassemblant sa magie. Un sifflement caractéristique alerta Magdelaine qui dressa d'un simple geste de la main un puissant bouclier aqueux. La lame de vent vint s'y fracasser, incapable de le traverser tant la force des deux magies différait. La détermination de l'homme ne faiblit pas pour autant. Il se releva, la main tendue dans sa direction, le vent commençant une nouvelle fois à se lever, la poussière voletant en tous sens autour de lui...
La lame d'eau que Magdelaine tenait prête dans son angle mort s'abattit.
Elle s'obligea à regarder tomber à terre l'homme qu'elle avait tuer, le premier, sa tête roulant à ses pieds et son sang venant peu à peu rougir les pavés. Ses yeux gris se fixèrent sur elle. La lueur en eux qui l'avait tant secouée quelques instants auparavant s'était éteinte. Toute vie avait déserté ses pupilles.
L'adrénaline quitta aussitôt le corps de la jeune femme. Elle plaqua une main contre sa bouche, retenant un haut-le-cœur, et sentit ses jambes flageoler. Un bras la retint par derrière et la força à détourner le visage. Elle se retrouva serrée dans une étreinte réconfortante.
― Tu n'y es pour rien, lui murmura Lison.
Magdelaine leva les yeux vers son amie qui lui sourit. Un petit quelque chose dans ce rictus lui paraissait déplacé, étranger à la situation actuelle. Elle n'y prêta pas attention, sentant la fatigue la prendre d'assaut.
Elle voulait monter chez elle, se glisser sous ses draps, s'endormir pour ne jamais se réveiller, tout oublier. La Sorcière au Corbeau, l'Assemblée, l'Inquisition, les morts... Tout. Si elle ouvrait à nouveau les yeux, peut-être son père se trouverait-il à ses côtés, ainsi que sa mère. Peut-être se rendrait-elle compte qu'elle n'était finalement encore qu'une petite fille de trois ans et que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve. Elle le souhaitait tellement qu'il lui semblait impossible que cela ne se réalisât pas.
Monsieur Landec apparut à la porte de la boutique, sans doute alerté par les éclats de magie provoqués par le combat. Il se précipita alors vers Magdelaine et aida Lison à l'entraîner vers la librairie, la portant à moitié.
Derrière elles, le corps de l'homme, dont la magie s'évanouissait peu à peu, se transforma en brise que le vent accompagna vers l'Éther.
Assaillie par la fatigue, ne réalisant pas encore pleinement son geste, Magdelaine fut happée par le sommeil dès que sa tête se posa sur son oreiller. Elle ignorait alors qu'elle vivait ses dernières heures de repos véritable avant que les drames ne s'enchaînassent et que les événements ne s'accélérassent, ce jusqu'à l'Apocalypse.
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La Malédiction de la Sorcière au Corbeau (50%)
Fantasía⚠️ 𝐒𝐞𝐮𝐥𝐞 𝐥𝐚 𝐩𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞̀𝐫𝐞 𝐦𝐨𝐢𝐭𝐢𝐞́ 𝐝𝐮 𝐫𝐨𝐦𝐚𝐧 𝐞𝐬𝐭 𝐝𝐢𝐬𝐩𝐨𝐧𝐢𝐛𝐥𝐞 Royaume de France, début du XVIIIe siècle. Lorsque la redoutable Sorcière au Corbeau s'éveille après plusieurs décennies de sommeil, Magdelaine Morglas, d...