Règlement de comptes à OK Corral (3ème partie)

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Ils vont finir par en venir aux mains nos deux cowboys, pardon, nos deux clients, assoiffés de sang. Toujours dans l'esprit western, je me rappelle d'une scène de la Rivière Rouge où John Wayne et Montgomery Clift se battaient comme des chiffonniers. Mais cela s'était bien terminé, même s'il avait fallu l'intervention au revolver de celle qui jouait la petite amie de Clift dans le film. Je ne suis pas certaine que, dans le cas présent, ce soit très approprié.


J'aperçois alors le directeur de l'hôtel qui se précipite vers les deux combattants afin de les séparer. Mamie est invitée à le suivre tandis que le père de famille regagne sa table.


Le calme revient, je vais enfin pouvoir continuer à manger en paix. Oh, je ne suis pas contre un peu d'animation de temps en temps mais là, ça devenait quand même sacrément dangereux.

Je réfléchis aux arguments que je viens d'entendre et il y a un point que je ne peux pas nier : les brochures des agences de voyage gomment toujours la réalité de terrain.


On ne vous présente que les plus belles photos, les plus beaux coins. De plus, la plupart des touristes qui se rendent dans des pays « exotiques » restent à l'intérieur des complexes hôteliers, se rendent dans des quartiers faits sur mesure pour eux et ils ne voient pas la réalité de la population locale. Alors, forcément, lorsqu'ils y sont confrontés, le choc est terrible.


Le père de famille, calmé, discute à présent avec un serveur qu'il semble bien connaître. Je tends l'oreille pour écouter leur conversation.

— Franchement, c'est de pire en pire ! Chaque fois que je viens, je tombe sur des illuminés de première. Je ne comprends toujours pas comment tu fais pour les supporter !

— Oh, pour deux clients désagréables, tu en rencontres dix merveilleux ! Mais restons honnête, il y en a beaucoup chez nous qui s'en fichent de l'environnement. Ça jette tout par la fenêtre de la voiture, ça déverse ses détritus au coin de la rue, ça laisse des pneus au fond de l'océan...Et les plages publiques c'est pas terrible. On a encore des progrès à faire à Maurice !

— Peut-être mais ce n'est pas pour cela qu'il faut se laisser insulter même si la venue de ces gens crée des emplois. Tu sais, je ne vais plus en vacances à la Côte d'Azur. La Méditerranée, ça c'est une vraie poubelle !


Le serveur adresse ensuite un clin d'œil à son ami :

— N'empêche, elle n'avait pas tout à fait tort pour l'absence de code de la route. On ne peut pas dire que nous soyons bons élèves...


À qui le dites-vous mon cher monsieur ! Je termine rapidement mon petit déjeuner, la loggia commence à être envahie de clients et le bruit devient incommodant. Je quitte les lieux en faisant bien attention où je mets les pieds, et les béquilles. Manquerait plus que je me fasse remarquer à mon tour. Une voiturette m'attend près de l'entrée de l'hôtel pour me ramener à bon port.


Je passe la matinée au bord de la piscine à lister les points positifs et négatifs de la proposition d'Adrien. J'en profite également pour noter toutes les pensées qui me traversent l'esprit, même si elles ne sont pas liées.

Finalement, je pose sur le papier des réflexions sur ma vie professionnelle et privée, sur mes succès, mes déboires, mes désillusions. Puis, je prends le temps de m'attarder sur ma famille. C'est étrange, avec le recul, je prends conscience de certains faits qui auraient dû m'alerter depuis longtemps. Des phrases en apparence inoffensives intégrées dans la conversation, des petites piques lancées par mon frère ou mon père, des reproches sur mon trop grand nombre d'heures de travail...


C'est dur de se rendre compte qu'on se plante depuis des années. Pire encore, je réalise que je suis entourée de faux culs qui n'ont jamais supporté mes choix de carrière mais qui ont eu le culot de me faire croire l'inverse. Et je n'ai jamais rien remarqué.

En fait, je crois que c'est cela que je n'accepte pas : la trahison, le mensonge. Je suis une personne honnête, je dis toujours ce que je pense même quand il serait préférable de se taire. Je relis toutes mes notes : ma priorité, dès mon retour à Paris sera de prendre mes distances avec ma famille.

Certains trouveront cela sans doute excessif mais je suis rancunière. Avec moi, il n'y a jamais de seconde chance une fois que la confiance a été trahie. C'est étrange, cette décision ne me fait ni chaud ni froid. Je ne ressens aucun pincement au cœur, aucune tristesse à l'idée de ne plus passer le dimanche après-midi chez mes parents ou encore de faire le deuil des fêtes familiales. Mais c'est ainsi. Je préfère cent fois être seule que très mal entourée.


Je déteste le sable, je déteste la mer...et les cartes postales !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant