J'adorais la cuisine asiatique. Mais ça, c'était avant...

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Quand je vous dis que j'ai la poisse ! Voilà à nouveau mon cher Dylan devant moi. Franchement c'est à se demander s'il n'est pas un peu psychopathe sur les bords celui-là. Je réfléchis rapidement à la méthode la plus efficace pour le faire dégager rapidement.

Je commence par lui offrir un sourire crispé tandis qu'il me demande ce que je lis.

Je lui indique que c'est le bouquin d'une amie et je vois son intérêt grandir. Merde, c'était pas le bon plan de lui en parler.

Oh, finalement...je crois que si.

— Et il parle de quoi ce livre ?

— De la seconde guerre mondiale.

— Sacré thème !

— Oui, mais elle se diversifie, elle fait aussi dans le thriller. Elle a la sale habitude de commettre de nombreux assassinats littéraires. Mais je dois reconnaître qu'elle a de bonnes idées.

— Quoi, vous voulez dire...de meurtres ?

— Oui. Mais rassurez-vous ce n'est que de l'écriture, elle n'est pas encore passée à la pratique.

— Heureusement !

Satisfaite, je vois la tête de Dylan changer. Je poursuis :

— Ces derniers temps elle s'est mise en tête de décrire l'assassinat d'un aristocrate anglais au dix-neuvième siècle avec un arc et des flèches. Mais ça c'est parce qu'elle adore Stephen Amell qui joue le rôle d'Oliver Queen dans Arrow. Quand vous regardez son fil Facebook, il y a toujours des questions bizarres du genre « comment empoisonner quelqu'un avec des champignons », « quel sera le temps de l'agonie d'un homme s'il se retrouve coincé dans la cabine d'un voilier qui fait naufrage » ou encore « comment faire en sorte qu'une voiture prenne feu après un crash ».

— Ha.

— C'est toujours intéressant à savoir vous ne trouvez pas ?

— Euh...oui sans doute. Hum, je vais vous laisser. J'ai prévu une séance de sport avant le dîner.

Et il file sans demander son reste. Et bien voilà, ça...c'est fait ! Dire que je n'ai même pas menti en plus. Faut croire cependant que Dylan a trouvé que j'avais de drôles de fréquentations.

Je m'attarde une heure à la piscine avant d'aller me préparer pour le dîner. Ce soir, ce sera asiatique ! J'ai un faible pour cette cuisine, j'ai hâte de découvrir ce que l'hôtel propose !

Le lieu est splendide. Le restaurant est entouré d'eau, je redouble donc d'attention pour ne pas me casser la figure. Des lanternes flottantes sont dispersées çà et là, cela ajouté un petit côté romantique qui n'est pas déplaisant. Mais l'ambiance est cassée par la présence de nombreuses grenouilles dont le coassement incessant irrite mes oreilles dès que j'entre dans la vaste salle à manger. Les plats devront être au top pour que j'accepte d'y revenir...Mon dieu ce boucan est infernal !

Des averses étant annoncées en soirée, je demande une table située plus au centre. En effet, comme partout dans l'hôtel, tout est ouvert sur l'extérieur. Ils ont quand même des portes en bois qu'ils ferment en cas de tempête mais pour le reste, ce sont de modestes stores qui dont déployés si la pluie tombe de manière trop intense.

Et puis je me connais, je suis capable de faire tomber ma fourchette dans l'eau. Mieux vaut anticiper et jouer la carte de la prudence.

J'examine le menu qu'un serveur me tend : il existe une liste pour les plats très épicés. Comme je ne connais pas leur manière de cuisiner, je choisis une entrée et un plat qui n'en font pas partie. L'entrée est à base de crabe et le plat d'un poisson local.

J'observe discrètement la table à côté de moi où est installé un jeune couple. L'homme, contrairement à ce qu'exige le code vestimentaire est vêtu d'une chemise bleu clair largement ouverte sur son torse et d'un short noir. Alors, certes il a des mocassins Gucci à ses pieds mais sa tenue laisse clairement à désirer pour l'endroit. Chassez le naturel, il revient au galop : comme ils sont français, je ne peux m'empêcher de recadrer le client.

Je me tourne vers lui, toussote pour me faire remarquer et, lorsque je dispose de toute son attention, je déclare, d'un ton caustique :

— Je croyais qu'une tenue décente était souhaitée. L'hôtel a changé son règlement ?

Le mec s'étrangle avec la gorgée de vin qu'il était occupé à savourer. Sa compagne me dévisage ahurie, puis elle lance vers son époux :

— Je t'avais pourtant dit que c'était trop décontracté. Tu me fais passer pour quoi maintenant ! Va te changer !

Satisfaite, j'observe l'homme quitter le restaurant à la hâte. Mon entrée arrive au même moment et je me concentre sur mon repas. Le fumet qui exhale de mon assiette est prometteur. Confiante, je coupe un bon morceau de mon gâteau de crabe et je le croque avec envie.

Mais je comprends très vite que j'ai commis une grave erreur. La bouche en feu, je verse rapidement de l'eau dans mon verre que je vide d'une traite. Peine perdue, ma gorge est toujours la proie des flammes de l'enfer. Les larmes aux yeux, je tente de garder une contenance et je feins de m'absorber dans la contemplation d'un mail sur mon smartphone.

Le cuisinier, si je le rencontre, je l'étripe ! Je siphonne un litre et demi d'eau en moins de vingt minutes. On n'a pas idée de faire tomber un bocal de piments dans un plat sérieux ! Ou alors, ils se sont plantés dans la carte. Ça, c'est une possibilité.

Le serveur vient me demander si tout se passer bien et si j'apprécie mon repas. Amère, je fulmine :

— SI l'on oublie que le chef a sans doute confondu le piment de Cayenne et le safran, tout va bien.

Vu sa tête, il n'a pas compris ma blague pourrie. Je lui explique donc que l'entrée que j'ai prise et qui n'est pas considéré comme plat épicé, n'était tout simplement pas consommable. Je négocie ensuite pour passer directement au dessert. Au moins avec une assiette de fruits frais, je ne crains rien.

Je quitte les lieux moins d'une heure après m'y être installée, dépitée.

Une chose est certaine, je n'y mettrais plus les pieds. Ayant entendu, en outre, certains clients se plaindre des plats trop épicés du resto indien, je l'exclus d'office pour le restant de mon séjour. Mouais mais du coup, il ne me reste que deux endroits pour trois semaines sur place. Je risque d'avoir fait le tour de la carte en quelques jours mais entre un choix restreint et mourir d'une overdose de piments, ma décision est vite prise !

Pour éviter tout accident mortel, je décide de me rendre à la réception et j'informe l'employée de ma déception culinaire. La jeune femme se montre profondément navrée et m'informe qu'elle me propose en compensation deux repas supplémentaires, en plus de celui déjà offert pour mon séjour, dans le restaurant non inclus dans la pension complète. Je m'inquiète lorsqu'elle mentionne qu'il s'agit de spécialités asiatiques mais elle m'assure que tous les plats sont assaisonnés à la demande du client.

Je décide de lui faire confiance. Dans un établissement pareil, elle n'a pas intérêt à mentir aux clients.

De retour dans ma suite, je regarde la météo à la télévision en me demandant à quelles catastrophes je vais être confrontée le lendemain. 


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Mine de rien une petite référence glissée comme ça sur l'auteur... MDR

Je déteste le sable, je déteste la mer...et les cartes postales !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant